Allemagne : Martin Schulz, un candidat plus coriace pour Angela Merkel ?

Le président du parlement européen a annoncé son retour dans la politique allemande. Avec pour ambition de diriger la campagne social-démocrate contre Angela Merkel. Réaliste ?
Martin Schulz peut-il battre Angela Merkel l'an prochain ?

Martin Schulz quitte la présidence du parlement européen et vise désormais la « Machine à Laver », le surnom que les Berlinois donnent au siège de la chancellerie fédérale. Ce jeudi 24 novembre, il a annoncé sa démission du perchoir de l'hémicycle de Strasbourg et son retour dans la politique allemande. « Je vais désormais lutter pour le projet européen depuis le niveau national », a indiqué celui qui siège depuis 1994 au parlement européen.

Son ambition nationale était suspectée par la presse allemande depuis plusieurs mois. Mercredi, selon le quotidien munichois Süddeutsche Zeitung, il a été décidé que Martin Schulz dirigera la liste social-démocrate dans son Land d'origine, la Rhénanie du Nord Westphalie, pour les élections fédérales de septembre 2017. Mais le président du parlement européen voit évidemment plus loin : il veut être le candidat à la chancellerie de la SPD pour ces élections et affronter directement Angela Merkel.

Quel candidat pour la SPD ?

Or, de ce point de vue, les jeux ne sont pas faits. La SPD devrait décider de son candidat à la chancellerie en janvier prochain. Un candidat potentiel, le ministre fédéral des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, battu sans les honneurs lors des élections de 2009, devrait quitter la bataille : il devrait être élu en février prochain au poste honorifique de président fédéral avec l'appui de la CDU d'Angela Merkel. Reste deux adversaires à Martin Schulz : le Maire de la Ville-Etat de Hambourg, Olaf Scholz, ancien ministre fédéral du Travail de 2005 à 2009 et l'actuel ministre fédéral de l'Economie et de l'Environnement, vice-chancelier et président de la SPD, Sigmar Gabriel. Ce dernier, sans doute l'adversaire le plus sérieux pour Martin Schulz, laisse planer le doute sur sa candidature. Mais sa détermination à assumer la campagne fédérale de la SPD reste incertaine. En 2013, Sigmar Gabriel, déjà président du parti, avait renoncé à diriger la campagne, laissant le flambeau au très peu convaincant Peer Steinbrück.

Positionnement à gauche ?

Martin Schulz est un personnage politique à géométrie variable et son positionnement dépendra des circonstances. Grand protecteur et défenseur de la « grande coalition » avec les Conservateurs du PPE au parlement européen, il n'avait pas hésité à faire voter les Socialistes en faveur de la Commission Barroso en 2009, puis en 2014, en faveur de Jean-Claude Juncker, pour s'assurer la présidence du parlement. Cette fois, face à un Sigmar Gabriel incarnant l'alliance avec la CDU, Martin Schulz pourrait être le candidat de l'aile gauche de la SPD, défenseur de la seule alternative à Angela Merkel, l'alliance « rouge-rouge-verte » avec les Ecologistes et Die Linke. Dimanche, il s'exprimera lors du Congrès des « Jusos », les jeunes de la SPD, très à gauche. Une réunion que fuit depuis des années... Sigmar Gabriel. Mais une fois le vice-chancelier écarté, l'ancien président du parlement européen devrait pouvoir aisément s'entendre avec Angela Merkel pour la poursuite de la « grande coalition ».

Un retour au long cours

Une chose est certaine : à 62 ans, Martin Schulz revient dans la politique allemande pour durer. Il siégera à partir de septembre au Bundestag et on le dit ainsi très intéressé par le poste de Frank-Walter Steinmeier aux Affaires étrangères qui sera libéré le 12 février. En cas de défaite dans la course à la candidature SPD à la chancellerie en janvier, ce serait un lot de consolation idéal pour cet ambitieux notoire qui lui permettrait de s'imposer dans la politique fédérale en vue du scrutin de 2021...

Sept millions de voix de retard

Reste deux questions. La première : en cas de candidature, Martin Schulz sera-t-il un adversaire sérieux pour Angela Merkel ? Depuis la défaite de Gerhard Schröder en 2005, la SPD ne joue pas dans la même cour que la CDU. Entre 2005 et 2013, le parti a perdu 5 millions de voix et près de 10 points de pourcentage, passant de 34,2 % à 25,7 % des suffrages exprimés. Ce recul s'est accompagné, parallèlement, d'une progression de 1,5 million de voix de la CDU/CSU qui a gagné 6,3 points de 35,2 % à 41,5 % des suffrages exprimés. L'écart entre les deux formations étaient en 2013 de près de 7 millions de voix et, on le voit, elle s'explique davantage moins par une progression de la CDU/CSU que par l'abandon des électeurs SPD, notamment vers l'abstention qui, entre 2005 et 2013, a progressé de 4 millions.

Une SPD structurellement en crise

En réalité, la SPD apparaît comme une force de moins en moins centrale dans la vie politique allemande. Abandonnée par ses électeurs historiques de gauche déçus par la « politique de réformes » et par les électeurs centristes, davantage séduits par une Angela Merkel qui a repris plusieurs éléments du discours habituel de la SPD, la formation social-démocrate peine à progresser. Son électorat, souvent assez âgé et géographiquement centré sur quelques bastions, reste désespérément stable autour de 20-25 % des voix. Même la cure d'opposition entre 2009 et 2013 ne lui a pas permis de se redresser réellement. On ne peut certes nier que la figure d'Angela Merkel pèse lourd dans les difficultés de la SPD, mais il est très peu probable que ce parti retrouve sur une simple question de personnalité, ses scores d'antan.  Le SPD semble structurellement condamné à jouer la force d'appoint, si nécessaire de la CDU et à s'enfermer dans le cercle vicieux d'une position politique secondaire, mais établie, où il est incapable de capter les mécontents comme les satisfaits. C'est un parti en déclin.

Meilleur que Martin Schulz face à Angela Merkel

Martin Schulz dispose d'un capital sympathie dans l'opinion allemande, notamment parce qu'il n'y est connu que comme le représentant du pays dans une institution européenne finalement peu politisée. Ses déclarations générales pour la démocratie proclamées depuis le perchoir de Strasbourg ne sauraient lui nuire. Surtout en comparaison des apparatchiks sans convictions de la SPD comme Sigmar Gabriel, connu pour ses contorsions et qui a, durant la législature, défendu et attaqué toutes les positions alternativement. Pas étonnant donc que, dans les sondages, Martin Schulz, qui n'a jamais été réellement actif dans la politique fédérale, était le mois dernier donné avec une nette avance sur Sigmar Gabriel dans le sondage du magazine Stern concernant le choix de chancelier. Sigmar Gabriel n'obtient que 16 % d'approbation pour le poste de chef de gouvernement contre 50 % à Angela Merkel, tandis que Martin Schulz obtiendrait 29 % contre 46 % à Angela Merkel. C'est mieux, mais c'est encore 17 points de moins...

Un candidat convaincant ?

Martin Schulz est donc, un peu moins d'un an avant le vote un candidat plus « coriace » pour la chancelière. Mais il faut relativiser : si Sigmar Gabriel ne parvient pas même à mobiliser les électeurs de la SPD, Martin Schulz demeure encore sous les 30 % et est loin de faire le plein des votes à gauche. Surtout, il n'est pas entré en campagne et nul ne sait ce qu'il propose réellement. Prendra-t-il la tête d'une coalition de gauche pour détrôner la chancelière ? Sur quelles propositions ? Sur quels dossiers pourra-t-il se distinguer de la CDU, lui qui a défendu la politique de la « grande coalition » à Strasbourg pendant cinq années ? En réalité, au-delà de sa personnalité, Martin Schulz ne semble pas en mesure de sortir la SPD de son ornière actuelle qui est celle de la social-démocratie européenne : l'absence de vrai projet mobilisateur à la fois pour les déçus de la mondialisation et une partie des classes moyennes qui en tirent profit. Il aura aussi bien du mal, lui, l'incarnation de la « grande coalition » européenne à convaincre les déçus - nombreux - de la « grande coalition » allemande. Ces derniers iront plutôt, à gauche vers les Verts ou Die Linke, à droite vers AfD ou les Libéraux de la FDP.

Angela Merkel en position de force

Certes, Angela Merkel va devoir faire le grand écart durant la campagne entre la CSU ultra-conservatrice sur le plan de la politique migratoire et ses positions officielles d'ouverture, mais c'est aussi ce qu'elle sait faire le mieux et la SPD n'a pas su se distinguer d'elle sur ce dossier, comme sur les autres. C'est ce qui, en 2013, a nui à Peer Steinbrück qui, un an avant le scrutin, bénéficiait d'une popularité assez proche de celle de Martin Schulz voici un an, mais qui, faute de vrai projet politique, s'est enfermé dans une campagne personnalisée, vide de sens et outrancière qui n'a convaincu personne. Si Angela Merkel peut craindre l'exode de ses électeurs vers AfD ou le renforcement de la CSU, elle n'a guère de raison de craindre la SPD. Bref, c'est une tâche difficile, sinon impossible qui attend Martin Schulz.

Commentaires 5
à écrit le 27/11/2016 à 14:48
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Angie Merkel et sa CDU/CSU n a rien fait d autre que de récolter les lauriers gagnés grâce aux reformes mises en place avant elle par le SPD et Gerd Schröder. Or ce sont ces reformes brutales qui ont relancé l economie - c est indiscutable - qui o...

à écrit le 24/11/2016 à 13:58
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la tradition allemande veut que le chef de file du second parti d'une coalition gouvernementale devienne ministre des affaires étrangères. Schulz, fort de son expérience à l'UE, fera parfaitement l'affaire dans le prochain gouvernement Merkel.

à écrit le 24/11/2016 à 13:28
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Ouais l’Allemagne fait comme la france donc, elle s'enlise avec des personnes compromis depuis des décennies, l'oligarchie financière qui ruine l'europe et le monde est satisfaite et c'est bien ça qui est vraiment important, le changement c'est jamai...

à écrit le 24/11/2016 à 13:21
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Poppa Schultz se barre du parlement avant le naufrage de l' Union, un .. recyclage, précurseur ..!

à écrit le 24/11/2016 à 12:58
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le retour de papa schulz version 2016

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