Allemagne : une pauvreté encore pesante

[Graphiques] 20 % de la population allemande est en risque de pauvreté ou d'exclusion sociale selon les dernières statistiques officielles. Ce chiffre, relativement constant, montre que malgré de bonnes performances économiques, la première puissance européenne n'arrive pas à réduire de manière efficace ce phénomène qui touche particulièrement les femmes et les plus âgés.
Grégoire Normand
16 millions de personnes seraient concernées par le risque de pauvreté ou d'exclusion en Allemagne.

La pauvreté reste un sujet sensible dans la première puissance économique européenne. D'après des chiffres publiés par l'institut de statistiques Destatis ce mercredi 8 novembre, 19,7% de la population allemande seraient en risque de pauvreté ou d'exclusion sociale. Ce qui représente environ 16 millions de personnes outre-Rhin.

Un risque de pauvreté et d'exclusion stable

Au regard des enquêtes menées par l'organisme public, la part de la population allemande qui est menacée de pauvreté ou d'exclusion sociale est relativement stable depuis 2008. Le taux oscille autour de 20% (moyenne de 19,9%) sur l'ensemble de cette période sans connaître de hausse ou de baisse significative. Cette stabilité indique que le phénomène demeure bien ancré même si les résultats économiques sont au rendez-vous.

En revanche, il apparaît clairement que les inégalités en termes de pauvreté et d'exclusion sont flagrantes entre les femmes et les hommes. Sur les 9 dernières années, l'écart moyen en points de pourcentage se situe à 2,7. Et il ne s'est pas franchement amélioré ces deux dernières années pour atteindre 3,1 en 2016.

Une pauvreté grandissante chez les seniors

La montée du risque de pauvreté ou d'exclusion sociale chez les plus de 65 ans est particulièrement alarmante en Allemagne. Entre 2008 et 2016, la part des seniors concernée par ce phénomène est passée de 15,5% à 18,3%.

En Allemagne, le taux de pauvreté chez les personnes âgées de plus de 55 ans est passé de 18,3% à 20,7% entre 2005 et 2014. En valeur absolue, les données Eurostat indiquent également que la pauvreté a augmenté chez les personnes âgées. 4,5 millions de personnes étaient concernées par ce phénomène en 2005 contre plus de 5,5 millions en 2014 outre-Rhin, soit une hausse d'environ 1 million de personnes en moins de dix ans.

D'ailleurs, la question de la paupérisation des personnes âgées et des retraités est régulièrement soulevée à BerlinL'une des explications fréquemment rencontrées est que la réforme des retraites lancée en 2005 par le chancelier Gerhard Schröder, pour tenter de sauver le système par répartition a engendré une baisse continue du niveau des retraites.

| Lire aussi : Pauvreté : les seniors allemands moins bien lotis que les Français

Une pauvreté monétaire accrue

De manière générale, la pauvreté monétaire continue de s'accroître de l'autre côté du Rhin. Et malgré les bons résultats économiques de l'Allemagne sous Angela Merkel, le phénomène ne se résorbe pas. D'après les dernières données d'Eurostat, cet indicateur est passé de 12,2% en 2002 à 16,7% (après transferts sociaux) en 2015, soit une hausse de 36%.

Des disparités Est/Ouest encore très marquées

Plus de 25 ans après la réunification allemande, les écarts de pauvreté entre l'ex-RDA et les Länder de l'Ouest restent très marqués comme le montre une étude de l'institut économique de Berlin (DIW) publiée en 2016. Entre 2002 et 2012, le taux de risque de pauvreté est passé d'environ 15% à 21% dans les territoires de l'Est alors que ce même indicateur est resté relativement stable (autour de 12%) dans l'ex-RFA. Et la divergence des salaires, qui persistent sur les différents territoires, ne risque pas d'arranger les choses. Selon une étude de l'institut Ifo, la différence sur le salaire brut moyen en 2014 était encore de 21% en faveur de l'ouest, soit 5,35 euros par heure. Une disparité qui reste considérable même si depuis le début des années 1990, elle a reculé de 6 points.

| Lire aussi : Allemagne : les salaires de l'est ne rejoindront pas ceux de l'ouest avant un demi-siècle

La pauvreté au travail

La pauvreté concerne également une bonne partie des travailleurs en Allemagne.  La montée en puissance des mini-jobs(*), ces dernières années, a contribué à une précarisation des travailleurs et un accroissement des inégalités de revenus, comme le rappelle une étude de la direction générale du Trésor.

"Cette performance sur le front de l'emploi doit pourtant être pondérée par la hausse des inégalités de revenus et de la pauvreté en Allemagne. Le taux de pauvreté a augmenté nettement entre 2000 et 2005, de 12,5% à 14,7%. La hausse est particulièrement marquée pour les personnes en emploi et plus encore pour celles au chômage."

Une récente enquête économique sur l'Allemagne de BNP-Paribas rappelait, à juste titre, que si pour "la plupart des responsables des politiques publiques, le travail constitue le meilleur rempart contre la pauvreté, [...] l'exemple allemand n'est pas particulièrement éloquent à cet égard".

L'auteur de ce document ajoute que le risque de pauvreté au travail (personne occupant un emploi mais percevant une rémunération inférieure à 60 % du revenu disponible médian équivalent) "a considérablement augmenté, en particulier après la grande crise financière. Il est ainsi passé de 5,5% en 2006 à 9,7% en 2015".

Dans le contexte de la montée de l'extrême droite avec l'entrée du parti xénophobe AFD au Bundestag, la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités pourraient constituer un défi de taille dans les prochaines années pour le quatrième mandat d'Angela Merkel.

| Lire aussi : Le bilan en demi-teinte de Merkel en cinq graphiques

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 (*)Les  "mini-jobs" sont rémunérés moins de 450 euros par mois et exonérés de cotisations sociales et d'impôts pour les salariés. Ces "petits" emplois sont recherchés par les étudiants, les retraités et les femmes en tant que deuxième source de revenu d'un ménage, pour lesquels ils constituent un revenu d'appoint.

Grégoire Normand
Commentaires 8
à écrit le 11/11/2017 à 11:54
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Nous sommes prévenus de ce qui nous attend en France. A moins que cette fois, ce soit l'Allemagne qui s'inspire de la France ? Mais il faudrait rogner le Uber alles !

à écrit le 09/11/2017 à 19:05
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Il faut relire ou revoir en conférence Noam Chomsky "la fabrique du consentement". Tout est dit!

à écrit le 09/11/2017 à 17:54
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Comme quoi on peut avoir une balance commerciale excédentaire de 250 milliards d'€ et un allemand sur 5 en mauvaise posture socio-économique. A se demander où part donc tout cet argent. Il ne va même pas à l'état puisque celui ci n'équilibre ses c...

le 10/11/2017 à 8:57
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Faut quand meme pas exagerer ! je sais pas ou vous allez en RFA, mais dire que la voirie est pourrie c est tres excessif. Perso je vois pas tellement de difference avec la france (a part les autoroutes qui sont souvent encore a 2 voies mais vu qu ell...

à écrit le 09/11/2017 à 17:04
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Merci beaucoup pour cet article qui doit nous faire nous questionner immédiatement sur ce dogme néolibéral que nos états nous imposent au nom des plus riches, une croissance accompagnée d'une paupérisation des peuples est elle une croissance ?

le 09/11/2017 à 19:50
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La réponse est dans la question. J’ai bon là ?

le 09/11/2017 à 20:33
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Vivement que Mélanchon prenne le pouvoir !!!

le 10/11/2017 à 14:31
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"Vivement que Mélanchon prenne le pouvoir !!! " Ah ben tiens vous roulez pour mélenchon vous maintenant, après macron... Il faut croire que vous aimez les tristes sirs hein. @ Ti pano: Normalement oui mais ces gens là sont tellement décon...

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