BCE : les banques accusées de trop bénéficier de la hausse des taux

Treize experts économiques et parlementaires européens appellent la Banque centrale européenne à revoir la rémunération des importantes réserves des banques au guichet de l'institution. Selon eux, dans le contexte actuel de taux élevés, cela leur confère un « privilège exorbitant » et pourrait constituer « une menace directe pour l'efficacité et l'acceptation par le public de la politique monétaire ».
Pour le collectif, si la BCE a fait un pas vers la réduction des profits excédentaires des banques, il faut encore sensiblement relever le pourcentage de réserves obligatoires non rémunérées.
Pour le collectif, si la BCE a fait un pas vers la réduction des profits excédentaires des banques, il faut encore sensiblement relever le pourcentage de réserves obligatoires non rémunérées. (Crédits : HEIKO BECKER)

Alors que la Banque centrale européenne a durci sa politique monétaire depuis plus d'un an et demi, cela n'impacte pas vraiment les banques, affirme un groupe d'experts et de députés européens. La raison : le taux de facilité de dépôt dans la zone euro (auquel sont rémunérés les liquidités des banques placées auprès de la BCE) qui campe à son plus haut niveau historique à 4%. Pour rappel, les réserves des banques commerciales auprès des banques centrales nationales et de la BCE représentent 3.700 milliards d'euros et leur rapportent donc gros.

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Ces banques réalisent ainsi « des bénéfices exceptionnels, sans risque substantiel, supérieurs à 140 milliards d'euros par an », écrivent ces treize experts économiques et parlementaires divers gauche dans une lettre ouverte relayée par l'ONG Positive Money Europe ce mercredi 24 janvier.

Ce qui représente à leurs yeux un « privilège exorbitant », comparable au « budget annuel de l'UE » de 168 milliards d'euros, avance l'universitaire Paul De Grauwe, signataire de la lettre, cité dans un communiqué.

« Menace » sur la politique monétaire de la BCE

De tels transferts gonflent les bénéfices des banques et les cours de leurs actions, créant une situation « incompatible » avec « les réalités du cycle de resserrement monétaire en cours pour les ménages et les entreprises », dont les dépôts sont eux bien moins rémunérés par les mêmes banques, selon cette lettre.

Cette situation pourrait créer « une menace directe pour l'efficacité et l'acceptation par le public de la politique monétaire de la BCE ».

La BCE a fait un pas vers la réduction des profits excédentaires des banques en ne rémunérant plus depuis juillet la part obligatoire de ces réserves à son guichet, fixée actuellement à 1% des passifs liquides des banques. Ainsi, seules les liquidités apportées volontairement par les banques auprès de l'institution sont rémunérées. Mais pour le collectif, il faut sensiblement relever le pourcentage de réserves obligatoires non rémunérées afin d' « accroître à la fois l'équité et l'efficacité » de la politique monétaire. Il n'indique toutefois pas de combien.

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Ce débat n'est en tout cas pas nouveau. Il a en effet déjà démarré au sein de la BCE entre le président de Banque fédérale d'Allemagne, Joachim Nagel, qui voudrait augmenter le montant des réserves obligatoires, et le gouverneur de la Banque nationale d'Autriche, Robert Holzmann, qui suggère de relever à 10% ces réserves minimales non rémunérées.

La BCE droite dans ses bottes

Reste que la BCE a prévenu en novembre dernier qu'elle ne compte pas dégonfler son bilan. Elle juge que le « niveau des réserves » déposées par les banques commerciales auprès des banques centrales de la zone euro est « approprié ». Pour elle, il devrait même dans le futur « rester beaucoup plus élevé et être plus volatil » par rapport aux niveaux « relativement bas qui prévalaient avant la crise financière », avait déclaré Philip Lane, chef économiste de la BCE, lors d'une conférence à Francfort.

Face au choc provoqué par la crise de 2008 puis la longue période de faible inflation qui a suivi, la BCE a amené ses taux en territoire négatif, acheté une quantité astronomique d'obligations d'État et d'entreprises et accordé des prêts avantageux aux banques. Ce qui a permis de stabiliser les marchés et soutenir l'économie. Une opération ensuite renouvelée pendant la pandémie de Covid-19. Ces campagnes ont mécaniquement gonflé les dépôts des banques auprès de leurs banques centrales nationales.

À l'avenir, ces réserves auprès des banques centrales devraient être ni « excessivement rares » ni « excessivement abondantes », a prévenu Philip Lane. Concrètement, une « voie médiane » en la matière devrait aider les banques pour distribuer des prêts et ainsi prendre des risques « dans un monde beaucoup plus sujet aux chocs » économiques et financiers, a-t-il expliqué. Dans tous les cas, l'offre de réserves des banques centrales, qu'elle provienne de programmes de rachat de dette ou de prêts à long terme, devrait être « élastique » pour réagir en cas de chocs financiers, a-t-il conclu. Les banques commerciales devraient donc être privées d'un important matelas de sécurité et doivent prévoir un bon niveau de réserves, selon l'économiste.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 25/01/2024 à 8:26
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LOL ! Bienvenu en UERSS, empire prévu pour durer mille ans. (mais ce serait quand même vachement étonnant ! ^^)

à écrit le 25/01/2024 à 5:42
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Frais de tenue de compte abusifs, livret B à taux nul... plus belle la vie!

à écrit le 24/01/2024 à 18:31
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Bonjour, petit question si le rendement des placements des français est de 3% (livret A) , expliquer moi pourquoi les banques ons un rendement a 4% avec la BCE ,sans aucun risque.... Bon sans être économistes, ils y a un petit problème... Surtout qu...

à écrit le 24/01/2024 à 18:17
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Ils ne se sont pas plain lorsque les taux à zéro créaient de super non profits, qui se transforment en superpertes quand les risques se réalisent. Évidemment que personne ne rase gratuit et Évidemment que ca va être refacture à la stupeur des gens d...

à écrit le 24/01/2024 à 16:17
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Comme si ce n'était pas l'objectif ! depuis 1974 les états permettent aux banques de mettre en circulation des crédits décorrélés de la valeur en or du coup ils ont tellement abusé du système que depuis l'année 2023 les faillites de banques montre bi...

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