Divorce à l'anglaise : des scénarios "flous flous flous"

Alors que l’échéance du Brexit n’a jamais semblé aussi proche, le plus grand flou règne toujours quant aux conditions de cette sortie de l’Union européenne par le Royaume-Uni. La profondeur des divisions au sein du Parlement et du gouvernement britanniques a conduit à un blocage institutionnel majeur. Et le délai proposé par l’Union européenne a dégagé plusieurs alternatives, qui pourraient être tranchées dans les jours à venir.
En 2017, Banksy a réalisé une fresque murale à Douvres.
En 2017, Banksy a réalisé une fresque murale à Douvres. (Crédits : SIPA)

22 mai : départ avec l'accord négocié par Theresa May

C'est la solution préférée par l'UE et le gouvernement de May, et pourtant celle qui semble aujourd'hui la moins plausible. Le Premier ministre a promis aux 27 qu'elle présenterait une nouvelle fois son texte aux députés britanniques, qui l'ont pourtant massivement rejeté à deux reprises.

Il apparaît très peu probable que Theresa May parvienne à rassembler une majorité autour de son texte. Cette perspective s'est encore plus éloignée avec la reprise en main de l'agenda du Brexit par les parlementaires, qui ont décidé de tenir des votes indicatifs sur les différentes options en présence (no deal, accord plus souple, annulation du Brexit). Le Premier ministre pourrait cependant abattre une dernière carte et proposer sa démission en échange du soutien des députés conservateurs à son accord. Si May parvenait ainsi à faire adopter son plan avant le 12 avril, un nouveau délai « technique » serait accordé jusqu'au 22 mai, pour boucler les derniers détails juridiques. S'ouvrirait alors une nouvelle phase de négociations, de deux ans, permettant à la Grande-Bretagne et à l'UE de décider de leurs relations futures.

12 avril : chaos du "no deal" (Brexit sans accord)

Initialement fixé au 29 mars, le couperet a finalement été reporté au 12 avril. À cette date, en l'absence d'accord agréé par les deux parties ou de nouveau report, le Royaume-Uni sortirait unilatéralement de l'Union européenne, du marché unique et de l'union douanière. Ce scénario largement redouté conduirait mécaniquement au retour d'une frontière entre l'UE et le Royaume-Uni, au niveau de la Manche et entre les deux Irlande.

En l'absence d'accord commercial entre les deux parties, les personnes, marchandises et capitaux ne pourraient plus circuler librement. Cela imposerait un coup de frein brutal aux échanges entre les deux zones, et conduirait à la paralysie de nombreux secteurs. Le retour d'une frontière en Irlande serait par ailleurs catastrophique pour la stabilité de la région.

Si ce scénario est rejeté par la majorité des Britanniques et de leurs parlementaires, il n'est pourtant pas exclu qu'il se réalise, notamment par accident. Le leadership pourrait être au centre du problème : Theresa May a annoncé qu'elle refuserait de demander un report long du Brexit à l'UE sans pour autant être capable de faire accepter son accord par le Parlement. Un changement de dirigeant pourrait s'avérer inévitable, mais la durée nécessaire à la transition s'accorderait mal à l'urgence du Brexit.

Nouveau report du Brexit

Si les députés venaient à rejeter à la fois le plan de May et le no deal, un long report pourrait être sollicité par le Royaume-Uni pour négocier un accord à nouveaux frais. L'UE, qui a montré des signes de réticence, a fixé deux conditions aux Britanniques : un plan de négociation clair, et la participation aux élections européennes de mai. La Commission européenne a indiqué que ce nouveau report devrait au moins courir jusqu'à fin 2019, voire 2020. Un tel scénario pourrait orienter le Royaume-Uni vers une relation plus rapprochée avec l'UE. Il pourrait adopter la position de la Norvège en restant dans l'union douanière, voire adhérer au marché commun.

Il semble en revanche peu probable que Theresa May conduise ce processus. Elle a déclaré le 21 mars qu'elle n'était « pas prête à reporter le Brexit au-delà du 30 juin », ce qui a ouvert des spéculations sur une possible démission en cas de rejet de son accord par le Parlement. Si tel était le cas, le parti conservateur pourrait rencontrer des difficultés à conserver sa majorité, ce qui impliquerait la tenue de nouvelles élections générales.

Pas de Brexit

C'est un scénario fermement rejeté par le Premier ministre et une partie du camp conservateur, mais qui conserve la faveur d'une partie de l'opinion britannique. Lancée mercredi 20 mars, une pétition en faveur du retrait de l'article 50 (qui a déclenché le Brexit) a recueilli près de six millions de clics en une semaine. Mais la perspective de voir le Royaume-Uni rester dans l'UE reste encore peu probable. Elle nécessiterait un vote du Parlement en faveur d'un nouveau référendum, l'agrément du gouvernement, et enfin un vote positif de la part des Britanniques, trois ans après leur décision de quitter l'UE.

Chacune de ces étapes est soumise à des aléas, et leur enchaînement apparaît encore assez peu plausible. Mais, dans le chaos du Brexit, aucun scénario ne semble définitivement exclu.

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