Espagne : des élections législatives clés pour les Catalans

Le Parti socialiste part favori du scrutin législatif d’aujourd’hui, mais une percée des indépendantistes n’est pas à exclure.
Salvador Illa et Pedro Sánchez à Barcelone, jeudi.
Salvador Illa et Pedro Sánchez à Barcelone, jeudi. (Crédits : © LTD / ANDREU DALMAU/EPA/EFE/MAXPP)

Les élections législatives catalanes pourraient marquer la fin d'un cycle pour l'indépendantisme. Salvador Illa, le candidat socialiste et ancien ministre de la Santé, est bien placé dans les sondages du scrutin d'aujourd'hui. Ce philosophe de formation, ami du Premier ministre, Pedro Sánchez, pourrait former un gouvernement régional de coalition avec la gauche radicale de Comuns et les indépendantistes de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), menée par le président sortant, Pere Aragonès. « Salvador Illa est un pragmatique, il propose de tourner la page d'une décennie de confrontations et de tensions avec Madrid qui ont fait fuir les investisseurs et paralysé la gestion de l'administration locale, explique le politologue Sergio de Maya. Homme de consensus, il représente une option pour tous les citoyens fatigués des discours souverainistes. »

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« Le séparatisme ne fait plus recette, Puigdemont le remet en selle »

Sept ans après le tsunami politique provoqué par la tentative de sécession ratée de cette région du nord-est de l'Espagne, avec la tenue d'un référendum illégal, la flamme indépendantiste semble en apparence être retombée. Les statistiques décrivent un mouvement indépendantiste en déclin, qui ne séduit plus, notamment auprès des jeunes. Selon une récente étude du CEO, le Centre des études d'opinion régional, 51 % des Catalans refusent l'indépendance et 42 % la défendent, tandis que seulement 31 % des moins de 25 ans soutiennent la création d'un État catalan.

Ce désintérêt pour la cause indépendantiste s'est reflété tout au long de la campagne électorale avec des débats axés sur la sécheresse, la crise du logement ou les difficultés dans la santé publique. « La majorité des Catalans ne veulent plus des promesses sans lendemain, des envolées lyriques évoquant une république catalane indépendante et prospère, assure Sergio de Maya. Ils veulent des gestionnaires pour améliorer leur qualité de vie, qui s'est détériorée avec la pandémie et l'inflation. » Cette lassitude doit beaucoup aussi aux maigres résultats obtenus par le procès, ce processus politique commencé en 2012 pour obtenir le référendum d'autodétermination. « Les crises économiques ont ramené les politiques à des sujets quotidiens, et le parti ERC qui gouverne l'a bien compris, remarque l'observateur politique Xavier Vidal-Folch. Il a délaissé les idéologies séparatistes pour appliquer une politique plus pragmatique qui l'a conduit à passer des accords avec Madrid. »

En exil depuis bientôt sept ans

Par nécessité, les indépendantistes de gauche d'ERC ont peu à peu fait tomber les barrières avec Madrid. D'abord, car la majorité des dirigeants de cette formation, poursuivis par la justice pour la tentative de sécession de 2017, pouvaient bénéficier de la loi d'amnistie approuvée par le Parlement national en échange de leur soutien à l'investiture de Pedro Sánchez. Puis par pur pragmatisme, le président sortant, Pere Aragonès, ayant réussi à obtenir plus de financements et des avantages pour sa région. Cette attitude de conciliation fait rugir Junts per Catalunya, le parti dirigé par l'ancien président régional Carles Puigdemont, grand artificier de la tentative de sécession. Il reproche aux indépendantistes d'ERC de trahir la cause en devenant des marionnettes de la Moncloa, le palais présidentiel de Madrid.

En exil depuis bientôt sept ans, Puigdemont a accepté de céder aux sirènes de l'amnistie, qui lui permettra de revenir en Espagne sans aller en prison, mais il ne cesse de faire monter les enchères, exigeant entre autres la tenue d'un nouveau référendum d'autodétermination. « Puigdemont incarne le paradoxe de l'indépendantisme, indique Sergio de Maya. Alors que le séparatisme ne fait plus recette, il parvient à le remettre en selle. Il se présente en homme providentiel, seul capable d'emmener son pays vers l'indépendance. Le pire est que cela fonctionne. »

Une majorité instable

Depuis Argelès-sur-Mer dans les Pyrénées-Orientales, l'exilé a mené une campagne à distance. Il a permis en quelques semaines à son parti de remonter dans les sondages et de se placer en tête des formations indépendantistes, presque au coude-à-coude avec le Parti socialiste catalan. « Le séparatisme catalan fait preuve d'une énorme capacité de résistance, commente Sergio de Maya. Cela est dû en grande partie à la personnalité de Carles Puigdemont, qui bénéficie d'une image épique et romantique. Il se sent investi d'une mission, celle de sauver son parti et de libérer la Catalogne du joug de l'Espagne. »

Ce retour fracassant de Puigdemont embarrasse le gouvernement de Sánchez, dont le pouvoir repose sur une majorité instable qui suppose le soutien des nationalistes basques et indépendantistes catalans. Le caractère imprévisible des séparatistes catalans pourrait à tout moment faire voler en éclats la législature. « La victoire de Salvador Illa peut compliquer le rapport de force avec Madrid, prévient le professeur de sciences politiques Fernando Vallespín. Mais une chose est sûre, les séparatistes n'ont rien à gagner à faire tomber l'exécutif de Pedro Sánchez. Cela laisserait la place à un gouvernement conservateur allié de l'extrême droite, dont le but est d'en finir avec l'indépendantisme. »

Commentaires 2
à écrit le 13/05/2024 à 9:52
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La Catalogne qui est la région la plus riche d’Espagne a reçu le plus de subventions c’est 10 dernières années par le pouvoir central grâce aux accords électoraux que ce soit avec la droite ou la gauche, au détriment des régions les plus pauvres. Ces...

à écrit le 12/05/2024 à 10:59
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C'est curieux cette obsession de tous les correspondants des journaux français à Madrid de réduire les problèmes catalans avec l’Espagne à une réponse bipolaire : soit les catalans continuent à vouloir acquérir leur indépendance, soit ils se taisent ...

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