Après la fusion (forcée) entre UBS et Crédit Suisse l'an dernier, l'Europe bancaire s'apprête une nouvelle fois à connaître une méga-fusion. La deuxième banque espagnole BBVA vient en effet d'annoncer avoir contacté la banque concurrente Sabadell pour engager des discussions autour d'une possible fusion.

« BBVA confirme avoir fait part au président du conseil d'administration de Sabadell » de sa volonté « d'ouvrir des négociations en vue d'étudier une éventuelle fusion entre les deux entités », indique la banque dans un communiqué envoyé au gendarme boursier espagnol (CNMV).

Les deux banques se connaissent bien : elles avaient déjà envisagé de fusionner en novembre 2020 avant de renoncer quelques jours après l'annonce. Le projet avait alors buté sur le prix de la transaction qui devait se faire par échanges de titres. Quelques mois plus tôt, deux autres banques espagnoles - Caixa et Bankia - s'étaient rapprochées pour devenir numéro un sur le marché domestique.

La situation a cependant bien changé depuis la crise sanitaire. La remontée des taux d'intérêt a en effet profité à plein aux banques espagnoles qui disposent à la fois de dépôts très abondants - la gestion d'actifs est peu développée - et, à l'actif, de crédits à taux variables qui se sont rapidement ajustés aux nouvelles conditions de marché.

Des valorisations élevées

Résultat, des profits colossaux (8 milliards d'euros en 2023 pour BBVA, en hausse de 22%), des valorisations boursières qui montent en flèche (+60% sur un an pour BBV à 60,5 milliards d'euros ; +100% pour Sabadell à 10,2 milliards d'euros), et des multiples de valorisations élevées pour les standards européens, autour de 1,1 fois l'actif net estimé pour 2024 de BBVA, selon les estimations de Jefferies. La première banque de la zone euro, BNP Paribas se paye, en comparaison, 0,7 fois son actif net estimé.

« Banco Sabadell confirme avoir reçu (...) une proposition écrite » de BBVA « en vue d'une fusion », a indiqué de son côté Sabadell, quatrième groupe bancaire espagnol.

L'annonce de cette possible relance des négociations survient au lendemain de la publication des résultats de BBVA qui a enregistré un bénéfice net en hausse de 19% à 2,2 milliards d'euros au premier trimestre, supérieur au consensus. La banque a même révisé en hausse ses objectifs pour 2024, alors que certains analystes redoutaient un effet atténué des taux sur la marge d'intérêt. De fait, la baisse des taux en zone euro est moins rapide que prévu. Le groupe Sabadell a, lui, annoncé la semaine dernière avoir dégagé 308 millions d'euros de bénéfice net au premier trimestre, soit le montant le plus élevé de son histoire.

Prudence des autorités

Le marché avait cependant mal accueilli les résultats de BBVA, en raison notamment de résultats jugés décevants au Mexique, un marché clé de la banque, dans un pays émergent qui profite de la réorganisation mondiale des chaînes d'approvisionnement et qui est (re)devenu le premier partenaire commercial des Etats-Unis. Au-delà de sa forte implantation au Mexique, BBVA est également une banque modèle dans le domaine des technologies et du numérique.

Le ministre de l'Économie Carlos Cuerpo s'est montré prudent quant à l'éventuelle fusion en soulignant la nécessité de préserver « la situation compétitive » du secteur. Le tout sur fond de tensions entre le pouvoir et les banques, soumises à une taxation exceptionnelle en raison de la montée des taux d'intérêt.