La BCE prise entre le marteau de l'inflation et l'enclume du soutien à l'activité économique

La Banque centrale européenne réunit ce jeudi son conseil des gouverneurs pour statuer sur la politique monétaire de la zone euro. Si en février, un resserrement monétaire était envisagé, sans précision de calendrier, l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe rebat les cartes. Explications.
Robert Jules
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE).
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE). (Crédits : Reuters)

La réunion du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) ce jeudi va devoir intégrer une nouvelle inconnue - l'invasion surprise de l'Ukraine par l'armée russe - à une équation déjà devenue complexe entre choc d'inflation et ralentissement de l'activité. Comment ajuster la politique monétaire de la zone euro avec un taux d'inflation qui s'est affiché à 5,8% en février sur un an, après 5,1% en janvier. Car même si elle est alimentée par l'envolée des prix de l'énergie et des produits alimentaires, l'inflation sous-jacente progresse de 2,9% en février, après 2,4% en janvier, s'éloignant du taux cible de la BCE fixé à 2%.

Révision de la croissance pour 2022

Le resserrement de la politique monétaire qui avait été envisagée en février par la présidente Christine Lagarde, en fonction de la conjoncture, sous la forme d'un arrêt progressif des rachats d'actifs, préalable à un relèvement des taux, est remis en cause par la guerre en Ukraine. En effet, les sanctions prises contre le régime de Vladimir Poutine auront des conséquences pour l'économie européenne, ne serait-ce que sous la forme du choc d'inflation que représentent la poursuite de la hausse des prix de l'énergie et des produits alimentaires. Déjà, en février, la Commission européenne avait justifié par l'inflation la révision de la croissance économique de la zone euro en 2022, de 4,3% à 4%.

"La réunion de la BCE pourrait être beaucoup plus passionnante que ce que le marché semble croire pour l'instant. D'une part, il s'agit du dilemme des pics d'inflation et des mesures nécessaires pour soutenir l'économie. D'autre part, il s'agit également de la discussion sur un éventuel nouveau fonds européen pour financer les dépenses d'énergie et de défense. Ce sujet pourrait être abordé demain lors du sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'UE à Versailles. Si l'UE décidait de franchir cette nouvelle étape, la pression sur la BCE s'en trouverait clairement allégée. Un stimulus fiscal massif émergent une fois de plus réduirait la pression sur la politique monétaire et pourrait aider la BCE à se concentrer davantage sur la lutte contre l'inflation", commente Ulrike Kastens, économiste spécialiste de l'Europe, chez le gérant d'actifs allemand DWS.

Le risque de stagflation

Par ailleurs, l'autre risque qui se profile est celui de la stagflation, qui conjugue une hausse de l'inflation et une stagnation de l'activité économique.

"La BCE pourrait aborder la question de la stagflation en adoptant une position prudente à court terme, tout en gardant toutes les options ouvertes en termes de politique de taux pour la suite, en fonction de l'issue du conflit et de son impact sur les prix de l'énergie et les chiffres de l'inflation", souligne Vincent Manuel, directeur des investissements chez Indosuez Wealth Management qui ajoute que "de nombreuses questions devraient être posées à Christine Lagarde sur le niveau actuellement bas de l'euro qui amplifie l'effet inflationniste des prix du pétrole".

Outre l'inflation élevée, il y a les répercussions sur les marchés financiers, les perturbations prolongées sur les chaînes d'approvisionnement et le recul de la confiance avec les incertitudes générées par le conflit ukrainien. Les gouvernements pourraient prendre des mesures budgétaires pour atténuer ces effets, comme ce fut le cas lors de la pandémie du Covid-19.

Les observateurs s'attendent néanmoins à ce que l'institut francfortois confirme la fin, en mars comme prévu, du programme d'achats de dette lancé pour contrer la récession provoquée par la pandémie (programme PEPP).

"Pour la BCE, la situation est plus complexe car la zone est plus directement impactée par la situation russo-ukrainienne. Si les insinuations et les non-dits de Christine Lagarde en février militaient pour une BCE plus agressive, elle pourrait finalement se rattraper aux branches des décisions de décembre qui prévoyaient une augmentation de l'APP (programme d'achats d'actifs) pour compenser le PEPP (programme d'achats d'actifs mis en place durant la pandémie) jusqu'à la fin de l'année avant un possible premier relèvement de taux en 2023", indique Thomas Giudicico-responsable de la gestion obligataire, chez Auris Gestion.

En effet, les interrogations portent sur la suite de l'ancien programme de rachat de titres publics et privés (programme APP), le "QE" : pour l'heure, il doit être porté de 20 à 40 milliards d'euros par mois à partir d'avril, puis descendre à 20 milliards d'euros jusqu'à octobre, en restant activé "aussi longtemps que nécessaire", souligne la BCE.

Un resserrement qui ne devrait pas intervenir avant décembre

De leur côté, cités par l'AFP, les analystes de Goldman Sachs s'attendent à ce que l'institution de Francfort durcit sa politique en décembre, mais ajoutent que la possibilité d'un conflit armé prolongé et de coupures d'approvisionnement en gaz pourrait retarder cette stratégie de sortie.

De même, selon une enquête menée par Reuters auprès d'économistes, la BCE attendra le quatrième trimestre pour annoncer sa première hausse de taux depuis plus de dix ans. Ce qui est sûr, c'est que les économistes sont de moins en moins nombreux à tabler sur un resserrement avant l'automne.

Robert Jules
Commentaires 4
à écrit le 10/03/2022 à 16:37
Signaler
on ne voit pas en quoi la guerre en ukraine devrait arreter le retrait de qqch qui n'est pas le mandat de la bce..........c'est pas parce qu'ils ont fait n'importe quoi et ne savent pas trop comment s'en sortir qu'ils doivent appuyer ssur le champign...

à écrit le 10/03/2022 à 9:07
Signaler
Mettre une avocate à la tête de la BCE, ou un prof d’allemand à Bercy, est tout de même une drôle d’idée..si ce n’est pour servir de parachute à des visées politicardes, ou soutenir les états impécunieux.. Nul besoin d‘ennemis extérieurs pour nous co...

à écrit le 10/03/2022 à 7:56
Signaler
Disons qu'un seul levier d'action pour régler autant de problème ne suffit largement pas il faudrait aller chercher les leviers que les riches européens ont acheté nous interdisant d'y toucher. Toujours le même fléau, toujours les mêmes parasites.

à écrit le 10/03/2022 à 2:36
Signaler
La chouette en panne d'idee ! Etonnant non ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.