Le Tribunal constitutionnel espagnol défie le parlement catalan

La haute juridiction espagnole suspend la déclaration du parlement catalan qui lançait le processus d'indépendance. Et 21 personnes seront mises en demeure d'appliquer cette décision. Mais le gouvernement catalan a déjà annoncé qu'elle poursuivrait la "déconnexion".
Le Tribunal Constitutionnel espagnol a suspendu la décision du parlement catalan
Le Tribunal Constitutionnel espagnol a suspendu la décision du parlement catalan (Crédits : JUAN MEDINA)

Le Tribunal Constitutionnel espagnol (TC) n'a pas tardé. Vingt-quatre heures après la transmission par le gouvernement de son recours contre la motion du parlement catalan voté lundi 9 novembre et demandant le début d'un processus de sécession vis-à-vis de l'Espagne, le TC a suspendu cette déclaration, à l'unanimité.

Il n'y avait là aucune surprise, car cette motion était évidemment en infraction avec plusieurs articles de la constitution espagnole. Du reste, c'était même son but principal : sortir du dialogue de sourds juridique avec Madrid pour discuter réellement de la question de l'indépendance.

La déclaration indépendantiste contre la décision du TC

Ce but est loin d'être atteint. D'autant que le TC a ajouté que sa décision sera notifiée personnellement à 21 personnes - les membres du bureau du parlement catalan et du gouvernement catalan - et d'avertir ces dernières que, si elles cherchent « par quelque moyen que ce soit d'ignorer ou d'éluder » cette décision, elles s'exposent « à la suspension de leurs charges et à d'éventuelles poursuites, y compris pénales ».

Bref, c'est un défi à la majorité parlementaire catalane qui est mise en demeure par le TC et, partant par le gouvernement espagnol, qui sera chargé d'appliquer la décision du TC, d'appliquer ou non le point 6 de la déclaration votée lundi, laquelle proclamait que « les décisions du parlement catalan prendraient le pas sur les décisions des institutions de l'Etat espagnol, en particulier le TC. »

C'est le point où en est la situation. Le TC a, conformément à l'article 161 de la Constitution espagnole, rendue caduque le lancement du processus de « déconnexion » lancé par le parlement catalan. Si le gouvernement catalan s'estime encore lié par cette déclaration en application de son point 6, l'épreuve de force entre Madrid et Barcelone sera lancée, car, désormais, l'exécutif catalan sera en état de désobéissance vis-à-vis de la Constitution espagnole. Le gouvernement espagnol sera alors chargé de faire appliquer la décision du TC. Il pourra se contenter de faire appliquer les sanctions envers les 21 personnes mises en demeure par le TC, ou, plus globalement de lancer le fameux article 155 et de suspendre l'autonomie catalane et ses institutions.

Un TC qui laisse une chance à la Catalogne ?

On notera cependant, comme le souligne le quotidien madrilène "El Pais", que le TC s'est voulu plus modéré que le gouvernement qui, dans son recours, demandait une suspension immédiate des responsables catalans. En clair, le TC laisse une chance à l'exécutif catalan d'abandonner le projet de sécession, autrement dit d'abandonner le principal point de son programme électoral.

C'est un peu comme si le TC avait déclaré : «Tirez les premiers, messieurs les Catalans.» Comme souvent dans ce genre de situation, on cherche souvent à faire porter la faute au premier qui franchit la ligne rouge. Une suspension immédiate aurait été vue comme une provocation par les Catalans. Le TC préfère que ces derniers « désobéissent » pour que le gouvernement madrilène se retrouve en position de devoir se « défendre »...

Barcelone décidée à désobéir

En attendant, la Generalitat, le gouvernement catalan, a d'ores et déjà annoncé qu'elle n'appliquerait pas la décision du TC et que le « processus » se poursuivra.

« La volonté politique est d'appliquer le mandat du parlement et la résolution approuvée lundi », a indiqué Neus Munté, vice-présidente du gouvernement catalan.

C'est une déclaration importante, parce qu'elle nie la légitimité du TC sur l'action d'un gouvernement catalan jusqu'ici soucieux de légalité.

La Generalitat affirme ainsi qu'elle se considère liée par l'article 6 de la déclaration du parlement et nullement par le TC. La désobéissance a donc commencé. Ceci est conforme au programme des partis indépendantistes qui avaient annoncé leur volonté de placer leur légitimité démocratique au-dessus de la légalité espagnole.

Trouver un gouvernement en Catalogne reste difficile

Mais pour que chacun soit en ordre de bataille, il manque encore une pièce importante : un gouvernement catalan légitime. Artur Mas n'a pas été élu mardi par le parlement catalan en raison du refus de la gauche radicale indépendantiste, la CUP, de voter en sa faveur. Il a encore échoué jeudi 12 novembre.

Mercredi 11 novembre, des discussions se sont tenues au Palau de la Generalitat, le siège barcelonais du parlement catalan, entre Artur Mas et la CUP. Le président sortant a proposé de disposer de moins de pouvoir en tant que président en s'adjoignant trois vice-présidents de trois secteurs différents de la liste indépendantiste Junts Pel Sí : Neus Munté, centriste comme Artur Mas mais appréciée à la CUP, Oriol Junqueras, leader de la gauche républicaine, et Raul Romeva, tête de liste de Junts Pel Sí et figure de la gauche catalane. Il a aussi proposé de soumettre son gouvernement à une motion de confiance en juillet 2016 pour confirmer la poursuite du processus.

Mais rien n'y fait. Malgré des dissensions internes, la CUP a annoncé jeudi qu'elle ne votera toujours pas en faveur d'Artur Mas. "Un non qui ne ferme pas la porte", a indiqué le leader du parti, Antonio Baños. La décision du TC et l'injonction envoyée à 21 personnalités dont Artur Mas, pourrait changer la donne. Mais il faudra sans doute encore beaucoup de concessions de la part du président sortant.

Le choc se prépare, tandis que l'Europe change de trottoir

Si Artur Mas est finalement élu, le nouveau gouvernement, appuyé par la majorité indépendantiste, pourra appliquer la désobéissance prévue par la déclaration de lundi. Tout sera alors mis en place pour le choc entre Madrid et Barcelone.

Quand ce choc se produira-t-il? Madrid attendra-t-elle un acte concret de la Generalitat ? C'est probable. Quelle forme prendra alors la réponse espagnole ? La prise de contrôle de la police catalane est-elle possible et souhaitable ou provoquera-t-elle l'escalade ?

La situation se tend singulièrement en Catalogne, alors que, plus que jamais, les regards européens s'en détournent.

Commentaires 16
à écrit le 29/06/2016 à 21:01
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LA48511je veux la lmiberete a soure de roi felipe

à écrit le 15/11/2015 à 12:40
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L'argument le plus infantile dans cette affaire est d'en appeler à la volonté du "peuple" sensé être souverain, et au dessus des lois. Que diraient alors ces gueuledevant? si ils proclament l'indépendance de la Catalogne, et que les habitants de la...

à écrit le 15/11/2015 à 7:22
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La tension va exister pendant des années entre Madrid et Barcelone.Elle a toujours existee en fait.Madrid veut asphyxier sans faire de bruit ,économiquement et culturellement la Catalogne et ce de façon évidente depuis Aznar.Les catalans s'en sont ap...

le 15/11/2015 à 12:32
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Les régions espagnoles disposent de plus de moyens financiers délégués par l'administration centrale, que les cantons suisses. C'est l'OCDE qui en a fait le constat. De fait l'Espagne avec le Canada et l'Australie est le pays le plus décentralisé d...

à écrit le 13/11/2015 à 22:31
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Si l'indépendance n'est pas pour cette fois ci,elle le sera avant 5 ans.Au pire ,si le PSOE revient au pouvoir,la Catalogne aura un nouveau statut et ses prérogatives économiques,culturelles et nationales seront blindées.A part les néos franquistes d...

à écrit le 13/11/2015 à 8:41
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Ce ne serait pas plutôt l'inverse?

à écrit le 12/11/2015 à 19:44
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alors ? mr Godin et ce 2 eme vote ...toujours pas Mas ? non ? vous citez El Pais : ..." le TC plus modéré que le gouvernement "...; evidement , le TC ne peut pas condamner quelque chose ( la declaration d'independantisme des catalans ) qui n'exis...

à écrit le 12/11/2015 à 13:10
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Dans ses titres, Romaric Godin a le don d'inverser les charges. C'est bel et bien le parlement catalan qui défie l'état espagnol en lançant un processus anticonstitutionnel.

à écrit le 12/11/2015 à 13:09
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Il faudrait expliqué ça au gouvernement espagnol , Apres le 20 D puisque celui ci il parait rien comprendre

le 12/11/2015 à 19:22
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Excusez-moi de vous dire cela mais je vous trouve un peu vague. Que faut-il expliquer au gouvernement Espagnol exactement?

à écrit le 12/11/2015 à 12:04
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Le pouvoir judiciaire vient en troisième position dans l'ordre constitutionnel, il applique ce que le législatif vote, il ne peut rien faire d'autre ni plus ni moins, maintenant il y a un droit inhérent à chaque peuple de décider de son avenir de sor...

le 12/11/2015 à 12:24
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+1000000!!!!

le 12/11/2015 à 13:14
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Le droit à l'autodétermination existe, mais à ma connaissance il n'y a pas eu de référendum, pire, les partis indépendantistes n'ont même pas atteint la majorité absolue des voix à l'élection du parlement catalan (et accessoirement peinent à s'entend...

le 12/11/2015 à 16:08
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"Sortir d'une union, d'un système c'est un droit fondamental, le droit de chaque peuple de s'autodéterminer"... Comme vous y allez. Donc les "peuples" de Bretagne, de Corse, d'Alsace pourraient décider de sortir "d'une union" avec la France et qui p...

le 12/11/2015 à 19:27
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Qu'ils organisent un référendum sous surveillance de l'ONU, et là il y aura enfin une réponse claire! Rappelons que les partis indépendantistes ont obtenue la majorité en sièges mais pas en voix, donc la situation est assez floue.

le 13/11/2015 à 9:43
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Il ne faut pas tout confondre, la Catalogne est une région a autonomie agrandie qui désirerait statuer sur son indépendance. Tel cas n'existe pas en France. Au mieux on peut comparer la Catalogne à l'Ecosse, la Flandre, la Sicile, le Groenland, ré...

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