UE : «Les États membres évitent la transparence comme la peste»

En 2014, Jean-Claude Juncker avait annoncé que la transparence serait un élément crucial du mandat de sa Commission. Notre partenaire EurActiv a interrogé l’eurodéputé Verts/ALE Sven Giegold, l'un des rapporteurs du rapport sur la question.
L'un des eurodéputés les plus critiques des lobbys financiers, l'eurodéputé Verts/ALE allemand Sven Giegold pose avec une poubelle de lobbyiste, le 17 mars 2011.

L'exécutif n'est pas la seule institution européenne qui se préoccupe de la transparence. Le Parlement européen prépare lui aussi un rapport sur la question. Le Parlement pourrait ainsi établir une « empreinte législative ». Il s'agirait de documenter toutes les discussions entre les lobbyistes et tout fonctionnaire ou représentant travaillant sur de nouvelles lois européennes.

La proposition de rapport appelle également à plus de transparence lors des réunions en trilogue, auxquelles participent la Commission, le Parlement et le Conseil. La commission parlementaire chargée des affaires constitutionnelles devrait s'exprimer sur le rapport après les vacances d'été.

Euractiv - La déclaration officielle qui accompagne votre projet de rapport rappelle que les institutions européennes sont plus transparentes et propres que la plupart des administrations nationales. Pourtant, les citoyens européens font moins confiance à la machine bruxelloise. Pourrions-nous donc dire qu'il s'agit davantage d'un problème de perception que de transparence et qu'améliorer davantage la transparence ne servirait pas à grand-chose ?

Sven Giegold - C'est un peu des deux. D'un côté, les institutions européennes sont immenses et semblent corrompues ou opaques. De l'autre, leurs mécanismes de transparence et de responsabilité sont en réalité adéquats, justement à cause du pouvoir qu'elles ont. Étant pro-UE, nous voulons que l'Europe soit un pionnier en termes de transparence et d'intégrité. De nombreux États membres ont mis en place des réformes positives l'an dernier. Davantage de pays sont à présent plus transparents en ce qui concerne le lobbying et appliquent des règles plus strictes sur les conflits d'intérêts des personnalités politiques. Pour l'Europe, il est donc temps d'aller plus loin.

Pendant un certain temps, les appels à la transparence dans la politique européenne ont été l'apanage des populistes et des eurosceptiques, comme Hans-Peter Martin ou Ashley Mote, qui ont fondé la Plateforme pour la transparence en 2005. En quoi votre approche est-elle différente ?

Premièrement, je voudrais souligner qu'il est absolument faux de dire que seuls les anti-UE font campagne pour plus de transparence. Le registre des lobbys qui a été instauré à Bruxelles - et qui n'existe toujours pas à Berlin, par exemple - a été voté par une grande majorité d'élus pro-UE.

Les détracteurs de l'UE sont opposés aux institutions et utilisent l'argument des lobbys pour les discréditer. Nous, nous voulons renforcer la confiance des citoyens. Il faut donc prendre très au sérieux cette impression que l'influence s'obtient via l'argent, et donc via les lobbyistes.

>> Lire : Les conseillers des commissaires européens intriguent la médiatrice

D'où vient cette impression ?

Jusqu'ici, il n'y a pas eu assez de visibilité paneuropéenne du problème. Il n'y a toujours pas de discours public commun. Cela pousse les gens à penser que l'influence à Bruxelles s'achète facilement - pas nécessairement par la corruption, mais aussi, pour les parties prenantes, en appuyant efficacement leurs opinions auprès des décideurs politiques.

C'est pourquoi nous voulons que la transparence équilibre cette situation. Si le lobbying était plus transparent, les autorités auraient davantage de raisons d'écouter les représentants d'intérêts moins puissants. Les consommateurs sont par exemple très rarement entendus, alors que les fournisseurs de biens et services sont omniprésents. Si ce déséquilibre était corrigé, leurs intérêts auraient plus de poids au Parlement et à la Commission, mais aussi au niveau national dans les différents États membres.

Le vote de la commission sur les affaires constitutionnelles devait au départ avoir lieu le 20 avril. Il a été retardé à deux reprises. Les négociations ont-elles été plus difficiles que prévu ?

Le calendrier initial était ambitieux. Nous avons déposé beaucoup d'amendements et de nombreux contributeurs ont participé. Cela m'a beaucoup plu, mais ça a compliqué le processus. Les propositions les plus importantes du rapport sont également assez controversées, ce n'est pas un secret. C'est le cas par exemple des trilogues, du temps d'attente à respecter pour les anciens eurodéputés qui deviennent lobbyistes et de l'empreinte législative, qui rendrait le lobbying plus transparent. Donc non, les négociations n'ont pas été faciles.

En outre, il existe un groupe de travail sur la réforme du règlement du Parlement, dirigé par Rainer Wieland (PPE) et Richard Corbett (S&D). C'est là que le progrès sur l'intégrité et la transparence réglementaire a lieu.

>> Lire : Timmermans défend la transparence de l'UE après les fuites du TTIP

Nombre des propositions du rapport ne concernent pas seulement le Parlement, mais aussi d'autres organes, comme le Conseil des ministres. Comment comptez-vous convaincre les gouvernements nationaux ?

Récemment, nous avons reçu des signes indiquant que le Conseil pourrait aussi mettre en place un registre de transparence, sous certaines conditions. C'est une étape réellement encourageante. Il ne faut toutefois pas être naïf : toute amélioration de la transparence, de l'intégrité et de la responsabilité au niveau européen crée une pression pour que les États membres suivent le mouvement. Nombre d'États membres évitent donc ces mesures comme la peste.

Ici, à Bruxelles, les représentations permanentes des États membres sont accessibles aux lobbyistes, alors que le Parlement et la Commission sont plus difficiles à influencer. Il est donc important que ces mesures soient également appliquées par les États membres. Cela dit, même si les États résistent, ce n'est pas une raison de ne pas avancer au niveau européen.

>> Lire : Commission et Parlement européens divergent sur la liste noire de lobbyistes

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Par Manuel Müller, Euractiv.de

(Article publié le 1er juin 2016)

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Commentaires 2
à écrit le 02/06/2016 à 16:35
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Le lobbyiste gagnant est celui qui a "la finance" et n'a guère besoin de transparence par contre le peuple aimerai savoir ce que l'on fait dans leur dos!

à écrit le 02/06/2016 à 14:25
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C'est stupide de demander la transparence car si c'est transparent ils ne verront plus rien.

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