Les nationalistes écossais au centre du jeu électoral britannique

Les nationalistes écossais pourraient réaliser un raz-de-marée aux élections générales du 7 mai. Leur chef de file, Nicola Sturgeon, est devenue une des politiques les plus populaires du pays, pas seulement en Ecosse. Mais la constitution d'une majorité sera difficile.
Nicola Sturgeon, leader du SNP écossais et première ministre d'Ecosse.

La campagne électorale britannique de 2010 avait été marquée par une « Cleggmania », du nom du leader du parti libéral-démocrate Nick Clegg. Ce dernier avait si bien réussi sa campagne qu'il était devenu, selon les sondages, l'homme politique le plus populaire du Royaume-Uni depuis Winston Churchill. Cette « Cleggmania » qui n'avait pas empêché les « Lib-Dems » de perdre cinq sièges lors du scrutin appartient désormais à l'histoire. Devenu vice-premier ministre après son alliance avec les Conservateurs de David Cameron, Nick Clegg, n'est plus guère populaire et son parti devrait lutter pour atteindre 10 % des voix, le pire score de l'histoire du parti. Il faudra remonter aux élections de février 1974 pour voir un parti libéral britannique faire un pire score. Sic transit gloria mundi.

Sturgeon Mania

Mais en attendant, une autre « mania » a pris le relais durant cette campagne de 2015 outre-Manche, c'est la « Sturgeon-Mania », du nom cette fois de la première ministre écossaise Nicola Sturgeon, leader du parti indépendantiste écossais, le Scottish National Party (SNP). Celle qui a remplacé en septembre dernier, après l'échec du référendum sur l'indépendance le mythique Alex Salmond, a en effet remporté, selon bon nombre de sondages, le débat télévisé qui a opposé les principaux partis britanniques le 2 avril dernier. Directe, combative, sans langue de bois, elle a clairement tranché avec les discours habituels des politiciens de Westminster. Sur Twitter, beaucoup d'Anglais ont demandé ironiquement comment ils pouvaient voter pour le SNP !

Et il est vrai que cette « Sturgeon-Mania » a de quoi surprendre. Le parti de la First Minister écossaise ne se présente en effet qu'au-delà des Borders, la frontière qui sépare l'Ecosse de l'Angleterre, soit dans 59 des 650 circonscriptions du Royaume ou 9 % des sièges aux Communes. Sauf qu'elle n'est pas totalement inutile à Nicola Sturgeon qui s'apprête à se lancer dans le grand bain de la politique nationale. Car le SNP devrait être le « faiseur de rois » après l'élection du 7 mai.

Pourquoi le SNP fait le plein

La campagne du référendum sur l'indépendance où il était quasiment le seul parti à défendre le « oui » a permis au SNP de rassembler l'ensemble des électeurs indépendantistes sous sa bannière. Mais d'autres éléments ont joué en faveur du SNP : son discours violemment anti-austéritaire a séduit une grande partie des électeurs du Labour, jadis dominant en Ecosse, et qui lui ne propose qu'une consolidation fiscale « plus douce » que le remède de cheval proposé par les Conservateurs. La « droitisation » de l'Angleterre avec la montée du parti eurosceptique et xénophobe UKIP de Nigel Farage et la volonté de David Cameron d'organiser un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'UE a aussi conduit à un réflexe de « défense » d'un électorat écossais qui, si l'on en croit un sondage de Yougov, est « plus à gauche » que l'électorat anglais sur pratiquement tous les sujets.

Raz-de-marée nationaliste en Ecosse

Résultat : le SNP devrait emporter haut la main les élections générales en Ecosse le 7 mai. Sans être majoritaire, il pourrait rafler 43 % des voix dans la région, soit 24,1 points qu'en 2010, avec une avance de 6 points sur le Labour. En raison de la loi électorale britannique et du principe du « first-past-the-post » (FPP), autrement dit le candidat arrivé en tête dans la circonscription est élu, le SNP pourrait ainsi compter, selon la projection réalisée par le Guardian, sur 51 des 59 sièges écossais. Dans le contexte de la politique britannique, cette cinquantaine de députés aux Communes semble incontournable pour former une majorité. La même projection donne en effet une égalité entre le Labour et les Conservateurs, les premiers obtenant 273 sièges, les second 272. On est loin des 326 députés nécessaires à la formation d'une coalition. Or, en dehors du SNP, les réserves de députés risquent d'être faibles pour les grands partis.

Pas de majorité à droite

Malgré une bonne implantation locale, les Lib-Dems ne peuvent plus guère compter que sur 28 sièges. L'actuelle coalition au pouvoir ne sera donc pas majoritaire. Et si l'UKIP est fort dans l'opinion, avec un score qui pourrait évoluer entre 12 et 14 % des voix, il risque bien de ne pas pouvoir glaner plus de 3 à 4 sièges. Reste certes le DUP, le parti unioniste nord-irlandais qui a gagné 8 sièges en 2010, mais ce n'est pas un allié facile. Quoi qu'il arrive, une coalition à droite est une gageure. On voit mal l'UKIP et les Lib-Dems dans un même gouvernement. En réalité, si le SNP glane 51 sièges et le Labour 273, la présence possible d'un Vert et de trois autonomistes gallois du Plaid Cymru, ainsi que le traditionnel refus du Sinn Fein nord-irlandais (5 sièges en 2010) de ne pas siéger à Westminster rend un gouvernement de droite quasi-impossible au Royaume-Uni, même si, en voix, la droite restera largement majoritaire. Tels sont les effets du FPP !

Un premier ministre travailliste sous contrôle écossais ?

Le SNP est donc désormais au centre du jeu politique national. Parti clairement de gauche, adversaire décidé de la politique d'austérité du chancelier de l'échiquier conservateur George Osborne, le SNP est naturellement l'allié du Labour pour assurer l'alternance. Le Labour voit certes d'un fort mauvais œil la montée du SNP qui lui chipe ses bastions écossais et qui constitue une nouvelle force parlementaire sur sa gauche, et refuse une coalition formelle avec le SNP. Le scénario que met en avant le SNP est celui d'un soutien de l'extérieur d'un gouvernement minoritaire travailliste sans y participer. Mais évidemment, ce soutien ne se fera pas sans contrepartie. Samedi, le vice-président du SNP Stewart Hosie, a indiqué qu'elle demanderait un droit de veto sur le discours de la Reine d'un gouvernement travailliste minoritaire. Autrement dit, Ed Miliband, le leader du Labour, risque de devenir premier ministre par la seule grâce et la seule volonté des indépendantistes écossais. Et sera donc sous son contrôle.

Des divergences entre SNP et Labour

Voici qui promet une vie parlementaire pour le moins agitée. Lors du débat télévisé écossais du mercredi 8 avril, Nicola Sturgeon a indiqué qu'elle demanderait une complète autonomie fiscale de l'Ecosse. Une hérésie pour le Labour qui reste attachée à la redistribution au niveau national. Mais les Travaillistes pourront-ils résister à de telles demandes si leur gouvernement dépend du vote écossais ? De même, quelle politique budgétaire pourra mener un Ed Miliband surveillé de près par Nicola Sturgeon ? Les Travaillistes ne diffèrent pas des Conservateurs dans leur volonté de revenir à l'équilibre budgétaire (le déficit public est actuellement de 5 % du PIB, soit 90 milliards de livres ou 123 milliards d'euros), ils veulent simplement une austérité moins forte et moins rapide. Ce que le SNP rejette. Bref, les divergences ne sont donc pas minces entre les deux partis.

Les Travaillistes tentent de contenir la poussée SNP

Et l'on comprend que, pour l'instant, les Travaillistes refusent le principe d'un « veto » écossais et fustige le SNP comme « allié objectif » des Conservateurs. Jim Murphy, le leader écossais du Labour a ainsi prévenu que « évidemment, le Labour et le SNP travailleront ensemble, mais si les sondages sont confirmés dans les urnes, ce sera sur les bancs de l'opposition pour combattre le premier ministre David Cameron. » Propos sans contenu arithmétique, on l'a vu, mais qui visent à faire du Labour le seul choix anti-conservateur. Du reste, la décision d'Ed Miliband d'axer son programme à gauche en supprimant les avantages fiscaux des non-résidents peut aussi s'expliquer par cette volonté de couper l'herbe sous le pied du SNP.

Attaques de la presse conservatrice

La « Sturgeon Mania » inquiète donc l'establishment politique britannique. Et la First Minister essuie aussi les attaques de la presse conservatrice. Mercredi 8 avril, le Financial Times a appelé dans un éditorial à se méfier des « dangers cachés de la Sturgeon-Mania », en fustigeant les positions anti-austéritaires du SNP. Vendredi 3 avril, le quotidien conservateur The Telegraph publiait une information selon laquelle Nicola Sturgeon aurait assuré à l'ambassadeur de France qu'elle souhaitait la victoire de David Cameron afin de pouvoir continuer à accuser la politique menée à Londres. Les informations ont été démenties et le SNP a continué à progresser dans les sondages. La Sturgeon-Mania semble plus forte que ces attaques. Plus que jamais, le futur locataire du 10 Downing Street se décidera entre les Borders et les Highlands.

Commentaires 10
à écrit le 09/05/2015 à 3:56
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de plus en plus fréquente, sans pourtant de raison compréhensible. Un bug sans doute.

le 15/05/2015 à 23:13
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il semblerait que ce soit un bug. Mais de plus en plus fréquent. Cdlt.

à écrit le 07/05/2015 à 23:39
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Juste pour le plaisir de l'édification des masses (lol) voici quelques chiffres bien parlants: Résultats de 2010. Conservative 307 sièges avec 36.1%, Labour 258 sièges avec 29.0%, Liberal Democrats 57 sièges avec 23.0%, Democratic Unionist Party ...

à écrit le 07/05/2015 à 23:38
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Juste pour le plaisir de l'édification des masses (lol) voici quelques chiffres bien parlants: Résultats de 2010. Conservative 307 sièges avec 36.1%, Labour 258 sièges avec 29.0%, Liberal Democrats 57 sièges avec 23.0%, Democratic Unionist Party ...

à écrit le 11/04/2015 à 23:42
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Ces infranationalismes comme le SNP ou CIU en Catalogne sont un poison et portent en germe la destruction de l'Europe . Le SNP prétend etre pro européen alors que son discours independanttiste est totalement anti européen

le 14/04/2015 à 22:01
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Pas du tout. Vous n'y comprenez évidemment rien.

à écrit le 10/04/2015 à 21:09
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On pourrait imaginer vive l'Ecosse libre, sortons les kilts et vive la Catalogne libre...

à écrit le 09/04/2015 à 20:33
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Entre Salmon et Sturgeon, c'est une histoire de gros poissons :-)

à écrit le 09/04/2015 à 16:44
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Vivement le référendum et surtout le résultat que la GB quitte l'UE ! Folie des successeurs de De Gaulle de lever le véto français sur l'appartenance de la GB à l'UE, et en plus de revenir dans l'OTAN ! Impossible de trahir davantage la France. Ah ! ...

le 18/04/2015 à 13:56
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Vous avez tout à fait raison. J'espère sincèrement que les Écossais obtiendront gain de cause. Et puis, sans l'Écosse, le Royaume-(dés)Uni ne sera plus une grande puissance mondiale, au contraire de la France, ce qui serait une revanche bien méritée.

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