Pacte de Stabilité : la discussion à Bruxelles s'annonce difficile

A la fin du mois d'avril, la Commission devrait soumettre son projet de loi aux eurodéputés et aux exécutifs des 27 pays membres pour refondre le Pacte de stabilité et de croissance. S'il s'agit toujours de réduire les endettements et de favoriser la convergence, l'approche se veut plus pragmatique et adaptée aux situations spécifiques de chaque Etat. Berlin a notamment réaffirmé sa volonté d'observer une certaine orthodoxie budgétaire.
Robert Jules
Dans le détail, il intégrera les dernières propositions issues des discussions qu'ont suscité chez les ministres des Finances, le texte de la Commission européenne qui avait fixé en novembre certaines orientations.
Dans le détail, il intégrera les dernières propositions issues des discussions qu'ont suscité chez les ministres des Finances, le texte de la Commission européenne qui avait fixé en novembre certaines orientations. (Crédits : Reuters)

Le chantier de réforme du Pacte de stabilité et de croissance lancé par la Commission européenne va s'accélérer à la fin du mois d'avril. L'institution européenne présentera un projet de loi. Ce dernier sera ensuite soumis aux élus du Parlement européen et aux exécutifs des 27 pays membres.

Dans le détail, il intégrera les dernières propositions issues des discussions qu'ont suscité chez les ministres des Finances, le texte de la Commission européenne qui avait fixé en novembre certaines orientations.

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Les critères restent identiques

S'il vise toujours à réduire les dettes publiques des Etats membres, en gardant les fameux ratios de référence inscrits dans le Traité de Maastricht, soit un déficit contenu à 3% du PIB national et une dette publique plafonnée à 60% du PIB, la nouvelle approche se veut moins stricte et mécanique. Ces critères sont suspendus depuis la pandémie du Covid-19 et devraient le rester jusqu'à la fin de 2023, en attendant le nouveau texte dont la promulgation va passer par un débat serré.

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Pour favoriser la convergence des économies et promouvoir l'investissement, notamment dans les nouvelles filières industrielles pour décarboner l'activité, comme l'exige la lutte contre le réchauffement climatique, la Commission européenne propose en effet de se focaliser sur l'élaboration de trajectoires spécifiques à partir d'analyses de soutenabilité de la dette propres à chaque pays.

Une telle approche donne des marges de manœuvre plus importantes au niveau national, grâce à une approche plus flexible et plus simple qui tient compte des spécificités de chaque Etat. Elle leur accorderait aussi plus de temps pour réduire leur endettement en échange de réformes et d'investissements.

Mieux évaluer les hypothèses

Aux yeux de nombre d'experts, l'approche présente des avantages. D'abord, se baser sur toutes les informations plutôt que sur quelques « chiffres magiques » permet de pouvoir détecter certains risques liés à la dette, soulignent les économistes Olivier Blanchard, ancien chef économiste du FMI, et Jeromin Zettelmeyer, dans une note publiée par le centre de réflexion Bruegel.

Ensuite, elle permet une meilleure acceptabilité. Contrairement aux règles qui avaient cours, dont l'application n'était pas efficiente et créait des tensions entre pays avec ceux qui refusaient de les appliquer, les Etats seront plus susceptibles d'accepter une procédure de redressement budgétaire qu'ils ont définie en fonction de la réalité de leur situation. Enfin, elle permet de mieux évaluer les hypothèses et les résultats attendus en toute transparence, d'autant plus qu'une telle démarche a été expérimentée avec succès par le FMI dans l'analyse des dettes des pays entre les différentes parties concernées.

L'Allemagne prône un durcissement des règles

Pour autant, le débat s'annonce difficile entre les différentes capitales, les réformes et les programmes d'économies n'étant pas politiquement populaires, comme l'illustre l'opposition actuelle à la réforme des retraites en France. La ligne de fracture entre « les cigales et les fourmis » pourrait resurgir à cette occasion, d'autant que Berlin a déjà pris position dans un document non-officiel publié en mars.

Fidèle à son attachement à la stabilité budgétaire, l'Allemagne a réclamé à l'exécutif européen le durcissement de certaines règles, par exemple, en demandant une obligation minimale de réduction du ratio d'endettement d'au moins 0,5 point par an pour les pays où il dépasse 60% du PIB et d'au moins 1 point par an pour les pays dépassant nettement ce seuil.

Christian Lindner, le ministre des Finances, membre du Parti libéral qui forme la coalition au pouvoir avec le SPD et les écologistes, est un tenant du retour à l'orthodoxie budgétaire. « Il reste encore beaucoup à faire pour que l'Allemagne puisse accepter un accord », a-t-il averti le mois dernier lors d'une réunion avec ses homologues de l'UE.

Tirant l'expérience du non-respect des règles précédentes, l'Allemagne craint qu'en desserrant le carcan budgétaire, chaque pays s'éloigne d'une discipline commune et du principe d'équité en négociant une réduction des déficits et des endettements qui lui convienne, alors même que les niveaux ont explosé. Aujourd'hui, il représente 145% du PIB en Italie, 112% en France et près de 69% en Allemagne.

Différences de traitement entre pays

Néanmoins, comme le gouvernement allemand, Olivier Blanchard et Jeromin Zettelmeyer pointent un risque d'impartialité de la Commission dans l'analyse de la soutenabilité de la dette. Un pays puissant peut bénéficier d'un traitement moins strict qu'un État plus modeste. Pour y remédier, la méthode commune qui doit être définie doit être reproductible, prévisible et transparente, comme l'ont déjà exigé les ministres de l'Économie de l'UE.

Autre problème pointé par Berlin : la proposition de plans de redressement budgétaire qui engagent les gouvernements sur une durée de 4 à 7 ans peut entrer en contradiction avec le processus électoral. Un gouvernement élu sur un programme électoral spécifique pourrait se retrouver contraint d'appliquer des mesures contraires à ce programme. Dans ce cas, faudrait-il tenir compte de la durée du plan sur le calendrier électoral ou renégocier un nouveau plan ? Le choix des dispositifs n'implique pas seulement des considérations techniques, mais relèvent aussi de principes démocratiques.

Il ne s'agit là que de quelques problèmes épineux soulevés par cette refonte du Pacte de stabilité et de croissance, qui montrent que l'aboutissement risque de prendre du temps.

« Si la Commission ignore les critiques des pays de l'UE, la réforme ne passera pas avant les élections européennes de 2024 », mettent en garde Olivier Blanchard et Jeromin Zettelmeyer tout en soulignant que « si la Commission s'adapte trop aux pays de l'UE, la réforme perdra les atouts intellectuels du plan initial et pourrait se transformer en quelque chose ressemblant au système actuel - un monstre de Frankenstein de règles et de procédures qui se chevauchent ».

C'est bien là le dilemme.

Robert Jules
Commentaires 7
à écrit le 22/04/2023 à 2:21
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Si vous pensez que la France a perdu son rang actuellement, vous seriez en pleine dépression si le monde évoluait comme vous le souhaitez. La France n'aurait plus aucune importance, sauf peut-être pour l'Espagne ou la Suisse. Les pays ont des inté...

à écrit le 21/04/2023 à 17:01
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Pour une fois soyons honnêtes. Christian Lindner a raison et nous avons tort.

à écrit le 21/04/2023 à 15:43
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UE doit disparaitre et avec elle toutes ses organisations mondiale ( OTAN , OMS, FMI, etc ... ) qui sont en réalité qu'un véritable nid de mafia et de lobbyistes nuisible pour les peuples, pour la terre et pour la vie en général .

le 22/04/2023 à 16:15
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réponse à "gardien" oui cette UE issue de maastricht doit disparaître et compte tenu de la col!ère Française sur la gestion des énergies et de la nourriture, il est fort à penser qu'en Juin 2024 nous envoyons à BRUXELLES comme beaucoup d'autres Pays ...

à écrit le 21/04/2023 à 11:12
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Le résultat sera le même que ce qui a précédé: détruire les services publiques, précariser les travailleurs et enrichir les rentiers encore plus.

à écrit le 21/04/2023 à 10:50
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"Un gouvernement élu sur un programme électoral spécifique pourrait se retrouver contraint d'appliquer des mesures contraires à ce programme?" Et alors? Si un candidat promet n'importe quoi comme c'est la tradition en France et les français le voten...

à écrit le 20/04/2023 à 19:56
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Aujourd'hui : "La France redevient le pays européen où l'électricité est la plus chère !"

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