Pourquoi la Norvège baisse ses taux

La Norges Bank a baissé ses taux ce jeudi pour tenter de peser sur la couronne. Mais la marge de la banque centrale de manœuvre entre l'inflation encore forte et les attentes du marché est très faible.
La couronne norvégienne est le principal souci de la banque centrale du pays.

La Norges Bank, banque centrale de Norvège, a baissé des taux de 50 points de base ce jeudi 17 mars en plaçant son taux principal de refinancement à 0,5 %, un plus bas historique. Cette annonce attendue répond au ralentissement de la croissance dans ce pays scandinave largement dépendant de l'industrie pétrolière qui représente un quart de son économie. En février, l'office norvégien des statistiques a confirmé la quasi-stagnation de l'économie de « terre ferme » de la Norvège (qui exclut les activités pétrolières). Au quatrième trimestre 2015 en volume, ce PIB « terre ferme » a progressé de seulement 0,1 %, trois fois moins que la France, après une stagnation au troisième trimestre. Sur l'ensemble de l'année dernière, la croissance est de 1 %, une hausse là aussi moins rapide que le PIB hexagonal (+ 1,1 % en 2015).

Pourquoi les perspectives sont faibles

La mauvaise santé du secteur pétrolier, pénalisée par les bas prix de l'or noir, s'est donc transmise en partie à l'économie de « terre ferme ». Et ce ralentissement est préoccupant pour le gouverneur de la Norges Bank, Øysten Olsen. En un an, l'économie norvégienne est passée de 2,3 % à 1 % de croissance. L'an dernier, la croissance norvégienne a été plombée par une baisse des investissements qui ont chuté de 4 % sur un an. Elle a principalement résisté grâce à la hausse de la consommation des ménages (+ 2 %) et à celle des exportations (+2,6 %). Or, la croissance de la consommation pourrait ne pas durer. Déjà la confiance des ménages se dégrade. Rien de plus logique. La baisse des investissements dans le secteur pétrolier a été accompagné de réductions d'effectifs qui touchent à présent progressivement d'autres secteurs de l'économie. Le taux de chômage, à 3,5 % en 2014 est passé à 4,4 % en 2015 et est attendu par la banque Nordea à 4,8 % en 2016. Ceci peut sembler très bas à un Français, mais cette hausse inquiète des ménages norvégiens peu habitués à de tels décrochages sur le front de l'emploi. Le taux de chômage norvégien est le plus élevé au cours des dix dernières années. La baisse de la rentabilité des entreprises pourrait aussi freiner la croissance des salaires, donc de la consommation.

Tout miser sur la dépréciation monétaire

La Norges Bank a donc décidé de tout miser sur la compétitivité externe de l'économie de terre ferme pour maintenir la croissance des exportations et relancer l'investissement, indépendamment de la situation du secteur. Or, pour faire fonctionner ce mécanisme, Øysten Olsen a besoin d'une couronne bon marché. La couronne norvégienne, considérée comme une « monnaie matière première » avait été largement dépréciée sur les marchés au cours du premier semestre 2015. Face à l'euro, elle avait ainsi gagné 15 % entre mai et septembre. Or, au troisième trimestre, les exportations norvégiennes avaient bondi de 5,6 %. Mais la quasi-stagnation de la couronne au dernier trimestre a clairement pesé sur les exportations qui ont reculé de 2,9 %.

Stopper l'appréciation de la couronne

Or, la Norges Bank doit faire face à une menace venant de Francfort et de Stockholm. Les banques centrales européennes et suédoises mènent en effet une politique d'assouplissement quantitatif très agressive pour maintenir leurs monnaies à des niveaux bas. Avec la légère remontée du prix du baril de Brent depuis fin janvier et l'annonce de nouvelles mesures de la BCE, la couronne s'est raffermie, passant de son plus bas niveau historique de 9,69 couronnes pour un euro en janvier dernier à 9,43 couronnes pour un euro aujourd'hui. Soit une appréciation de 1,7 % dont ne peut se satisfaire Øysten Olsen.

Aussi le gouverneur de la Norges Bank a-t-il laissé entendre qu'il pourrait aller plus avant dans l'assouplissement de la politique monétaire. « La perspective actuelle de l'économie norvégienne suggère que le taux de référence de la politique monétaire pourrait être encore réduit dans le courant de l'année », a-t-il martelé. Les observateurs parient majoritairement pour une nouvelle baisse de à 0,25 % du taux cette année et certains, comme ceux de Nordea, plaide même pour des taux zéro avant la fin de 2016.

La nécessité de frapper (très) fort

Mais la tâche d' Øysten Olsen est rendue particulièrement difficile par un dilemme. Pour réellement peser sur la couronne, la politique monétaire norvégienne devrait être beaucoup plus accommodante, compte tenu des taux négatifs en Suède et en zone euro, mais aussi de la fin de la baisse du prix du pétrole. Les fondamentaux plaident clairement pour un raffermissement de la couronne, alors même que les effets à moyen terme du prix bas de l'or noir vont continuer de peser sur les investissements. La Norges Bank serait donc condamnée à frapper fort pour inverser cette tendance, peut-être même avec des taux négatifs. Mais elle est confrontée à deux problèmes graves qui l'incitent à la prudence.

La question de l'inflation et de la bulle immobilière

D'abord, à la différence de la Suède et de la zone euro, la Norvège n'a pas de problème d'inflation faible. En 2015, les prix ont augmenté de 3,1 %, hors effet de l'énergie, de 2,7 %. Un niveau qui s'explique par la couronne faible et la bonne tenue de la consommation et des salaires. Si la couronne baisse nettement, cette inflation sera encore plus forte et il faudra alors compter avec d'éventuels effets de « second tour » sur les salaires. Cette hausse des salaires pourraient alors, sans dynamiser la consommation (à cause de l'inflation), « éliminer » les effets positifs de la couronne faible sur la compétitivité. Le risque est donc celui d'une « stagflation » modérée : une économie déprimée, avec une inflation élevée. L'équilibre à trouver est donc difficile, d'autant que beaucoup d'économistes mettent en garde contre la bulle immobilière qui menace dans plusieurs régions du pays en raison des taux faibles.

Des taux négatifs renvoyés aux calendes grecques

Ce jeudi, Øysten Olsen a donc laissé ouverte la possibilité d'un recours aux taux négatifs, tout en la limitant à des cas où « l'économie norvégienne serait soumise à de nouveaux chocs. » Son ambition était alors de réduire l'usage de cet outil, tout en le laissant disponible. Le problème est que les investisseurs ont retenu de ce message un seul élément : les taux négatifs sont renvoyés à un temps indéterminés. La tendance haussière de la couronne a donc repris le dessus, la monnaie norvégienne s'est donc raffermie de 0,57 % vers 16h30 face à l'euro par rapport à la moyenne de la veille à 9,4381 couronnes pour un euro. Le pari d' Øysten Olsen est donc raté, traduisant une nouvelle fois un des thèmes dominants du moment : la difficulté de la politique monétaire à convaincre les marchés.

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