Une inflation à 6,8%, une croissance au ralenti : le scénario noir de Bruxelles pour l'économie européenne

La Commission européenne a abaissé ses prévisions de croissance du PIB pour 2022 passant de 4% à 2,7%. Pour 2023, elle a dégradé son chiffre de croissance à 2,3% contre 2,7% auparavant. L'envolée des prix de l'énergie pourrait propulser l'inflation à un sommet estimé à 6,8% en Europe contre 3,9% avant la guerre.
Grégoire Normand
La dette publique pourrait reculer cette année passant de 89,7% en 2022 à 87,1% en 2023.
La dette publique pourrait reculer cette année passant de 89,7% en 2022 à 87,1% en 2023. (Crédits : Reuters)

L'onde de choc de la guerre en Ukraine se propage à toute vitesse sur l'ensemble du Vieux continent. Après l'éclatement du conflit à la fin du mois de février, les indicateurs économiques n'ont cessé de se dégrader les uns après les autres. Après le FMI et l'OCDE, la Commission européenne a fortement révisé à la baisse ses prévisions de croissance européenne pour 2022 dévoilées ce lundi 16 mai, passant de 4% à 2,7%. S'agissant de 2023, Bruxelles a également dégradé son chiffre de croissance du PIB passant de 2,7% à 2,3%.

Après un plongeon vertigineux en 2020 au pic de la pandémie à -5,9%, l'économie européenne avait  bien rebondi en 2021 à 5,4% avant de rentrer à nouveau dans une zone de fortes turbulences. Entre l'inflation galopante, la flambée des prix sur les marchés de l'énergie et ceux des matières premières, la remontée des taux annoncée par la banque centrale européenne (BCE) il y a quelques jours, l'horizon économique s'est considérablement assombri depuis l'hiver.

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Gros coup de frein de la croissance en Allemagne

La guerre en Ukraine a donné un sérieux coup de frein à l'économie allemande. Les statisticiens de la Commission européenne ont détérioré leurs projections de croissance pour le PIB germanique de deux points à 1,6% en 2022 contre 3,6% le 10 février dernier. Il faut dire que l'économie outre-Rhin est fortement dépendante de l'énergie russe pour faire tourner son industrie.

En outre, les difficultés d'approvisionnement ne cessent de peser sur l'industrie automobile, poids lourd du modèle économique allemand. Résultat, l'Allemagne, première économie de la zone euro, devrait cesser d'être le moteur économique de l'Europe cette année compte tenu de l'accumulation de ses déboires depuis le début de la pandémie. Certains observateurs n'hésitent pas désormais à parler "d'homme malade" de l'Europe. Pour la coalition "feu tricolore" emmenée par Olaf Scholz (SPD), cette croissance ralentie pourrait fragiliser l'Allemagne de l'après "Merkel".

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La croissance française devrait également se tasser en 2022

Les moteurs de l'économie française se tassent également. Après un fort rebond de l'ordre de 7% en 2021, la croissance du PIB devrait se tasser à 3% en 2022 et 1,8% en 2023. En février dernier, Bruxelles tablait sur une croissance de 3,6% cette année et 2,1% en 2023. En France, la plupart des instituts de prévision ont aussi dégradé leurs chiffres de croissance. Au premier trimestre, l'économie tricolore a fait du surplace avant de se redresser légèrement au cours du second trimestre (0,2%) selon les conjoncturistes de la Banque de France et ceux de l'Insee. La consommation, traditionnel point fort de l'Hexagone, a freiné depuis le début de l'année sous l'effet de l'envolée des prix et la chute de confiance des ménages et des entreprises

Malgré toutes les mesures du gouvernement pour tenter d'enrayer la spirale inflationniste (bouclier tarifaire, ristourne de 18 centimes d'euros sur l'essence), les Français anticipent la baisse du pouvoir d'achat annoncée par l'Insee pour le premier semestre. Le nouveau gouvernement qui doit être annoncé dans les heures à venir aura la lourde tâche de présenter un nouveau budget rectificatif après les législatives, avec "un paquet pouvoir d'achat", destiné à limiter l'impact macroéconomique de cette guerre s'il ne veut pas se retrouver face à une colère sociale rapidement. En effet, les hausses salariales issues des négociations dans les entreprises depuis le début de l'année sont très loin de compenser la hausse de l'indice des prix autour de 5% comme le rappelle très bien une étude de la Banque de France dévoilée la semaine dernière. Résultat, les revenus réels pour beaucoup de salariés Français risquent de baisser drastiquement.

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Coup de massue sur l'économie italienne, l'Espagne en perte de vitesse

Parmi les autres grandes puissances de la zone euro, l'économie italienne est en très mauvaise posture. La Commission européenne projette une croissance du PIB de 2,4% en 2021 et 1,9% en 2023. En février dernier, l'institution bruxelloise anticipait une accélération du PIB de 4,1% et 2,3% en 2023. La succession des crises ces dernières années a laissé de profondes traces sur le tissu productif de la péninsule, très dépendante de son commerce extérieur. Malgré un plan de relance relativement conséquent, le gouvernement italien devrait être à la peine pour résoudre les deux grands points faibles de l'économie du Sud de l'Europe : une croissance atone et une productivité en berne.

Quant à l'Espagne, elle devrait limiter les dégâts. La Commission européenne prévoit une croissance de l'activité de 4% en 2022 et 3,4% en 2023. Les statisticiens européens anticipaient au 10 février dernier une accélération de 5,6% en 2022 et 4,4% en 2023. Lourdement affecté par la pandémie, le tourisme, pilier du modèle économique espagnol a retrouvé des couleurs ces derniers mois. Le coup de frein de l'économie européenne et le prolongement de la guerre pourraient cependant limiter les projets de destination cet été pour beaucoup de touristes.

Une inflation à 6,8% en 2022

Le terrible conflit en Ukraine a considérablement accéléré la hausse des prix sur le Vieux continent. Entre la flambée des prix du gaz et du pétrole, l'envolée des matières premières agricoles et la pénurie de certains matériaux, l'inflation calculée par la Commission européenne pourrait grimper à 6,8% en 2022 avant de retomber à 3,2% l'année prochaine. Avant la guerre, la Commission européenne misait sur une inflation à 3,9% en 2022 dans l'UE à 27 (3,5% en zone euro) avant de retomber à 1,7% en 2023. A tous ces déboires s'ajoute la politique zéro covid menée en Chine qui contribue à faire chauffer les prix sur le fret maritime et aérien ou encore le prix de certains composants électroniques.

Résultat, la Banque centrale européenne a déjà commencé à resserrer sa politique monétaire en annonçant la fin de son programme de rachats d'actifs pour faire face à l'urgence (PEPP) mis en place en pleine pandémie et une remontée de ses taux au cours de l'été prochain. L'équation pour sa présidente Christine Lagarde devrait être particulièrement périlleuse. En effet, un durcissement de la politique monétaire pourrait avoir des répercussions désastreuses sur l'activité européenne à peine sortie du long tunnel de la crise sanitaire.

Grégoire Normand
Commentaires 7
à écrit le 16/05/2022 à 17:04
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C'est une occasion pour l'UE de se démarquer (par nécessité ) du reste du Monde en ce qui concerne l'énergie fossile, qui, rappelons le est une énergie non renouvelable, epuisable ET polluante. Ça va nous coûter cher? Eh ben oui! Mais vu qu'on ne peu...

à écrit le 16/05/2022 à 14:14
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C'était tellement couru d'avance avec ces inepties du confinement pendant la pandémie. On crée un super goulet d'étranglement mondial et après on s'étonne des conséquences sur les cours des matières premières, la gestion des stocks, le niveau des dé...

le 16/05/2022 à 20:49
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Le confinement vous a peut-être sauvé la vie !

le 16/05/2022 à 22:54
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@marc469 Peut-être... mais pas sûr! Examinons le cas du Japon qui n'a jamais confiné sa population. Le Japon fait largement mieux que nous puisque pour 137 millions d'habitants (dont plus du tiers ont plus de 65 ans!), il n'a eu à déplorer qu...

à écrit le 16/05/2022 à 14:11
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C'est beau le noir

à écrit le 16/05/2022 à 14:04
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Quand tout le monde est dans le même sac, tout le monde subit les conséquences d'une seule décision, c'est comme les épidémies... sans frontière !

à écrit le 16/05/2022 à 13:59
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Bah j'ai envie de dire, tant mieux, tout le monde en avait raz le bol, de cette politique économique du déni, de ces prêts infinis, de cet argent facile, de ces actions dont le prix montait sans cesse. Ca devenait insupportable

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