C'est une première depuis l'invasion par la Russie le 24 février dernier : ce mercredi le volume de gaz russe transitant par l'Ukraine vers l'Europe a diminué en raison de l'arrêt d'un gazoduc entre la Russie et l'Ukraine. Résultat : les livraisons de gaz russe à l'Allemagne passant par cette route ont chuté de 25%. Et cela a des conséquences directes sur l'approvisionnement en Europe, l'Ukraine étant une importante voie de transit pour le gaz russe consommé sur le Vieux Continent.
"En raison de la réduction du transit, les volumes de gaz acheminés vers l'Allemagne via l'Ukraine (par le gazoduc Megal) ont diminué de 25% par rapport" à mardi, a indiqué mercredi l'agence allemande gouvernementale chargée de l'énergie. Il s'agit de l'un des principaux gazoducs transitant par l'Ukraine. Pas de risque de pénurie pour autant. L'approvisionnement est "stable". "Ces volumes (sont) actuellement compensés par des flux plus importants, notamment en provenance de Norvège et des Pays-Bas", a ajouté l'agence gouvernementale.
En février dernier, Berlin avait sonné la sonnette d'alarme. Le niveau de réserves nationales de gaz, était descendu à un niveau "inquiétant", s'alarmait le ministère de l'Économie et du Climat. Ce mercredi, le pays «suit (donc) la situation de près», a indiqué le ministère. L'Allemagne est l'un des principaux clients européens du gaz russe. Berlin a toutefois réussi à diminuer sa dépendance énergétique à Moscou qui est passé de 55% à 35% ces dernières semaines.
Kiev exige un réacheminement du gaz russe
C'est en réalité l'Ukraine qui est en partie responsable de cette baisse du transit. "L'Ukraine n'est plus responsable du transport du gaz russe à travers les territoires ukrainiens sous occupation militaire russe", a ainsi déclaré la société publique ukrainienne de gaz Naftogaz cité par le média Politico. En d'autres termes : plus question pour l'opérateur ukrainien des gazoduc, OGTSOU, de faire transiter du gaz russe dans ces territoires où se trouvent les installations de Sokhranivka et Novopskov, dans la région de Lougansk. C'est par ces installations que transite un tiers du gaz russe destiné à l'Europe. L'opérateur ukrainien a dénoncé "des prélèvements illégaux" du "gaz destiné au transit", envoyé selon Kiev vers des territoires occupés par la Russie dans l'est de l'Ukraine, sans toutefois donner de chiffres. Il demande que le gaz russe soit orienté vers un autre point de passage, à Soudja, qui se trouve dans les territoires contrôlés par Kiev. Malgré l'invasion du pays par la Russie, l'Ukraine a, jusqu'à présent, continué de permettre l'acheminement de l'hydrocarbure jusqu'à l'Europe. En revanche, les livraisons sont désormais à l'arrêt dans les régions de Lougansk et de Donetsk. "Les représentants de l'agresseur ont privé l'Ukraine de la possibilité de transporter du gaz aux consommateurs des régions de Lougansk et de Donetsk. Les autorités russes assument l'entière responsabilité des conséquences humanitaires de telles actions", a justifié le PDG de OGTSOU, Sergiy Makogon, dans un message sur Facebook, relève Politico.
"Un jeu politique"
Gazprom a, lui, démenti mardi tout cas de "force majeur" et argué qu'il était impossible de dérouter les volumes pour des "raisons technologiques", avant de confirmer à l'agence nationale Tass que les volumes baisseraient ce jour à 72 millions de m3, contre 95,8 millions de m3 livrés la veille.
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Des chiffres bien différents de ceux publiés par OGTSOU mercredi matin selon qui les volumes passant par Sokhranivka sont tombés à zéro et ceux de Soudja sont prévus en hausse, mais pas suffisamment pour compenser la baisse -- de 18% mercredi, selon les Ukrainiens. "C'est un jeu politique de leur côté", a estimé la conseillère de Ioury Vitrenko, Svitlana Zalichtchouk: "Ils vont tenter de nous présenter comme irresponsables, mais c'est exactement le contraire. Ils ont occupé nos territoires, nous n'avons plus d'accès à nos infrastructures". Au sujet de la baisse des livraisons, Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a seulement déclaré que "la Russie a toujours honoré ses obligations contractuelles et va continuer de le faire".