Zone euro : l'industrie rebondit, l'hécatombe se poursuit dans l'emploi

L'indice PMI, mesurant l'activité de l'industrie manufacturière dans la zone euro, a rebondi pour passer de 47,4 à 51,8 entre juin et juillet. Malgré ce signal encourageant, la situation reste très inquiétante pour l'emploi industriel européen à la rentrée.
Grégoire Normand
Les industries de la zone euro ont fait état d'un début de troisième trimestre très positif, avec une croissance de la production à son rythme le plus rapide depuis plus de deux ans, alimentée par un rebond encourageant de la demande, commente Chris Williamson, économiste d'IHS Markit
"Les industries de la zone euro ont fait état d'un début de troisième trimestre très positif, avec une croissance de la production à son rythme le plus rapide depuis plus de deux ans, alimentée par un rebond encourageant de la demande", commente Chris Williamson, économiste d'IHS Markit (Crédits : © Dave Kaup / Reuters)

Les moteurs de l'appareil productif redémarrent. Après plusieurs semaines de mise à l'arrêt, l'industrie de la zone euro retrouve des couleurs alors que la situation sanitaire est loin d'être apaisée. Selon le dernier indice PMI final publié ce lundi 3 août, l'activité a rebondi entre juin et juillet passant de 47,4 à 51,8. Au dessus de 50, le secteur est en expansion. La levée progressive des mesures de confinement au cours des mois de mai et juin a permis à de nombreux groupes de repartir dans des conditions sanitaires et sociales parfois complexes. Pour le chef économiste de l'institut Markit Chris Williamson, "le secteur manufacturier de la zone euro a entamé le troisième trimestre sur une note très positive, la production enregistrant en effet sa plus forte hausse depuis plus de deux ans en juillet, portée par un rebond encourageant de la demande".

En dépit de ces signaux positifs pour le secteur manufacturier, les annonces de licenciements, de restructurations et de destructions d'emplois se multiplient sur tout le continent fragilisant amplement la reprise. "Les données sur l'emploi demeurent préoccupantes, d'autant que la santé du marché du travail jouera, à n'en pas douter, un rôle déterminant dans la reprise économique de la région. Si le taux de suppression de postes a fléchi et affiché son plus bas niveau depuis mars dernier, il reste parmi les plus élevés depuis 2009" poursuit Chris Williamson. Pour l'économie européenne, une destruction massive d'emplois industriels pourrait à terme nuire encore plus au secteur qui voit déjà ses compétences se déliter. En effet, la part de l'industrie dans la valeur ajoutée européenne a considérablement diminué depuis trois décennies, alors que la crise du Covid-19 a mis en exergue les faiblesses des Etats européens pour répondre à l'urgence sanitaire (masques, médicaments).

Une reprise presque généralisée mais fragile

Les statistiques communiquées par l'institut britannique, qui constituent des indicateurs avancés très observés par les milieux économiques et financiers, indiquent que la reprise est presque généralisée dans les pays couverts par l'enquête. C'est en Espagne, pays fortement touché par cette maladie infectieuse, que le niveau d'activité est le plus marqué (53,5). Viennent ensuite l'Autriche (52,8), la France (52,4), l'Italie (51,9) et l'Allemagne (51). A l'inverse, la Grèce (48,6) et les Pays-Bas (47,9) demeurent en territoire récessif.

Légère progression pour la France

En France, le rythme de la reprise s'infléchit. Après un très fort rebond en juin, l'indice PMI marque une hausse très légère passant de 52,3 à 52,4. Ce ralentissement s'explique avant tout par une stagnation de la demande alors que la production a accéléré. "Selon les répondants, la hausse de leur activité reflète essentiellement le traitement des commandes mises en attente pendant le confinement, plutôt qu'un rebond de la demande au cours du mois" signalent les économistes dans leur communiqué.

Par conséquent, cette embellie en trompe l'oeil pourrait fragiliser la reprise économique dans un secteur déjà miné par des décennies de désindustrialisation et des fermetures d'usines. Le gouvernement de Jean Castex prépare actuellement un plan de relance qui doit être présenté à la fin du mois d'août. Si tous les arbitrages sont loin d'être arrêtés, plusieurs pistes ont déjà été évoqués comme la baisse des impôts de production réclamée pendant longtemps par une partie du patronat. Les résultats de cette politique de l'offre risquent de se faire attendre si le premier obstacle à la reprise réside du côté de la demande à plus long terme pour l'économie tricolore.

Hausse des carnets de commande en zone euro

Les économistes expliquent cette hausse de l'activité dans la zone euro par une amélioration des carnets de commande à l'échelle nationale (à l'exception de la France) et aussi sur les marchés internationaux. En outre, cela s'est traduit par une hausse marquée de l'offre. "La production a en effet augmenté pour la première fois depuis le début de l'année 2019, à un rythme par ailleurs soutenu, tandis que les fabricants ont signalé la première augmentation de leurs carnets de commandes depuis près de deux ans, le taux d'expansion atteignant en outre son plus haut niveau depuis le début de l'année 2018" indiquent les conjoncturistes.

Des milliers d'emplois supprimés

Sur le front de l'emploi, les dégâts sont colossaux. La mise sous cloche de l'économie européenne a provoqué un arrêt brutal de la production manufacturière pendant plusieurs mois. En outre, la fermeture des frontières, le blocage des ports de commerce, la mise à l'arrêt du fret aérien et maritime ont bouleversé le commerce de biens et les chaînes d'approvisionnement d'intrants étrangers. Résultat, Airbus, Renault, Volkswagen, BMW, Lufthansa ont annoncé des pertes abyssales au cours du premier semestre et des milliers de postes supprimés ou menacés. A cela s'ajoutent tous les emplois chez les sous-traitants, fournisseurs de ces grands groupes qui risquent de trinquer. "La crise du Covid-19 ayant provoqué une chute désastreuse des bénéfices de très nombreuses entreprises, celles-ci cherchent en effet à réduire leurs coûts alors même que la hausse du chômage, la précarité de l'emploi, les risques de deuxième vague de contamination et les mesures de distanciation physique actuellement en place ne manqueront pas d'entraver la reprise" explique Chris Williamson.

Une récession historique

L'onde de choc du coronavirus sur l'économie européenne risque de se prolonger. Les derniers chiffres de la direction statistique de la Commission européenne (Eurostat) rendus publics vendredi 31 juillet illustrent l'ampleur du choc sur le produit intérieur brut (PIB) de l'union monétaire. La croissance aurait ainsi reculé de 12,1% entre avril et juin après un repli de 3,6 % au cours du premier trimestre. Même si les Etats ont multiplié les dispositifs pour tenter de préserver le tissu d'entreprises et les emplois pendant les périodes de confinement drastiques, l'existence et la persistance de zones de contamination risquent d'anéantir les perspectives d'une reprise vigoureuse et rapide.

> Lire aussi : L'économie de la zone euro dans la tourmente

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 04/08/2020 à 14:01
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L'Europe ne nous aide pas dans les créations d'emplois en France. A cause de l'interdiction de la priorité nationale, les milliards destinés à la transition énergétique dans l'isolation thermique des bâtiments iront une fois de plus aux travailleurs ...

à écrit le 04/08/2020 à 9:20
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21,1 milliards d'euros de reports de cotisations sociales depuis mars. Il s'agit du total dont ont bénéficié les entreprises et les travailleurs indépendants en France depuis le début de la crise sanitaire en mars, rapporte l'Urssaf ce mardi. Au tota...

à écrit le 03/08/2020 à 19:02
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Le chomâge c'est seulement de la distanciation sociale . La fonction publique avait anticipé et distandu les horaires de façon à ce que celui qui arrive croise celui qui a fini, et avec un masque c'est plus discret ....

à écrit le 03/08/2020 à 18:08
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les politiciens de gauche demolissent volontairement la voiture pour rigoler ca donne bonne conscience ecolo, et un ouvrier au chomage est un ouvrier qui fait la lutte des classes; parfait ca correspond a ce que lenine ecrivait donc ca va, c'est dan...

le 03/08/2020 à 19:15
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@ Churchill La lutte des classes, le retour ! Enfin on va revoir de vrais affrontements entre les patrons et les prolos, de vrais fêtes de l'huma, du travailleur alpin. La lutte des classes, un concept qui n'aurait jamais dû être abandonné par les...

à écrit le 03/08/2020 à 15:18
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Les serviteurs des riches, multiples et variés, sont sous tension.

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