LA TRIBUNE. Société générale est la 4e entreprise du CAC 40 et la banque la plus à la pointe dans le numérique, d'après un récent palmarès d'Enjeux Les Échos. Comment cela est-il possible, pour un groupe qui fête ses 150 ans cette année ?
FRANÇOISE MERCADAL-DELASALLES. Cela fait plusieurs années que nous travaillons à élever les consciences, au sein du groupe, sur l'effet que la révolution numérique a déjà eu sur certaines industries de services. Mais l'élément déclencheur a été notre projet expérimental participatif et stimulant (Peps), lancé en 2013 : nous avons utilisé notre réseau social interne pour demander à nos collaborateurs comment ils imaginaient la banque de demain.
Ce challenge a révélé un engagement très important de leur part autour du projet de transformation numérique. Nous avons alors lancé le programme Digital for All, suite au partenariat signé en septembre dernier avec Microsoft pour équiper nos 150.000 collaborateurs d'outils de travail collaboratif et de tablettes. C'est un pari managérial, et c'est peut-être pour cela que nous sommes quelque peu en avance sur le plan de la transformation numérique.
Votre transformation numérique semble faire la part belle à la cocréation. L'innovation ouverte est-elle devenue incontournable ?
Dans un monde qui se complexifie, un seul cerveau, aussi intelligent soit-il, ne peut plus trouver la solution. Il faut faire émerger et exploiter l'intelligence collective. Société générale compte 1 million de followers sur les réseaux sociaux et notre application mobile a été téléchargée par plus de 3,2 millions de clients depuis son lancement en 2010. Aussi sommes-nous très attentifs aux retours d'expérience de nos clients et cherchons-nous des idées auprès d'eux, via, par exemple, notre plate-forme collaborative "SG et Vous" ou l'Appli LAB.
De même, nous sommes très connectés à l'univers des PME et des start-up, au travers, notamment, de l'Institut Open Innovation, fondé avec l'École centrale Paris, ou encore du Club Open Innovation de l'incubateur Paris Région Lab, club que nous avons contribué à créer. Nous sommes en veille permanente.
Vous avez récemment recruté Aymeril Hoang, ancien conseiller de Fleur Pellerin, comme directeur de l'innovation. Quel sera son rôle ?
Aymeril, qui a développé une expérience solide dans la relation avec les start-up dans les domaines des nouvelles technologies et de l'innovation, en France et aux États-Unis, sera la cheville ouvrière de l'animation des écosystèmes interne et externe de l'innovation, et renforcera leur interaction.
Dans le cadre de la transformation numérique, comment gérez-vous la cybersécurité ?
La cybersécurité est fondamentale, il s'agit d'un enjeu majeur, absolument crucial, tant pour la DSI (direction des systèmes d'information) que pour les managers. Notre conseil d'administration examine régulièrement ce sujet, qui ne date pas d'hier chez Société générale, mais dont l'importance s'est renforcée avec l'ouverture de nos systèmes informatiques vers l'extérieur. Cela dit, les technologies de lutte contre la cybercriminalité ont beaucoup progressé et, au-delà de nos systèmes classiques de protection, nous disposons d'une équipe d'hyperprofessionnels qui traquent en permanence les attaques informatiques. Nous sommes également en lien étroit avec l'Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information), qui a développé une expertise très importante.
Le secteur bancaire a-t-il suffisamment pris la mesure de l'enjeu de la transformation numérique ?
Depuis 2008, les banques ont été extrêmement monopolisées par la gestion de la crise financière et de leur adaptation aux réglementations qui en ont découlé. La prise de conscience de l'importance de la transition numérique a donc peut-être pris un peu de temps et il reste énormément de choses à faire, mais, aujourd'hui, toutes les banques considèrent qu'il faut aller dans ce sens.
Comment banques traditionnelles et « pure players » du numérique vont-ils coexister, dans les prochaines années ?
Ce qui fait notre force, c'est notre hypervigilance. Il faut apprendre des Gafa - Google, Apple, Facebook, Amazon -, qui ont réussi, d'une manière extrêmement intelligente, à créer des relations quotidiennes, voire multiquotidiennes, avec leurs clients. Or, pour rester un service de première nécessité, la banque doit aller encore plus loin dans la relation avec ses clients. Il faut également apprendre des start-up, de leur hyper-agilité, afin de garder, précisément, un esprit de start-up dans une entreprise qui a 150 ans et qui compte 150.000 collaborateurs.
Si nous faisons tout cela, nous pouvons être très forts car les banques ont de sérieux atouts, comme leur savoir-faire en matière de cybersécurité et le nombre de leurs clients, qui s'élève à 32 millions chez Société générale. Je suis donc optimiste.
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