Complémentaire santé pour tous : l'échec d'une ambition

La plupart des entreprises se sont mises en conformité avec la loi, qui impose à chaque employeur de proposer le premier janvier 2016 une assurance complémentaire santé à tous ses salariés. Mais une majorité de ces derniers rechigne, devant des offres jugées insuffisantes : dans les PME, six salariés sur 10 en moyenne ont fait en sorte d'être dispensés de l'assurance proposée par leur employeur, estime-t-on chez Malakoff Médéric
Ivan Best
Etienne Caniard, président de la Mutualité française et François Hollande. Ce dernier s'était engagé en 2013 à offrir une complémentaire santé à tous les salariés

Programmée pour le premier janvier 2016, date à laquelle tout employeur devait proposer une assurance complémentaire santé à ses salariés, la révolution de la couverture maladie pour tous n'a pas eu lieu. On peut même parler d'échec, en regard de l'ambition initiale, à savoir une généralisation complète de cette assurance. En faveur de tous les salariés, en tous cas. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Un peu moins de cinq millions de salariés ne disposaient pas de complémentaire santé via leur employeur. Et, sur ces cinq millions, près de 500.000 n'avaient aucune couverture, tandis que la grande majorité disposaient de contrats individuels.

Faire basculer cinq millions de salariés vers la complémentaire santé collective

La volonté du gouvernement, soutenu sur ce point par la CFDT qui en a fait un point fondamental de l'Accord National Interprofessionnel de janvier 2013, était de faire basculer ces cinq millions de salariés vers une couverture collective, offerte pour partie par l'entreprise (la moitié à la charge de l'employeur, en général). Peine perdue. En réalité, même si la plupart des employeurs ont joué le jeu, offrant, parfois au dernier moment, une couverture à leurs salariés, ces derniers l'ont le plus souvent refusée. En théorie, ils n'ont pas le choix, et doivent prendre ce que leur propose leur employeur. En réalité, des cas de dispense existent, que les salariés ont fait jouer à plein. En moyenne, dans les PME, six sur salariés sur 10 ont préféré faire jouer ces clauses de dispense, estime Christophe Scherrer, directeur général adjoint de Malokoff Médéric. A ce stade, la complémentaire santé pour tous ne concerne donc, en fait, qu'une minorité de quatre salariés sur les 10 théoriquement concernés. C'est ce qu'explique Christope Scherrer, qui estime que les données qu'il a recueillies correspondent à celles du marché.


« Le taux d'affiliation a été bien inférieur à ce qui était attendu. A titre d'exemple, dans une PME de 10 salariés, en raison des dispenses, on compte en moyenne quatre affiliés. Certains assureurs individuels ont poussé au maintien des salariés en assurance individuelle. Notre travail, c'est de convaincre les salariés d'adhérer au contrat proposé par leur employeur. Cela explique largement pourquoi la montée en puissance de l'ANI sera étalée dans le temps. Et pourquoi la distinction habituelle entre assurance collective et individuelle tend à disparaitre : désormais, il ne suffit plus de signer avec l'employeur, il faut presque aller voir les salariés un par un. C'est ce que nos experts marketing appellent le « B to B to C ». Cela peut prendre en pratique la forme d'une réunion des salariés sur le site de l'entreprise .... »


Pascal Compet, directeur associé de Weave, cabinet spécialisé en protection sociale, confirme :

« Les employeurs n'ont pas fait le plein des salariés. Il y a eu beaucoup de cas de dispense. Souvent, les clauses de dispense ont été interprétées avec pas mal de liberté par les salariés, qui préfèrent conserver leur assurance individuelle ou s'affilier à celle de leur conjoint. On a dépassé de loin les cas prévus par la règlementation, d'autant que ni contrôles ni sanctions ne sont à l'ordre du jour . »

Certes, les assureurs, et c'est le cas de Malakoff Médéric, espèrent convaincre un nombre croissant de salariés d'adhérer au contrat proposé par leur employeur. Mais cela prendra du temps, et le risque est de ne jamais faire le plein.

 Révolution manquée

 Tant d'un point du vue politique que business, la complémentaire santé pour tous, qui s'annonçait comme une véritable révolution dans le monde de l'assurance santé, n'a donc pas tenu ses promesses.

« Nous n'avons pas vu le mouvement escompté, c'est très loin du succès envisagé, globalement, et pour beaucoup d'acteurs » souligne Pascal Compet

Les Institutions de prévoyance on tiré leur épingle du jeu

Ce qui n'empêche pas certains acteurs d'afficher une réussite commerciale. D'aucuns annonçaient une percée des bancassureurs -le Crédit Agricole, par exemple, avait annoncé miser beaucoup sur l'ANI- , elle n'a pas vraiment eu lieu. En revanche, les Institutions de prévoyance, mises à mal par la fin des désignations -la possibilité pour les partenaires sociaux d'imposer un opérateur à toutes les entreprises d'une branche- et que l'on annonçait donc perdantes, ont en fait bien résisté.


« Les Institutions de Prévoyance (IP) ont bien tiré leur épingle du jeu, de même que des assureurs historiques disposant d'agents généraux, qui se sont lancés tôt dans la bataille commerciale. En revanche, pour les nouveaux entrants -bancassureurs- les résultats sont loin d'être exceptionnels. Et ils sont décevants pour beaucoup de mutuelles, qui ont manqué leur basculement de l'individuel vers le collectif »

 Bilan positif pour Malakoff Médéric

 Malakoff Médéric, l'une des principales IP, tire un bilan positif de l'ANI, même si la montée en puissance est beaucoup plus lente que prévu, en raison de la réticence des salariés.

« En santé, sommes recommandés, co-recommandés ou labellisés via 29 accords de branche au total, signés en 2014 et 2015. Nous en attendons un chiffre d'affaires supplémentaire de 300 millions d'euros à terme. Au total, y compris les contrats signés hors accords de branche, nous attendons de l'ANI un chiffre d'affaires de 400 millions explique Christophe Scherrer.
Dans le cadre de l'ANI, deux tiers des contrats que nous avons signés relèvent du moyen de gamme ou du haut de gamme. Soit 56 euros par mois en moyenne dans le premier cas, 100 euros dans le second. Un tiers des entreprises seulement a opté pour le contrat socle à 24 euros (pour un salarié seul).

 En revanche, des assureurs traditionnels, comme Generali, n'ont pas hésité à casser les tarifs. Ils devront sans douter les revoir à la hausse par la suite.  « De nombreux acteurs du marché vont devoir revoir leurs tarifs à la hausse ou en sortir » estime Pascal Compet.

Christophe Scherrer surenchérit:

"Ceux qui pratiquent des prix très bas vont devoir les ajuster par la suite. Il y aura un redressement d'ici deux à trois ans, probablement. Il est difficile d'imaginer que des pertes sur la complémentaire santé soient compensées par des bénéfices par ailleurs. Tous les assureurs veulent équilibrer leurs comptes branche par branche ».

Ivan Best

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Commentaires 38
à écrit le 19/02/2016 à 14:03
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On assiste à un démantèlement de la sécurité sociale qui ne dit pas son nom, une privatisation galopante de la santé. Clairement c'est une loi de lobby qui veut étendre son champ d'action. Si c'est obligatoire, c'est que c'est important...pourquo...

le 20/02/2016 à 17:02
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Complètement d'accord.

à écrit le 18/02/2016 à 22:02
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On oublie un peu vite que tous les ans chaque salarié voit disparaître l'équivalent de 5 mois de salaire pour sa soit disant "protection Sociale", l'ajout d'une mutuelle obligatoire soit disant généreuse est vraiment une escroquerie de plus des énarq...

le 20/02/2016 à 17:04
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"soi-disant" (= "c'est soi qui dit")

à écrit le 18/02/2016 à 20:23
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Pourquoi tout cela n’a-t-il pas été versé pour les cotisations maladie de la sécurité sociale ? Rendre obligatoire de subir une escroquerie... De plus sont exclus Salariés en CDD de moins de six mois, saisonniers, intermittents, chômeurs, salariés ...

le 20/02/2016 à 17:49
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Bien d'accord

à écrit le 18/02/2016 à 19:12
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Rendre la mutuelle obligatoire, beaucoup l'on très bien compris, ce n'est pas faire un cadeau aux salariés. Cest mettre en place un système qui videra les prestations de la sécurité sociale au profit des mutuelles. Petit à petit on augmentera les cot...

le 20/02/2016 à 17:53
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C'est presque exactement ça, sauf que 1° nous ne sommes pas près de payer moins de cotisations sécu : il y a un "trou" (ou prétendu tel) à reboucher... 2° ça m'étonnerait que ça coûte moins cher au salarié ; on voit déjà que les cotisations complémen...

à écrit le 18/02/2016 à 16:46
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Présenter cette réforme comme bénéfique pour les salariés n’est qu’une vaste fumisterie. Dans les faits, il existe déjà une assurance santé couvrant tout le monde : la sécurité sociale. Mais tout étant fait pour la saboter, elle n’assure plus son ...

le 18/02/2016 à 18:53
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Tout a fait d'accord c'est du racket en bande organisé. surtout du lobbyings tel que celui cité dans l'article qui est un membre de la famille de l'ancien président. Je n'ai plus de complémentaire santé car cela alourdie mon budget déjà entièrement v...

à écrit le 18/02/2016 à 15:16
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Je suis assujetti à ma mutuelle obligatoire depuis deux ans. A ce stade je dénonce, une belle hypocrisie de nos dirigeants qui par se biais ont pu gagner de l'argent (cotisations fiscalisées), et qui par la même occasion font faire de juteux profits...

à écrit le 18/02/2016 à 12:52
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Il est fascinant de voir comme la presse, notamment économique, occulte le scandale idéologique, politique et social de cette réforme. Déjà je trouve particulièrement discutable que l'on souhaite imposer à un contribuable quel qu'il soit de prendre...

à écrit le 18/02/2016 à 12:49
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Ce qui est fort de café, c'est qu'en ce moment on essaie de toutes les façons néo-libérales possibles de faire porter sur les salariés une éventuelle reprise (libéralisation du temps de travail, facilité de licenciement, etc), et que dans le même tem...

à écrit le 18/02/2016 à 11:03
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Voici mon exemple : En juin 2015 je suis embauché par une entreprise qui avait déjà mis en place la complémentaire obligatoire pour le salarié. Complémentaire qui couvre également obligatoirement femme et enfants. Avant j'avais ma complémentaire pe...

le 18/02/2016 à 11:29
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Tout à fait. Cette mesure va à l'encontre de la mobilité. Il y a ce qui relève de la volonté politique et il y a la pratique sur le terrain Il y a des gens qui changent souvent d'employeurs, ce cas n'a clairement pas été prévu...

à écrit le 18/02/2016 à 10:46
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IL EXITE DEJA UNE ASSURANCE SANTE POUR TOUS C EST LA SECURITE SOCIALE FRANCAISE GREES PAR NOS ANCIENS APRES LA GUERRE? LES MUTUELLES N EXITE QUE PARCEQUE LA SECURITE SOCIALE NE JOUE PLUS SONT ROLE? EST LES RAPACES MUTUALISTES Y ON VUE DE L OR A SE F...

à écrit le 18/02/2016 à 10:31
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Le but non avoué est de transférer une partie des frais de santé vers les complémentaires afin de faire diminuer le déficit de la sécu dont les taux de cotisations ne baisseront pas. Les mutuelles et assureurs s'organisent en créant des groupement...

le 20/02/2016 à 18:11
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C'est presque ça. Sauf que ce ne sont pas les chirurgiens qui acceptent un rabais (1°ils ne manquent pas de patients, donc on ne voit pas pourquoi ils se laisseraient faire 2° les réseaux de soins incluant des médecins sont encore interdits par la lo...

à écrit le 18/02/2016 à 9:40
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Je propose à tous ces gentils PDG dans leurs tours d'Ivoires de mutuelles inutiles de venir voir dans ma PME ce que l'on pense de leurs accords. Cordialement, Rémi (un patron qui vous veut du bien).

à écrit le 18/02/2016 à 9:24
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"même si la montée en puissance est beaucoup plus lente que prévu, en raison de la réticence des salariés." ET pour cause, si votre conjoint ou conjointe a une complémentaire santé de bien meilleure qualité on vous oblige quand même de payer la c...

le 18/02/2016 à 10:30
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Vous serez remboursés deux fois si vous êtes inscrit de manière croisée sur la mutuelle de votre conjoint, dans la limite des sommes avancées. C'est ce que nous faisons avec ma femme et ça passe sans problème.

le 18/02/2016 à 13:40
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Ce qui est encore plus honteux.

à écrit le 18/02/2016 à 9:12
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Il aurait été plus juste et plus simple d'augmenter la part SS et de mieux rembourser les malades. Les USA ont généralisé les assurances privés, résultat c'est le pays qui dépenses le plus en soins de santé et qui est le plus inégalitaire.

le 18/02/2016 à 16:48
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Tout à fait. Et cela aurait en plus été bien moins coûteux. Pour rappel, les frais de gestion des CPAM sont de 2%, ceux des mutuelles de 20%. Sans même parler du racket au profit de leurs actionnaires.

à écrit le 18/02/2016 à 7:08
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Le but de cette généralisation est surtout d'obliger les salariés a être assurés dans le cadre de leur entreprise pour fiscaliser leurs cotisations et récupérer de l'impôt c'est çà la véritable raison.

le 18/02/2016 à 10:31
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Exactement. Ca et nourrir les copains coquins qui dirigent des mutuels. Nos politiques sont des traites, à gauche comme à droite.

à écrit le 17/02/2016 à 23:21
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A lire les déclarations du gars de Malakoff et de Weave, on a l'impression de pauvres victimes: les employeurs n'ont pas réussi à faire signer les gens... Il faut aller les voir un par un! Vous imaginez? Être obligés, nous les rois de l'intermédiatio...

à écrit le 17/02/2016 à 23:12
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Privation de Liberté !! La sécurité sociale ne suffit plus on IMPOSE une assurance obligatoire via son entreprise...triste France ...tristes moutons que sont devenus les Français, plus de liberté de choisir...heureusement que j'ai quitté ce navire de...

à écrit le 17/02/2016 à 18:37
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N'oublions pas que le gouvernement socialiste en a profité pour rendre imposable la part de la mutuelle payée par l'entreprise ! (en 2014) Donc les impôts des salariés du privé augmentent par ce biais...

à écrit le 17/02/2016 à 18:35
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Une arnaque. dans mon entreprise, la cotisation devait baisser de qques euros. Suite aux nouvelles " normes" nous devrons payer plus, pour avoir les mêmes prestations qu' en 2015 !!!!! Merci qui ???

le 18/02/2016 à 14:57
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Chez Geodis , il y a une mutuelle mais avec trois choix pour le salarié, en fonction de son statut, cadre ou non-cadre et bien sur du salaire de celui-ci .Pour résumer, le cadre cotise plus mais a une meilleure prise en charge en cas d'arrêt maladie ...

à écrit le 17/02/2016 à 17:17
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La photo avec M.Caniard et M.Hollande souriants illustre bien ce racket organisé par nos quelques 400 mutuelles (de toutes obédiences confondues...) dont la publication des comptes a été annulée par ce même président. Avec la formation professionnell...

à écrit le 17/02/2016 à 16:38
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Ceux qui se font le,plus arnaqués sont les salariés qui disposaient dejà d'un contrat d'entreprise. 1- les contrats responsables ne laissent plus le choix du medecins ou de l'opticien. 2- avec la fiscalisation de la,part patronale, la hausse du c...

le 17/02/2016 à 17:34
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Et en plus il faudrait qu'on dise merci et qu'on réalise qu'elle chance on a de vivre dans un pays dont le monde entier nous envi le modèle social... :)

le 20/02/2016 à 18:31
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Les contrats prétendus "responsables" laissent encore le choix relatif du médecin, parce que les médecins se sont battus pour que la loi Leroux ne leur soit pas étendue. Mais pour combien de temps ? Par ailleurs, le gouvernement impose un rembourseme...

à écrit le 17/02/2016 à 16:30
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"offerte par l'entreprise" De qui vous moquez vous au juste ? Nous payons pour ces mutuelles ET nous sommes imposés sur le revenu sur cette dépense rendue obligatoire par l'état français (vous remarquez d'ailleurs que l'imposition de la mutuelle est...

le 17/02/2016 à 21:53
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@Gragol et @ Cap2006 Après vous avoir lu tous les deux , j enfonce le clou Obligation de prendre cette mutuelle d entreprise , bien souvent dont la couverture et nettement moins intéressantes que celle que nous avions ( individuelle ) et cerise sur...

à écrit le 17/02/2016 à 15:06
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Les complémentaires santé sont un racket généralisé des salariés et des entreprises! Hormis pour les personnes qui ont de gros problèmes de santé, ce que rembourse la Sécurité Sociale est largement suffisant. A la limite, étendons le régime d'Alsace-...

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