L’assurance-vie enregistre en 2020 sa pire collecte depuis les années 90

En dépit d’un timide rebond en fin d’année, l’assurance-vie affiche une décollecte nette de 6,5 milliards d’euros en 2020. Conséquence d’une année atypique où les Français ont privilégié l’épargne de précaution mais aussi des politiques commerciales des assureurs. Cependant, la baisse des taux servis pour 2020 sur les fonds en euros semble moins prononcée que prévu.
Les Français ont privilégié en 2020 le Livret A à l'assurance-vie.
Les Français ont privilégié en 2020 le Livret A à l'assurance-vie. (Crédits : Reuters)

C'est une première depuis le début de la crise sanitaire. La collecte nette de l'assurance-vie est repassée dans le vert au mois de décembre pour s'établir à 550 millions d'euros, selon les chiffres provisoires de la Fédération française de l'assurance (FFA). L'assurance-vie termine donc l'année sur une note plutôt positive, qui confirme d'ailleurs le début de normalisation observé en novembre, alors même que la fin d'année est traditionnellement défavorable à la collecte. Mais l'année 2020 restera dans les annales comme la pire année de collecte pour l'assurance- vie depuis les années 90.

Sur l'ensemble de l'année, l'assurance-vie a subi une décollecte nette de 6,5 milliards d'euros, un montant légèrement supérieur à la précédente contre-performance historique de 2012, en pleine crise financière. En 2020, les cotisations se sont donc élevées à 116,3 milliards, soit 28,3 milliards de moins que l'année précédente. En revanche, les prestations (rachats totaux ou partiels) restent stables, à 122,8 milliards, ce qui témoigne malgré tout de la grande fidélité des Français envers leur placement financier favori (1.789 milliards d'euros d'encours).

Politiques commerciales

Mais comment expliquer cette année noire alors que les ménages n'ont jamais autant épargné ? Les assureurs ont longtemps mis en avant le confinement et son lot de perturbations dans la distribution du produit. C'est sans doute vrai en partie compte tenu de la complexité du produit. Les Français, dans un contexte sanitaire et économique incertain, ont également accordé une prime à la liquidité pour leur épargne, comme en témoigne le montant record en 2020 de la collecte des livrets réglementés ( 35 milliards d'euros), sans compter des dépôts à vue, également à des niveaux jamais atteints.

Mais les assureurs eux-mêmes ont donné un coup de frein sur l'assurance-vie . Depuis plusieurs années, ils tentent en effet de limiter au maximum la collecte sur les fonds en euros, produit phare de l'assurance vie, dont la garantie sur le capital coûte de plus en plus chère aux assureurs en raison des contraintes de solvabilité dans un univers de taux bas. D'où leur volonté de réorienter l'épargne des assurés vers des supports non garantis, comme les unités de compte.

34% des cotisations investis en UC

Une stratégie qui porte d'ailleurs ses fruits : les montants investis dans les unités de compte représentent désormais 34% des cotisations (soit 40 milliards d'euros), un pourcentage qui correspond, peu ou prou, aux objectifs des assureurs. Mais cette politique commerciale, que certaines associations de consommateurs ou d'épargnants dénoncent parfois comme trop agressive, aura pu détourner certains épargnants, parmi les plus conservateurs, de l'assurance-vie. Au grand dam d'ailleurs des réseaux distributeurs (agents généraux et conseillers en patrimoine), dont le fonds en euros reste la pierre angulaire de leur offre. «  L'épargne n'aime pas la contrainte », rappelait récemment Gerard Bekerman, président de l'association d'épargnants AFER.

« C'est tout le paradoxe de la situation des assureurs : d'un côté, ils sont incités par leurs réseaux à remplir leurs objectifs commerciaux, d'autant que les ménages sont gorgés d'épargne ; et de l'autre, ils sont contraints par leurs directions financières à freiner la collecte », relève Cyrille Chartier-Kastler, président de Facts & Figures. Certains observateurs pensent même que les assureurs auraient commencer à modérer leurs ardeurs à freiner les fonds en euros. Ce qui pourrait d'ailleurs expliquer le rebond de la collecte au dernier trimestre, y compris sur les fonds en euros.

Baisse plus modérée des taux des fonds en euros?

Autre signe qui pourrait annone une inflexion des assureurs : le rendement des fonds en euros semble avoir, à ce jour, plutôt bien résisté en 2020. Ainsi, la puissante association AFER a annoncé un taux meilleur qu''attendu à 1,7% contre 1,85% en 2019 et l'autre association d'épargnant, Gaipare, reste dans une fourchette très haute du marché, à 1,9% (versus 2,15%), même si son contrat sera bientôt fermé à la souscription.

Certes, la tendance est clairement à la baisse. Mais ce n'est pas non plus le coup de bambou attendu. Les Assurances du Crédit Mutuel ont ouvert le bal en annonçant le maintien de ses taux à leur niveau de 2019. Les baisses annoncées en janvier par les autres assureurs oscillent entre 25 et 40 points de base, comme en attestent les taux servis de Mutavie (1,25% contre 1,5%), de GMF Vie (1,65% vs 1,9%), de Suravenir (2% vs 2,4%) ou encore d'Axa (1,2% vs 1,6%). Selon le Cercle de l'épargne, les rendements des fonds en euros devraient osciller au global entre 1,10% et 1,20% au titre de 2020, contre une moyenne à 1,43% en 2019, selon les données de l'ACPR. De son côté, le cabinet Facts & Figures maintient sa prévision d'un taux moyen de 1,08% en 2020.

Il faut savoir néanmoins moduler les annonces des assureurs qui perdent singulièrement en visibilité, avec une multiplication de fourchettes de taux, de taux moyen ou plancher, avec ou sans bonus variables. Ces annonces sont, il est vrai, aussi une affaire de communication et de marketing. « Les taux moyens n'ont pas de grande signification et il faut regarder le niveau de baisse d'une année sur l'autre sur le même contrat. Et nous constatons bien une baisse de 25 à 30 points de base sur les différents fonds en euros», tempère Cyrille Chartier-Kastler. D'autant que les premières annonces sont généralement les plus favorables aux épargnants !

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Commentaires 3
à écrit le 26/01/2021 à 2:13
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Ca y est, les francais qui possedent un cerveau s'en servent. Les taux sont negatifs et les fonds demandent une contribution aux depositaires proprietaires d'une assurance. Il etait temps. En 22 votez mieux.

le 26/01/2021 à 9:02
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@matins calmes 26/01/2021 2:13 Citations "Les taux sont negatifs et les fonds demandent une contribution aux depositaires proprietaires d'une assurance. Il etait temps." Faux: Afer a fait 1.7% en 2020 sur le fonds en euros "En 22 votez mieux" P...

à écrit le 25/01/2021 à 19:21
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Les boomers ne sont pas inquiets pour leurs descendants puisqu'après eux ce sera le déluge...

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