L'assurance-vie à la rescousse de la transformation de bureaux en logements

Le capital-investisseur Novaxia et les assureurs AG2R La Mondiale, Generali, Suravenir et Spirica se sont engagés à lever 1 milliard d'euros pour recycler à Paris et en région des bureaux vides en logements.
César Armand
Livré en novembre 2020, le 44 rue Planchat, bâti en 1928, abritait les ateliers A.J. Berthiern, spécialisés dans la fabrication d’étalages de vitrines et d’installations de magasins, avant d'accueillir des bureaux, et désormais 38 logements du studio aux appartements de 5 pièces. L'opération a mobilisé 15 millions d'euros.
Livré en novembre 2020, le 44 rue Planchat, bâti en 1928, abritait les ateliers A.J. Berthiern, spécialisés dans la fabrication d’étalages de vitrines et d’installations de magasins, avant d'accueillir des bureaux, et désormais 38 logements du studio aux appartements de 5 pièces. L'opération a mobilisé 15 millions d'euros. (Crédits : DR)

C'est un des effets de la crise sanitaire : avec le développement du télétravail, de plus en plus de bureaux vacants et en même temps, toujours une rareté de l'offre de logement abordable pour les classes moyennes et populaires dans les grandes villes. Si la transformation de bureaux vacants en logements est belle sur le papier, et séduit de nombreux maires comme à Paris, elle reste très compliquée à mettre en œuvre. Car c'est aussi un défi économique, politique et technique. Plutôt que d'attendre une énième charte non-contraignante entre les acteurs de l'immobilier et le gouvernement, le groupe Novaxia, spécialisé dans le recyclage des actifs et friches obsolètes, vient de lancer le premier fonds d'assurance-vie dédié : ''Renaissance''.

Investir 1 milliard d'ici à fin 2024

« Entre l'épargne des Français qui est devenue abondante, la prise de conscience écologique, la baisse de la valeur locative des bureaux, la recherche de sens des investisseurs, nous avons réussi à organiser un dialogue entre deux mondes qui ne se parlaient pas : le monde des collectivités, de l'immobilier et du renouvellement urbain d'un côté, le monde de l'assurance-vie, de l'épargne et du placement de l'autre », déclare son Pdg Joachim Azan.

Avec AG2R La Mondiale, Generali, Suravenir (Crédit Mutuel Arkéa) et Spirica (Crédit Agricole Assurances), le capital-investisseur a identifié 250.000 mètres carrés de surfaces de plancher mutables en 4.000 logements. Moyennant un ticket d'entrée de 100 euros chez les assureurs partenaires, Novaxia achètera ces immeubles avant de les « métamorphoser ». Objectif : investir 1 milliard d'euros d'ici à fin 2024.

Par exemple, pour 30 millions d'euros, il vient d'acquérir les 2.200 m² du 8, boulevard Malesherbes à Paris. Bien qu'associé à la capitale dans le cadre de l'élaboration de son plan local d'urbanisme bioclimatique et de la foncière que veut lancer Anne Hidalgo, Joachim Azan cible aussi les grandes métropoles régionales comme Bordeaux, Lyon, Nantes et Strasbourg.

Vers 3,3 millions de m² de bureaux vides en Ile-de-France

En cours d'agrément à l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de labellisation « Finance solidaire » (Finansol) et « Investissement socialement responsable » (ISR), le fonds devrait être amorcé à hauteur de 50-100 millions d'euros pour démarrer. Après la loi Elan qui octroyait un bonus de constructibilité pour les opérateurs, « ce mélange d 'assurance-vie va permettre un changement d'échelle », veut croire le patron de Novaxia.

Il ne croit pas si bien dire. Selon une étude de l'Institut de l'épargne immobilière et foncière (IEIF), 41% des entreprises devraient poursuivre le télétravail au moins deux jours par semaine et donc réduire leur surface globale de 27%. Rien qu'en Ile-de-France, cela libérerait 3,3 millions de mètres carrés. Soit quatre fois plus que les 900.000 m² de bureaux vacants actuellement. « Cette afflux potentiel va induire une décote sur la valeur des bureaux vides », décrypte Joachim Azan.

En effet, à l'heure actuelle, un mètre carré de bureau vide vaut toujours plus qu'un mètre carré de logement occupé. A la différence d'un investisseur tertiaire qui a une valeur d'actif et qui raisonne hors taxe (HT), la vente d'habitats se fait toutes taxes comprises (TTC). Rien qu'entre le prix du mètre carré habitable (logement) et celui du mètre carré utile (bureau), il existe un premier écart de 10 à 15%. Autrement dit, si un promoteur veut vendre 5.000 €/m² habitable, dont 30% de logements sociaux, cela lui revient à le vendre 4.250 € TTC, soit 3.500 € HT et même 3.200 € en termes de m² utiles.

Socfim rejoint l'aventure

Pour un exécutif qui érige la reconstruction de la ville sur la ville en priorité, l'initiative est nécessairement vertueuse. Selon l'entourage de la ministre du Logement, « l'opération est intéressante car elle apporte une source de financement supplémentaire à un sujet qui va sans doute monter ». « Cela permettra de doper l'offre de logements, d'éviter de laisser des bâtiments à l'abandon ou de construire sur des zones naturelles, de même que c'est un moyen de lutter contre l'artificialisation des sols », ajoute-t-on au cabinet d'Emmanuelle Wargon.

Idem pour la secrétaire d'Etat à l'économie sociale et solidaire, Olivia Grégoire, selon laquelle « les fonds ISR et la finance solidaire correspondent à une attente forte des Français de pouvoir mettre leur épargne en cohérence avec leurs valeurs ». « L'épargne devient un nouveau champ de la citoyenneté, c'est un moyen d'être agir et d'être utile pour un nombre toujours plus grand de nos concitoyens et je crois que, dans le contexte actuel, nous pouvons y trouver une raison de se réjouir et d'espérer que le capitalisme est sur un chemin d'évolution favorable », poursuit Olivia Grégoire auprès de La Tribune.

En attendant l'arrivée de nouveaux assureurs et banquiers autour de la table, le président du directoire de la Socfim (groupe BPCE), Olivier Colonna d'Istria, vient d'annoncer qu'il rejoignait l'aventure.

César Armand

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Commentaires 6
à écrit le 19/01/2021 à 16:31
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C du rêve. Cela coûte trop cher comme transformation. AutantLaisser les surfaces vides en attendant la reprise...

le 24/02/2021 à 18:50
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Tout dépend à combien ils achètent les bureaux.

à écrit le 19/01/2021 à 15:24
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Je comprends mieux la flambée de propositions, depuis un an, des assurances-vie avec un sous-jacent en immobilier d'affaire. Ils se débarrassaient de leurs poubelles...

à écrit le 19/01/2021 à 14:31
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Et qui sont les pigeons ?

à écrit le 19/01/2021 à 13:03
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ca coute une carrafe de modifier des logements! alors vu les contraintes et la rentabilite proche du zero ( voire moins), on se demande qui ca va interesser ah, j'oubliais, on se precipite sur des obligations a taux negatifs, on se precipite sur la...

à écrit le 19/01/2021 à 12:43
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Il est tres complique de transformer un batiment concu pour des bureaux en logements. Tous le systeme d'eaux usees a integrer dans les sols, les reseaux electriques et autres filaires. Operations pas toujours economiques ou alors sur le tres long te...

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