
Rétablir le lien avec l'assuré
La crise sanitaire a clairement amplifié le désamour de l'assurance. La pandémie a souligné à la fois les limites de l'assurance et les limites de la compréhension de ce que les assurés achètent auprès d'un assureur. Ce sentiment a été renforcé par un manque d'empathie de la profession qui s'est retranchée derrière les conditions générales des contrats alors même que l'émotion était grande à travers tout le pays. Et les efforts de solidarité de la profession sont ainsi passés par pertes et profits.
Les assureurs ont pris conscience du danger. Ils devront sans doute engager des réflexions de place pour tirer les enseignements, notamment dans la simplification et la lisibilité des contrats. Mais ils devront également, chacun de leur côté, renouer le lien avec leurs clients, un lien qui s'est singulièrement distendu ces dernières années. Les compagnies d'assurance, voire même les mutuelles, ont progressivement délégué leur relation commerciale à des réseaux de distribution, souvent tiers, pour se concentrer sur la gestion financière et la conformité face à une complexification croissante de la réglementation. Cette perte de connaissance du client, et par ricochet du marché lui-même, risque de peser lourd alors que de nouveaux acteurs en ligne commencent à émerger.
Accélérer la transformation numérique
Le constat est unanime : la crise sanitaire a accéléré la numérisation du monde. Et l'assurance n'échappe pas à cette lame de fond : la relation client va devenir de plus en plus dématérialisée et digitalisée. Les assureurs, qui hésitaient jusqu'ici à prendre le train de la numérisation, n'ont plus vraiment le choix. Cela suppose de lourds investissements, notamment dans les back office. Trop de tâches sont encore effectuées "à la main" sur des fichiers Excel.
Cette transformation numérique pose aux assureurs de nombreux défis : adapter les réseaux physiques, mettre à niveau des systèmes d'information et améliorer la qualité des données. Le chantier est immense pour une raison simple : l'informatique d'un assureur vise davantage à nourrir des états comptables et des calculs de provisions qu'à connaître le comportement d'un client pour mieux cerner ses besoins. Les assurés ont ainsi davantage besoin de considération, notamment pour lui éviter les procédures souvent répétitives et fastidieuses, alors qu'il est confronté par nature à un sinistre.
Capter l'épargne des ménages
Jamais les Français n'auront autant épargné en 2020. Mais l'assurance-vie va connaître sa pire année de collecte jamais enregistrée. A la fin novembre, la décollecte dépasse les 7 milliards d'euros alors même que le Livret A atteint une collecte nette cumulée de 27 milliards. Et les cotisations sont inférieures de près de 30 milliards d'euros à celles de l'année dernière.
Dans une période incertaine, les Français ont clairement privilégié une épargne liquide de précaution. Mais la persistance des taux négatifs remet en cause le modèle de l'assurance vie « à la française », qui a longtemps assuré à la fois la liquidité, la performance et la sécurité. La garantie du capital coûte cher aux assureurs et la performance fond année après année.
Le rendement moyen des fonds en euros avait déjà plongé en 2019 à 1,46% et il devrait osciller autour de 1% en 2020. Résultat, il va devenir de plus en plus difficile d'attirer de l'épargne avec des rendements aussi faibles, notamment face à la concurrence des produits financiers bancaires. Les assureurs devront donc faire preuve d'imagination et d'innovation pour lancer de nouveaux produits, qui seront moins garantis et moins liquides. Les assureurs conservent cependant un atout : la confiance des Français dans la solidité du secteur, ce qui permet d'ailleurs de stabiliser les encours. Si l'assurance-vie séduit moins, elle conserve en revanche ses clients.
Les modèles de risque sur la table
Personne n'avait prévu la pandémie alors que les modèles de risques des assureurs sont censés intégrer des scénarios extrêmes. C'est désormais une donnée qu'il faut prendre en compte. Le chantier de la révision des règles prudentielles Solvabilité 2 s'était jusqu'ici focalisé sur l'impact des taux bas sur les besoins en fonds propres. Mais le régulateur européen des assureurs vient cependant de lancer une consultation sur la prise en compte du Covid-19 dans les réflexions en cours.
Les assureurs devront prendre en compte cette nouvelle dimension et comprendre pourquoi le risque de pandémie avait été exclu des modèles. Ces réflexions interviennent à un moment délicat pour l'assurance où les résultats financiers ne parviennent plus à compenser le déséquilibre des résultats techniques (différence entre les primes et les prestations). Si les assureurs parviennent toujours à dégager une rentabilité sur leurs portefeuilles anciens, ils devront, tôt au tard, faire accepter à leurs clients une hausse du prix de leur couverture.
Mieux mesurer l'impact du changement climatique
L'échec de la mise en œuvre du projet Catex, un partenariat public-privé pour couvrir les entreprises des risques systémiques, comme la pandémie ou le cyber-risque, a souligné la fragilité du modèle de l'assurance face aux nouveaux risques. C'est même une préoccupation majeure du régulateur en France. C'est bien l'ensemble des couvertures qui seront à terme touchées par les effets du réchauffement climatique : la santé humaine et animale, les exploitations agricoles, l'habitation (zones inondables, effets de la sécheresse sur les sols et les fondations des construction), l'activité des entreprises... Avec, au final, une augmentation de la fréquence des sinistres et du coût des assurances.
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