Crédit Suisse doit-il craindre un destin à la Lehman Brothers ?

Tous les regards sont braqués sur Crédit Suisse, secoué par de multiples scandales et déboires depuis deux ans. Lundi dernier, sur des informations du Financial Times rapportant les efforts de la direction de la banque pour rassurer investisseurs et grands clients, le prix des CDS, ces protections sensés couvrir un éventuel défaut, avait grimpé en flèche pour tutoyer les 345 points de base, un niveau record. De quoi raviver le spectre de la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008. Ce vendredi, la banque suisse a annoncé un plan de rachat de sa dette à hauteur de 3 milliards de francs suisses. Histoire de rassurer les investisseurs, dans l'attente du plan stratégique qui doit présenté le 27 octobre prochain, avec à la clé sans doute, ces cessions d'actifs et un recentrage des activités.
Depuis deux ans, le Crédit Suisse a connu plusieurs scandales et difficultés avec notamment la démissions fracassante de son ancien président.
Depuis deux ans, le Crédit Suisse a connu plusieurs scandales et difficultés avec notamment la démissions fracassante de son ancien président. (Crédits : Reuters)

Crédit Suisse fait à nouveau l'actualité. Après une semaine agitée sur les marchés, la banque propose, ce vendredi, de racheter environ 3 milliards de francs suisses (3,1 milliards d'euros) de sa propre dette, libellée en dollars, en euros et en livres sterling. La banque entend ainsi « profiter des conditions de marché pour racheter de la dette à des prix attrayants », précise-t-elle dans un communiqué. De fait, la banque compte racheter ces titres à 96% du pair (valeur faciale), selon l'agence Bloomberg, une décote intéressante pour un groupe bancaire de cette taille.

Cette annonce a clairement pour objectif de rassurer aussi bien les investisseurs que les grands clients. Ces derniers pourraient, en effet, se laisser gagner par les inquiétudes qui ont surgi ces derniers jours quant à la santé du numéro deux du secteur bancaire helvétique et dont la réputation est entachée depuis deux ans par des scandales à répétition.

Mission en partie réussie, du moins à court terme. Le cours de l'action a gagné plus de 5% sur un marché globalement baissier (le recul du titre est néanmoins de 50% depuis janvier) et surtout le prix des CDS, le coût pour se protéger contre un risque de défaut, a commencé à refluer vers les 300 points de base, après avoir tutoyé les 345 points de base lundi, à la suite de la publication d'un article du Financial Times faisant état des efforts de la direction de la banque pour convaincre clients et investisseurs de la solidité du bilan du groupe.

Une course contre la montre alors que le nouveau directeur général, Ulrich Köner, tout juste nommé en juillet dernier, doit présenter, le 27 octobre prochain, son plan visant à redresser la banque. En rachetant sa dette, Crédit Suisse marche sur les pas de Deutsche Bank en 2016 qui avait également racheté des milliards de dollars de sa propre dette sur fond de rumeurs quant à sa santé financière.

Une fois de plus, les CDS ont fait office de signal d'alerte. Ces instruments dérivés sont considérés comme une protection contre une faillite d'un émetteur. En pratique, ils sont surtout utilisés à des fins spéculatives, comme d'ailleurs la plupart des produits dérivés. Toutefois, le CDS donne une indication sur le niveau de la prime de crédit (spread) que doit payer l'émetteur par rapport à un actif sans risque.

Alors que le prix de CDS de Crédit Suisse navigue autour de 300 points de base - un niveau bien plus élevé qu'en 2009, au plus fort de la crise financière, le prix des CDS  du concurrent UBS oscille autour de 125 points et base et celui de BNP Paribas autour de 80 points de base. C'est dire le niveau de défiance atteint par Crédit Suisse sur le marché.

Faillites et amendes

Il faut reconnaître que la l'historique des placements de la banque, le fameux track record,  fait peur. C'est d'abord la faillite de la société financière Greensill, en mars 2021, qui met en difficulté l'établissement bancaire qui y avait engagé 10 milliards de dollars. Quelques semaines plus tard, nouveau coup dur avec l'implosion Archegos qui avait coûté à la banque quelque 5 milliards de dollars. La banque suisse doit alors inscrire une charge de 4,4 milliards de francs suisses dans ses comptes pour couvrir les dégâts.

En octobre 2021, la banque est sommée de payer près de 475 millions de dollars aux autorités américaines et britanniques pour solder des poursuites liées à des emprunts au Mozambique pour défaut de contrôle interne. Est venue s'ajouter, en juin 2022, une condamnation en Suisse pour blanchiment d'argent aggravé.

Des enjeux de gouvernance

La gouvernance du groupe défraie également la chronique. En 2019, une rocambolesque histoire d'espionnage provoque le départ du charismatique patron de l'époque, Tidjane Thiam. Cet été, le président du Crédit Suisse, Antonio Horta-Osorio, a été forcé à la démission après avoir enfreint les règles sanitaires. C'est désormais au discret banquier germano-suisse Ulrich Körner, venu du concurrent UBS, de redresser la barre. Les conclusions de sa revue stratégique seront donc connues le 27 octobre, sans que ne filtre pour l'instant d'informations sur les décisions qui seront prises ; notamment en matière de cessions d'actifs. Ce qui est certain, l'environnement économique et de marchés est moins propice à la vente d'actifs aujourd'hui qu'hier.

Dans un communiqué, en date du 26 septembre, la banque a indiqué être « en bonne voie sur sa revue stratégique complète y compris sur les potentielles cessions et ventes d'actifs ». « Alors qu'il y a eu un niveau accru de spéculations dans les médias et sur les marchés à propos de sa potentielle issue », l'établissement a réaffirmé vouloir faire le point sur cette revue stratégique « le 27 octobre » lors de la publication de ses résultats du troisième trimestre. D'autre part, auprès de ses employés à qui Ulrich Körner s'est adressé début octobre dans une note. Admettant les incertitudes et bruits de marché, le président a néanmoins évoqué une récente conférence dans la gestion de fortune dont le thème était « Monter tel le phœnix », ce qui est selon lui « une bonne métaphore pour ce que nous voulons accomplir ».

Des ratios de capitaux de liquidité « extrêmement solides »

Les analystes ne croient pas finalement à un scénario catastrophe à la « Lehman Brothers », cette banque américaine dont la chute a précipité la crise financière en 2008.  Selon Guillaume Larmaraud, associé en charge des services financiers chez Colombus Consulting, Crédit Suisse « reste un établissement financier solide ». Pour, John Plassard, directeur chez Mirabeau, « les gens qui parient sur la faillite du Crédit Suisse ont tort et rappellent que « les ratios de capitaux de liquidités qui sont extrêmement solides ».

Un soutien sans faille du gouvernement

En outre, le gouvernement suisse s'apprête à voter un filet de sécurité pour soutenir les grandes banques considérées en risque systémique. « C'est une des qualités de la Suisse de détenir un service bancaire extrêmement performant. Il est donc évident que le gouvernement ne laissera pas tomber un établissement de cette ampleur en cas de crise », pointe-t-il, rappelant qu'en 2008, l'exécutif de l'époque avait volé au secours d'UBS.

Sans oublier que « la Finma observe de près la situation du Crédit Suisse actuellement, afin d'éviter un phénomène de contagion si la banque devait rencontrer des problèmes », précise John Passard. Enfin, « la banque nationale suisse a, elle aussi, annoncé suivre de très près l'évolution de la situation ». Tous les regards sont donc braqués sur le Crédit Suisse qui n'a pas fini de faire parler de lui.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 09/10/2022 à 11:50
Signaler
On ne parle pas de faillite retentissante deux mois avant qu'elle ne se produise. Lehman Brothers a surpris tout le monde un petit matin.

le 09/10/2022 à 17:57
Signaler
le responsable n'est pas le credit suisse mais bien les dirigeants qui eux serons impuni Aux contraire des clients et des petits actionnaires

à écrit le 07/10/2022 à 21:41
Signaler
Évidemment, d'autant plus qu'avec les prêts Covid octroyés en Suisse, toujours en cours de remboursement, le Credit Suisse s'est vu autorisé à déroger aux exigences minimales en matière de fonds propres Core tier1 (cousin de sécurité par l'organisme ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.