La « silver économie », un marché en or pour les banques

La Société générale vient de lancer une solution d’aide à la préparation de la retraite, en partenariat avec Mondial Assistance. Près d’un client de la banque sur trois sera âgé de plus de 60 ans en 2020, contre un sur quatre aujourd’hui.
Christine Lejoux
La population des personnes âgés de plus de 60 ans va bondir de 21% dans l’Hexagone, d’ici à 2030, d’après le cabinet de conseil en marketing Seniosphère.

Si les banques se plient en quatre pour tenter de séduire la clientèle prometteuse des jeunes, elles portent également un intérêt croissant à l'autre extrémité du marché, à savoir les seniors. La Société générale a lancé le 30 mars un partenariat avec l'assureur Mondial Assistance, afin d'aider ses clients âgés de 50 ans et plus à préparer leur retraite. Concrètement, ces derniers pourront être épaulés pour déterminer l'âge le plus propice à leur départ en retraite, remettre la main sur des trimestres de cotisations « oubliés », ou mieux comprendre les conséquences des réformes diverses et variées sur leurs droits à la retraite. Deux mois et demi plus tôt, c'est la Banque Populaire qui avait fait un pas supplémentaire en direction des seniors, dans le domaine des prêts personnels, en repoussant l'âge maximum de souscription de l'assurance emprunteur à 75 ans, au lieu de 70 ans. Et en étendant la durée de couverture de cette assurance de cinq ans, jusqu'au 80e anniversaire de l'emprunteur.

« La clientèle des seniors va peser de plus en plus lourd dans notre fonds de commerce », a expliqué Frédéric Jacob-Péron, directeur commercial et marketing au sein de la banque de détail de la Société générale en France, lors d'une conférence de presse, mercredi 30 mars. De fait, la population des personnes âgées de plus de 60 ans va bondir de 2% dans l'Hexagone, d'ici à 2030, d'après le cabinet de conseil en marketing Seniosphère. Alors que, dans le même temps, celle des moins de 60 ans diminuera de 1%. Conséquence, dans moins de cinq ans, près d'un client de la Société générale sur trois sera au minimum un sexagénaire, contre un sur quatre aujourd'hui. Le marché des seniors est important non seulement sur le plan quantitatif, mais également sur le plan qualitatif. Prêt immobilier enfin remboursé, enfants envolés du nid familial, parents qui laissent un éventuel héritage...

« Le niveau de vie des retraités français est en moyenne supérieur de 5% à celui des personnes actives. Et même de 9% pour les retraités propriétaires de leur logement », souligne Sophie Schmitt, fondatrice de Seniosphère.

Une cible hétérogène

Or, face au potentiel de cette « silver économie », les banques sont « insuffisamment préparées pour répondre aux attentes des seniors, et abordent ce marché avec des offres souvent parcellaires et globalement focalisées sur les produits [plus que sur les besoins des clients ; NDLR] », dénonce le cabinet d'analyse Precepta (groupe Xerfi), dans une étude publiée le 25 mars.

« Jusqu'à présent, nous nous étions surtout focalisés sur la préparation de la retraite de nos clients. Une fois ces derniers à la retraite, nous ne nous occupions plus vraiment d'eux », reconnaît Sandrine Casado, directeur du marché des particuliers au sein de la direction commerciale des réseaux France de la Société générale.

Ce qui est bien dommage, car du fait de l'allongement de la durée de la vie, la relation bancaire ne s'arrête pas au moment du départ en retraite, loin de là.

L'augmentation de l'espérance de vie fait en outre du marché des seniors une cible hétérogène, avec des besoins qui sont tout sauf uniformes. Sophie Schmitt distingue ainsi la « génération silencieuse » de celle des « baby-boomers. » La première, née avant la Seconde Guerre mondiale, a connu l'époque où les femmes mariées ne pouvaient ouvrir de compte bancaire sans l'autorisation de leur mari, un verrou qui n'a sauté qu'en 1965. « Cela pose aujourd'hui un véritable problème à ces femmes, lorsque leur époux disparaît, car beaucoup ne se sont jamais occupées des affaires bancaires du ménage », observe Sophie Schmitt.

Ces « baby-boomeuses », nées après 1945, sont au contraire parfaitement à l'aise avec le sujet des finances personnelles. De la même façon, elles n'entretiennent pas le même rapport que leurs aînées avec le vieillissement. Loin de s'y résigner, elles comptent bien profiter de leur retraite, pour voyager, par exemple, d'où une propension à contracter des crédits à la consommation plus importante que chez leurs mères. Le rapport aux services bancaires en ligne ou sur mobile n'est pas non plus le même, « le taux d'usage d'Internet atteignant 76% jusqu'à 70 ans, et tombant ensuite à 46% », indique Sophie Schmitt.

Une population à laquelle il n'est pas simple de s'adresser

Sandrine Casado en est consciente :

« Les seniors étant très différents les uns des autres, nous ne les abordons pas comme un seul et même marché. Nous les approchons par moments de vie, qu'il s'agisse de la perte du conjoint, d'une succession ou d'une problématique de dépendance. »

La banque lancera ainsi au mois de septembre des solutions d'assistance aux personnes dépendantes, notamment autour des objets connectés. Il faut dire que le nombre de personnes âgées dépendantes bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie devrait osciller entre 1,82 million et 2,65 millions en 2060, en France, contre 1,2 million en 2012, selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).

Reste que s'adresser à ce marché n'est pas simple.

« Les banques doivent composer avec une cible bien souvent dans le déni face à son âge, et qui n'apprécie guère d'être stigmatisée », constate Precepta.

Pour éviter cette stigmatisation, la Société générale a choisi de ne pas avoir de conseillers spécialisés sur la clientèle des seniors, mais ses chargés de clientèle généralistes peuvent avoir recours à l'éclairage d'experts, en matière de prévoyance par exemple. À la Banque Postale, ce sont même les facteurs, « personnages préférés des personnes âgées », qui rendent visite aux seniors, dans le cadre du contrat d'assurance dépendance lancé par l'établissement voici un peu plus d'un an.

Christine Lejoux

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