Brexit : le Luxembourg se pose en solution de repli simple et bon marché

Faible imposition, démarches en anglais, pôle financier de rayonnement international : le Grand-Duché met en avant ses atouts pour les banques implantées à Londres. Le pays se défend de faire du démarchage et ne croit pas en un « Brexodus » massif des banquiers vers le continent.
Delphine Cuny
La Bourse de Luxembourg est le leader de la cotation des obligations internationales. En revanche, seules 27 actions y sont cotées.

Dans la course à l'attractivité qui se joue entre autres, entre Paris, Berlin, Francfort et Dublin, sur fond de Brexit, il faudra aussi compter avec l'un des plus petits pays de l'Union européenne : le Luxembourg. Le Grand-Duché se défend de démarcher agressivement les banques, britanniques ou étrangères implantées à Londres, qui redouteraient de ne plus pouvoir commercialiser leurs produits et services en Europe (selon le dispositif du « passporting »), après la sortie du Royaume-Uni de l'UE.

L'ambassadeur du Luxembourg en France, Paul Dühr, a expliqué lors d'une rencontre avec la presse :

« Nous sommes foncièrement européens. Nous ne serions pas une place financière si nous n'étions pas européens. Nous ne nous réjouissons pas du Brexit. Et la place financière de Londres est très importante pour le Luxembourg ».

Toutefois, ses représentants mènent une campagne discrète, mettant en avant ses atouts, linguistiques, juridiques, et, bien sûr, fiscaux.

« Le Luxembourg ne va pas profiter du Brexit pour aller débaucher des institutions financières » assure Nicolas Mackel, le directeur général de Luxembourg for Finance, l'agence de développement du centre financier du Grand-Duché.

« Nous pouvons offrir des solutions pour que ces institutions puissent continuer leurs activités en Europe. Le Luxembourg fait de toute façon partie de la "short list" des solutions de repli. »


Leader des obligations internationales

Il y a déjà plus de 140 banques implantées sur place, pour l'essentiel internationales. Et plus de 3.800 fonds d'investissement, représentant 3.600 milliards d'euros d'actifs sous gestion : le Luxembourg est le deuxième centre mondial de fonds d'investissement après les États-Unis. Il s'est spécialisé dans les années 1980 dans la domiciliation et l'administration de fonds d'investissement.

La Bourse de Luxembourg est une place financière de premier plan, non pas pour les actions (il n'y a que 27 valeurs cotées sur plus de 40.000 lignes de cotation), mais pour les emprunts obligataires : c'est le leader de la cotation des obligations internationales. Pionnière de la finance « verte », la place traite la moitié des volumes d'échange des « green bonds ».

Selon le dernier Global Financial Sector Index, qui mesure la compétitivité des places par une série d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs, la ville de Luxembourg est le deuxième centre financier de l'Union européenne, à la 12e place, derrière Londres (Zurich est 9e, Francfort 19e, Paris 29e).

Global Financial Centres Index

Pas de "Brexodus"


Ce pays trilingue de 576.000 habitants, résolument tourné vers l'international, veut jouer à fond cette carte de l'ouverture: on peut par exemple parler anglais au régulateur et même constituer sa société en anglais. Le dirigeant de Luxembourg for finance est convaincu que :

« Les banques veulent garder leur QG à Londres mais ont besoin de créer juridiquement des entités quelque part sur le continent et qui seront munies des agréments nécessaires pour continuer à travailler en Europe ».

« Notre vision du Brexit n'est pas celle d'une vague de milliers de banquiers traversant la Manche dans les deux prochaines années : nous ne croyons pas à un Brexodus vers le continent européen ».

Il ne s'agit pas de leur proposer une domiciliation, au sens d'une simple boîte aux lettres, ce qui ne serait pas possible sur le plan réglementaire, mais d'y installer leur tête de pont d'Europe continentale, comme l'ont fait les six premières banques chinoises.Le gestionnaire d'actifs M&G, filiale du britannique Prudential, a récemment décidé de s'implanter au Luxembourg pour être certain de pouvoir poursuivre son activité en Europe. Aussi Nicolas Mackel estime-t-il que :

« Le Brexit peut renforcer le rôle du Luxembourg de plateforme européenne pour les groupes financiers non européens ».


Régulation « business-friendly » et pro-Fintech


Multilingue, le régulateur serait aussi plus « business-friendly », ou « orienté business » comme le dit le patron de Mangopay (filiale de Leetchi, la cagnotte en ligne rachetée par Crédit Mutuel Arkéa) qui a son siège au Luxembourg. La capitale du Grand-Duché, qui recense une soixantaine de startups de la Fintech, dont leur doyenne PayPal, et des acteurs tels que CrossLend, SnapSwap et Bitstamp, a d'ailleurs l'ambition d'être « un des leaders de la finance digitale ».

« Nous adoptons une attitude ouverte : nous les aidons à rendre leur projet conforme à la réglementation », indique le directeur général de Luxembourg for finance. « Nous voulons surtout faire venir les entreprises qui aident à fournir des services à l'industrie existante, plutôt BtoB, qui se positionnent sur les Regtech, la conformité, le KYC (connaissance client) ».

Il y a d'ailleurs peu de startups du crowdfunding (financement participatif), dont la France s'est fait une spécialité.


Havre fiscal


Enfin, le Luxembourg, rentré dans le rang en matière de secret bancaire, demeure un havre fiscal. Même si ses représentants assurent que le pays est « aujourd'hui beaucoup moins intéressant que l'Irlande ». Le taux d'impôt sur les sociétés, actuellement de 29,5%, va cependant baisser à 26,5% en 2018. Les cotisations sociales sont aussi allégées.

« Nous avons fait une étude comparative qui montre que le coût salarial pour l'employeur est le moins élevé et le revenu net pour l'employé le plus élevé par rapport à nos voisins ».


Le secteur de la finance rapporte néanmoins un tiers des recettes fiscales du Grand-Duché. Environ 10% de la population active, de l'ordre de 45.000 personnes, travaillent dans le secteur, dont plus de la moitié dans les banques.

Pragmatique, le Grand-Duché ne s'attend « à ce que JP Morgan ou Fidelity déménage des milliers d'emplois après le Brexit » mais s'estime bien placé pour récupérer une partie des exilés. Et légitime aussi pour accueillir le siège de l'Autorité bancaire européenne (EBA) - convoité très officiellement par Paris, entre autres - puisque la décision du 8 avril 1965 (annexée au traité de fusion des communautés) avait prévu d'y établir les institutions judiciaires et financières européennes.

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Delphine Cuny

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Commentaires 34
à écrit le 16/11/2016 à 16:34
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Au fond une hyène se propose en remplacement d'un squale !

à écrit le 15/11/2016 à 19:12
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Le Luxembourg est un très bon pays, géré de manière raisonnable et constructive ,en maintenant un excellent niveau de protection sociale. C'est aussi un pays extrêmement ouvert, sans ostracisme, ou les gens parlent plusieurs langues sans problème. S...

à écrit le 15/11/2016 à 10:54
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Disons qu'il y a un aspect humain qu'il ne faut pas oublier. La vie à Luxembourg n'est pas très trépidante. Au lieu de faire les yeux doux à la City, le Luco devrait développer un peu son côté fun pour faire venir les talents. Si le luco était un ...

le 15/11/2016 à 19:58
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Vous pensez que le coté fun de la jeunesse se résume à s’alcooliser dans des bars ?!? On aura tout lu ici...

à écrit le 14/11/2016 à 15:14
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le lux est remplie de pseudo banquières qui vienne des zones défavorisé et sinistré de France (Metz Thionville entre autre...)elles ne servent qu'à tapoter sur un bouton à longueur de journée...

à écrit le 14/11/2016 à 15:14
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le lux est remplie de pseudo banquières qui vienne des zones défavorisé et sinistré de France (Metz Thionville entre autre...)elles ne servent qu'à tapoter sur un bouton à longueur de journée...

à écrit le 14/11/2016 à 15:06
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en matière prudentiel, je trouve anormal la taille du secteur financier dans l'économie du Luxembourg. On a vu ce qui s'est passé à Malte. Le Luxembourg n'est pas le seul concerné, mais il devrait être mis en place une espèce de norme, style pas plus...

le 14/11/2016 à 16:26
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Nico pas de soucis, la BCE a fait de stress tests et les banques luxembourgeoises sont parmi les plus solides au monde.

à écrit le 14/11/2016 à 14:56
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Profitez! Car c'est tout ce qui restera de l'UE!

à écrit le 14/11/2016 à 14:53
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Profitez! Car c'est tout qui restera de l'UE!

à écrit le 14/11/2016 à 14:13
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Mouais, à condition de conserver son ouverture et, par exemple, le multilinguisme... Presque tout les Luxos parlent le Fr, le D, et comprennent l'Anglais.... Et c'est bien. Maintenant, si la pétition en cours qui voudraient faire de la langue Lux. La...

à écrit le 14/11/2016 à 14:06
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C'est sur que le Luxembourg a des atouts et je présume que le poids des impôts est un argument important, en plus de la "culture financière". Mais leurs infrastructures informatiques et réseaux sont elles à la hauteur ? Ce serait tout de même mieux ...

le 14/11/2016 à 15:21
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Pas si paradis que cela. Les impôts sur le revenus sont plus élevés qu'en France et il y a moins de niches fiscales. Les taux d'intérêts versés sont aussi moins élevés à risques identiques. Par contre, le patrimoine est moins voir eu taxé exemple le...

à écrit le 14/11/2016 à 13:50
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Il n'y a pas qu'aux banques britanniques que l'UE doit proposer des facilités d'installation, il y a aussi les centres de R&D et les états majors des géants technologiques US, les Microsoft, Apple, Google, Amazon, dont les patrons sont allergiques à ...

à écrit le 14/11/2016 à 13:21
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Le Grand Duché du Luxembourg est le meilleur choix en Europe, non seulement pour la sagesse, la FIABILITE et la modération des Luxembourgeois en général trilingues mais aussi parce que la croissance du Luxembourg profitera aux frontaliers français, ...

à écrit le 14/11/2016 à 12:31
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Pas étonnant c'est la porte d'entrée des marché Européens , mieux que la Suisse d'ailleurs rein a changer .

à écrit le 14/11/2016 à 12:00
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Hahahaha vive les paradis fiscaux...Tiens si on faisait de la France un paradis fiscal ???

le 14/11/2016 à 13:42
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Il n'y a de paradis fiscaux que parce qu'il y a des enfers fiscaux, où le problème est même plus l'extrême complexité du système fiscal (et son instabilité) que le niveau en soi des impôts. Et la France fait malheureusement partie de cette catégorie.

le 14/11/2016 à 15:19
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votre explication, si elle tient la route est malgré tout un peu courte. Il n'y a qu'à regarder la nationalité de ceux qui utilisent les paradis fiscaux. C'est à peu prêt universel. Il y a des paradis fiscaux car ça donne un avantage comparatif, ce ...

le 14/11/2016 à 19:23
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@@bruno : si la complexité fiscale n'arrête pas les implantations de très grosses entreprises qui ont les moyens de s'offrir les services d'une armada de conseillers fiscaux simplement pour bénéficier de l'ensemble des réductions auxquelles elles on...

à écrit le 14/11/2016 à 11:29
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C'est aussi cela le dysfontionnement de l'Europe: des pays comme le Luxembourg qui faussent les règles du jeu :-)

à écrit le 14/11/2016 à 11:26
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le Luxembourg est un des 5 fondateurs, il est bien placé géographiquement, ses infrastructures financières sont affutées, je suis heureux qu'on en parle enfin.

à écrit le 14/11/2016 à 10:57
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Frontalier FR travaillant au Luxembourg je confirme que cette place sera la mieux placée pour tous les points cités ci-dessus (le multilinguisme en étant un ..n'espérait pas venir travailler en finance au Lux sans parler au minimum trois langues cour...

à écrit le 14/11/2016 à 10:56
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Frontalier FR travaillant au Luxembourg je confirme que cette place sera la mieux placée pour tous les points cites ci-dessus (le multilinguisme en étant un ..n'espérait pas venir travailler en finance au Lux sans être parler au minimum trois langues...

le 14/11/2016 à 13:41
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@ l'autre : toujours la même chose !!! Connait rien, mais dénigre tout !!!!

le 14/11/2016 à 13:50
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@catlux: si ta patrie c'est le Luxembourg. Au lieu de dénigrer la France, n'hésite donc pas à prendre un aller simple. Quant à parler les langues étrangères, des pays comme le Canada font beaucoup mieux que 3 et ne sont pourtant pas des paradis fisca...

le 14/11/2016 à 16:27
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@ Patrickb Cher Patrick, je ne dénigre pas notre chère patrie,, je remerciais ce pays de m'acceuilir et je constate que le Lux est solidement armé.. le commentaire de "reponse à James" est parfait ... quant au Canada ... nous travaillons avec Tor...

le 14/11/2016 à 16:40
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@patrickb Pour ton info' le Canada n'est pas en Europe .. et le Luxembourg n'est pas un paradis fiscale (il pratique l'echange d'informations avec les autres administrations fiscales) et stp reisegnes toi un peu avant de dire n'imp . Le Luxembourg e...

le 14/11/2016 à 17:00
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@catlux: tu ne dois pas communiquer avec les sociétés importantes qui ont toute du personnel bilingue anglais-français au Canada. Quant à James, il doit être Grec pour ne pas vouloir payer d'impôts. Quand on fait partie d'une communauté, le minimum, ...

le 15/11/2016 à 8:49
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@citoyendumonde: t'as pas bien suivi le feuilleton. Aristocat/chat de luxe nous disait qu'au Luxembourg, contrairement aux autres pays, on est multilingues et ma réponse est qu'au Canada, la mixité linguistique y est beaucoup plus importante. Est-ce ...

à écrit le 14/11/2016 à 10:42
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On se doute que ce paradis fiscale autorisé pour on ne sait quelle raison, forcément oligarchique elle aussi, en plein milieu de l'europe va attirer de nombreux financiers, mais ce sera des financiers de bien peu de vertu dont il s'agira donc sans ré...

à écrit le 14/11/2016 à 10:29
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Le Luxembourg confirme qu'il est un paradis fiscal...Et qu'à la tête de la Commission européenne nous avons un ex-premier ministre... Luxembourgeois: Jean-claude Junker, traître à l'Europe et digne successeur du félon Barosso. Un tapis rouge pour les...

le 14/11/2016 à 11:36
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Le luxembourg n'est en aucun cas un paradis Fiscal ! C'est un pays fantastique ou tout le monde vit ensemble, peu de discrimination, peu de problème au quotidien, c'est un pays international, multi culturel. Aussi, c'est un pays Pro business ou tout ...

le 16/11/2016 à 13:38
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@James: un pays qui trempe dans la magouille et les arrangements fiscaux est forcément compromis. D'autres pays, dont le Panama, sont aussi des pays magnifiques (surtout pour les profiteurs). La gastronomie y est excellente tant qu'on ne se retrouve ...

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