Brexit : une zone franche à Paris pour concurrencer le Luxembourg ?

L’association de la profession publie dix propositions pour renforcer l’attractivité de la place de Paris et regagner du terrain sur le Luxembourg et l’Irlande devenus leader dans la domiciliation des fonds. Des mesures classiques, comme la suppression de la taxe sur les transactions financières, côtoient des nouveautés comme la création d’une zone franche pour la finance .
Delphine Cuny
L'association française de la gestion financière (AFG) veut profiter du Brexit pour regagner des parts de marché sur le Luxembourg.

Le Brexit attise les convoitises et les rivalités entre places financières européennes pour récupérer le gâteau de la finance londonienne qui se trouverait obligée de déménager afin de poursuivre son activité au sein de l'UE. Les professionnels de la gestion d'actifs en France y voient une opportunité en or de réformer le marché, typiquement en allégeant la fiscalité, afin de le rendre plus compétitif avec le Luxembourg et l'Irlande. Ces deux pays se sont en effet imposés comme les leaders de la domiciliation de fonds ces quinze dernières années.

Le président de l'Association française de la gestion financière (AFG), Yves Perrier, par ailleurs directeur général du géant Amundi (filiale du Crédit Agricole), a insisté ce mardi lors d'une conférence de presse :

« Le Brexit est tombé à point nommé : il n'y aura pas d'autre opportunité que celle-là pour renforcer l'attractivité de la place de Paris ».

Le monde de la gestion d'actifs à la française, qui compte plus de 630 sociétés dont 4 situées dans les 30 premiers mondiaux (Amundi, Natixis, Axa, BNP) ayant plus de 3.600 milliards d'euros d'encours sous gestion, veut donc profiter du Brexit pour retrouver son leadership, cédé il y a déjà plusieurs années au Royaume-Uni (37% de parts de marché contre 20% pour la France). Et rêve de Paris comme le futur "hub" d'un marché européen unifié.

Fiscalité "rédhibitoire"

Le lobby de la profession a dévoilé un livre blanc sur la compétitivité de la place de Paris, résumé en dix mesures, assez classiques, déjà vues pour l'essentiel : notamment supprimer des taxes emblématiques, comme celle sur les salaires (qui touche les secteurs ne payant pas de TVA), qui a représenté 2,17 milliards d'euros pour le secteur bancaire l'an dernier : « c'est une taxe franchement rédhibitoire pour un établissement financier étranger » a fait valoir Didier Le Menestrel, le président de la commission compétitivité de l'AFG, et Pdg de la Financière de l'Echiquier. Son coût est estimé à 6.000 euros par emploi et par an : elle renchérirait de plus de 13% la rémunération brute pour les société de gestion de portefeuille selon l'AFG. Et ce alors que la France a déjà "le taux d'impôt sur les sociétés le plus élevé d'Europe".

Il y a aussi la taxe sur les transactions financières (TTF), qui doit rapporter 1,106 milliard d'euros l'an prochain ou 3 milliards si l'élargissement de l'assiette voté dans le projet de loi de finances est confirmé. L'AFG la présente comme une taxe spécifique à la France, ce qui n'est pas complètement vrai : le Royaume-Uni a par exemple de longue date sa Stamp Duty de 0,5% sur les transactions portant sur les actions cotées au London Stock Exchange, ce qui n'a pas pénalisé la City.

Les sociétés de gestion d'actifs mettent le doigt sur les contradictions françaises, depuis le "mon ennemi c'est la finance" du candidat Hollande en 2012 à la mobilisation récente des pouvoirs publics en faveur de la place de Paris dans la perspective du Brexit : comment attirer les métiers de la finance avec une fiscalité aussi peu engageante ?

Zone franche contre création d'emplois

On imagine mal la France s'aligner sur la fiscalité pudiquement qualifiée d'"attractive" de certaines places. Pourtant, l'AFG propose une solution assez radicale : la création d'une zone franche pour la finance dans l'Est de la France, près du Luxembourg et en région parisienne. Yves Perrier :

"Pourquoi le Luxembourg s'est-il développé ainsi, avec 150.000 emplois et dans les services financiers, dont 75.000 de Français qui traversent chaque jour la frontière ? C'est une ville respectable, mais elle n'avait pas d'avantage compétitif particulier. Un label s'est créé, le fonds luxembourgeois. Le levier fiscal a été le premier booster, ce qui vaut aussi pour Dublin, qui compte 300.000 emplois dans les services financiers. L'enjeu est de rapatrier une partie des emplois luxembourgeois en région parisienne."

Les grandes banques s'engageraient à créer des emplois dans le cadre de la création de ces zones franches.

"Au total, le solde fiscal et de cotisations, avec cette économie d'impôt à calibrer, aurait un effet bénéfique pour l'emploi et les finances de l'Etat" assure le président de l'AFG.

Quelle est la probabilité que cette proposition ait un écho auprès des politiques ? Le concept  de zones franches n'a plus forcément très bonne presse en France après l'échec des zones franches urbaines. L'association reconnaît que les candidats sont assez peu réceptifs à ces sujets en cette période de (pré)campagne.

Un compte d'épargne retraite individuel européen

L'autre cheval de bataille de l'AFG est l'épargne-retraite : l'association propose la création d'un produit d'épargne-retraite individuel par capitalisation paneuropéen, un projet soutenu par l'association européenne des asset managers Efama. Les gérants d'actifs français soulèvent le problème de notre système de retraite "proche de l'asphyxie" et de la nécessité d'un système alternatif, s'appuyant sur l'épargne longue.

"Aujourd'hui le terme de fonds de pension est un gros mot" observe Didier Le Menestrel.

Le compte individuel de retraite, volontaire, s'ajouterait au système public par répartition et à l'assurance-vie. Des modifications du cadre réglementaire seraient nécessaires.

Si les recettes étaient pour l'essentiel déjà dans les cartons de la profession, le référendum du 23 juin l'a mobilisée sur cet enjeu :

"Ce qui a changé avec le Brexit, c'est que nous sommes pour l'arrivée de nouveaux concurrents, de nouveaux entrants. C'est sûr que certains reviendront à Paris" a parié Didier Le Menestrel.

Delphine Cuny

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Commentaires 9
à écrit le 24/11/2016 à 7:24
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ce qui prouve encore une fois que la coruption est tres proche du pouvoir et du discour de penalisation des fraudeurs fiscaux au lieu de baisser les charges des entreprises qui produise et transforme des matières premieres c'est comme ces minis...

à écrit le 24/11/2016 à 7:11
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je propose au maire de ma commune de construire un port franc sur son terroire comme pour geneve ce qui apportera bon nombre d'emploi. et de securite pour les communes porche et pour quelle raison il n'y a que paris qui a le droit de tout centra...

à écrit le 23/11/2016 à 10:51
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"Le Luxembourg ..., avec 150.000 emplois et dans les services financiers...." Revoyez votre copie: il y a un zéro de trop, 15.000 sont suffisants au Luxembourg pour être n° 1 en Europe

à écrit le 23/11/2016 à 9:29
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Voilà continuez de donner le bâton pour nous faire battre...

à écrit le 22/11/2016 à 22:23
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Les territoires demandent le droit à l'expérimentation ? Refusé au nom de l'égalitarisme (centralisme ?) républicain. Mais tiens donc, là, curieusement...

à écrit le 22/11/2016 à 22:00
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Zone franche faut par rêver. Sur les taxes, possible, avec un retour rapide sur pertes, en investissements étrangers supplémentaires. Ce ne sont pas les beaux discours, ni les incantations ou autres qui vont changer les règles.

à écrit le 22/11/2016 à 21:57
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Une zone franche parisienne avec des voitures neuves, des salles de shoot et des centres pour migrants, alors ?

le 02/02/2017 à 14:52
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vous croyez qu'à Londres tout le monde habite à Buckingham ? y'a plus d'émeutes raciales qu'en France, et les imam prechent dans les rues. Vus êtes sans doute un "vrai français" qui aime sa patrie et qui vote FN ...

à écrit le 22/11/2016 à 21:27
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bcp plus simple de faire une zone franche anti globaliste-communiste sur toute la france

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