En France, aussi, une banque pourrait fermer les comptes des ambassades

La décision de la banque britannique HSBC de fermer les comptes de plusieurs dizaines d'ambassades et de consulats à Londres peut paraître incorrecte. Elle serait pourtant parfaitement légale aussi en France.
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Une quarantaine d'ambassades et de consulats situés à Londres viennent de se faire recaler par HSBC (Hong Kong & Shanghai Banking Corporation). La banque britannique a annoncé ne plus souhaiter gérer leurs comptes, en les priant de retirer leur argent dans les 60 jours. Elle explique appliquer le «programme d'évaluation» lancé en janvier 2011 qui, afin d'accroître les profits de l'entreprise, analyse chacune de ses opérations et activités au travers de «cinq filtres»: le potentiel économique ultérieur, la pertinence en termes de connectivité, la rentabilité, l'efficacité et la liquidité.

Une telle décision aurait-elle pu être prise en France? Marc Perrone, avocat spécialiste de la réglementation bancaire, associé du cabinet Linklaters, pense que oui: il explique pourquoi.

LA TRIBUNE - Une banque a-t-elle le droit de fermer le compte d'un de ses clients?

MARC PERRONE - Oui. Cela ressort de deux principes généraux du droit français: le droit de choisir avec qui contracter et l'interdiction des engagements perpétuels. Si le contrat est conclu pour une durée déterminée, il expirera à la date convenue, sauf s'il prévoit une reconduction tacite: en ce cas, la partie qui ne veut pas reconduire doit en aviser l'autre dans le délai prévu.

Dans le cas d'un contrat à durée indéterminée, qui est d'ailleurs le plus répandu, la banque peut résilier à tout moment. Afin d'éviter de placer indûment le client en situation de difficulté, deux conditions doivent néanmoins être satisfaites: le respect d'un préavis minimal de deux mois et l'absence de motif illégitime ou d'intention de nuire.

Un contrat peut aussi toujours être résilié si l'une des parties ne respecte pas ses obligations.

Les «cinq filtres» invoqués par HSBC pour justifier sa décision pourraient-ils constituer un motif illégitime?

Non. Bien que difficile à apprécier, le motif illégitime ne peut pas être contesté dès lors que la banque invoque une cause de résiliation qui, dans sa situation, n'est pas arbitraire. Celle-ci peut notamment être économique.

Invoquer un soupçon d'activités illégales, notamment de blanchiment, ne serait-il plus judicieux?

Pas forcément car, même si une telle crainte pourrait être considérée comme un motif légitime de résiliation, il faut tenir compte du risque d'atteinte à la réputation d'autrui si ce doute s'avère infondé. En outre, en cas de soupçon de blanchiment, les banques françaises sont tenues de le signaler à Tracfin sans en informer la personne concernée. Toute déclaration publique laissant supposer un tel soupçon, même visant plusieurs personnes, risquerait d'enfreindre cette obligation de discrétion.

Depuis quelques années la réglementation européenne anti-blanchiment a été renforcée et les autorités régulatrices sont devenues de plus en plus strictes dans leur appréciation de l'efficacité des mesures adoptées par les banques, qui sont tenues de gérer aussi ce genre de risques.

L'interdiction du refus de vente ne s'applique-t-elle pas?

Non, car ce principe concerne la situation où l'on refuse de conclure un contrat et non pas celle où l'on y met fin. Son application est par ailleurs normalement écartée pour les banques, qui doivent rester maîtresses des risques qu'elles acceptent de supporter.

En vertu de la liberté de contracter, les ambassades rejetées par HSBC pourraient-elles donc ne plus trouver de banque où ouvrir un compte?

Les banques jouent un rôle social particulier, surtout dans un contexte où avoir un compte est indispensable pour nombreuses activités de la vie quotidienne. Le droit français prévoit donc un droit au compte. Toute personne physique ou morale résidant ou établie en France ainsi que tout Français résidant à l'étranger, s'il ne trouve pas de banque prête à l'accepter parmi ses clients, peut s'adresser à la Banque de France, qui désignera un établissement tenu de lui fournir un certain nombre de services bancaires de base, aux tarifs fixés par la loi.

Pour bénéficier de ce droit, les ambassades étrangères devraient cependant pouvoir être considérées comme résidentes en France... Comme au Royaume-Uni, la recherche d'une solution plutôt commerciale ou politique finirait donc probablement par s'imposer.

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Commentaires 2
à écrit le 06/08/2013 à 16:46
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Les anglais devraient rendre cette banque chinoise aux chinois. Si nous ne voulons pas être plombés par une entreprise de parrainage en Chine, il faudra éviter d'en réclamer en Europe.

à écrit le 06/08/2013 à 15:02
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D'apres Paul Jorion (http://www.pauljorion.com/blog/) cette info parue dans'un tabloid anglais provient d'un article du Wall Street Journal du 20 novembre 2010 . Toujours d'apres Jorion le FT et le wall street journal n'ont pas sorti l'info . Avez vo...

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