
À la veille du Climate Finance Day, ce grand raout annuel de la "finance verte" de la Place de Paris, la charge de plusieurs ONG à l'encontre de BNP Paribas est violente : Oxfam, Les Amis de la Terre et Notre Affaire à Tous, qui ont déjà fait condamner l'État Français pour son « inaction climatique », viennent de mettre en demeure le premier groupe bancaire européen de cesser de financer de nouveaux projets pétroliers et gaziers.
Avec une menace clairement brandie : une éventuelle action en justice pour contraindre la banque à renforcer ses engagements climatiques.
Les trois ONG estiment en effet que, malgré ses engagements climatiques, notamment de sortir de la filière charbon et du gaz de schistes, le groupe bancaire français est toujours le « premier financeur européen et le cinquième mondial du développement des énergies fossiles », avec 55 milliards de dollars de financements nouveaux entre 2016 et 2021, dont 43 milliards dans les huit plus grandes compagnies pétrolières et gazières.
En septembre dernier, la banque avait déjà été visée par une action de l'ONG Reclaim Finance, qui encourage les clients de la banque à domicilier leurs comptes auprès d'établissements plus vertueux sur le climat. En France, BNP Paribas n'est pas le seul groupe bancaire à être mis en cause pour l'insincérité de ses engagements climatiques. Crédit Agricole, autre mastodonte de la finance, est également dans le collimateur des ONG.
Dans cette bataille de chiffres et de communication, ce sont logiquement les plus grands groupes qui sont mis en l'index, au prorata de leurs poids dans le financement d'une économie qui reste toujours très majoritairement carbonée.
Instruire le procès « d'un financeur du chaos climatique »
Les trois ONG entendent se saisir de la loi de 2017 sur le « devoir de vigilance », qui impose aux grandes entreprises de prendre des mesures effectives pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement, pour instruire le procès « d'un financeur du chaos climatique ». Pour les associations, le soutien de BNP Paribas aux énergies fossiles est en contradiction avec les objectifs de réduction des émissions de carbone de l'Accord de Paris de 2015.
Cette nouvelle campagne s'inscrit dans une volonté croissante des ONG de porter le combat climatique devant les tribunaux. En 2021 aux Pays-Bas, sur une plainte de Greenpeace, un tribunal a notamment condamné pour la première fois le géant pétrolier Shell à accélérer son plan de réduction des émissions de carbone. De même, TotalEnergies est actuellement poursuivi en justice, également pour violation de devoir de vigilance, sur son mégaprojet d'exploration Tilenga & EACOP en Ouganda... que les banques françaises ne financeront pas (même si BNP Paribas est la principale banque de TotalEnergies avec Crédit Agricole).
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L'alibi des énergies renouvelables
De son côté, BNP Paribas, qui a rejoint en 2021 la Net-Zero Banking Alliance, assure mener une transformation en profondeur de ses métiers pour les aligner sur les objectifs des Accords de Paris. Le groupe a d'ailleurs publié, en mai, pour la première fois, un « rapport d'analyse et d'alignement pour le climat ». Le groupe compte réduire son exposition à la production de pétrole et de gaz de 12% à l'horizon 2025, et de 25% pour la seule production de pétrole, avec une évaluation des avancées désormais réalisée chaque année.
La banque s'est également engagée à ne plus financer les entreprises liées aux énergies non conventionnelles. Enfin, preuve de sa retenue, la banque affirme que son exposition au secteur de l'énergie représente, à la fin 2021, moins de 4% de ses encours de crédit, avec une montée en puissance du financement des énergies renouvelables.
C'est d'ailleurs l'un des axes de la communication des banques de promouvoir les énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles. La Fédération bancaire française (FBF) vient d'ailleurs de rappeler que pour « 1 euro investi dans le fossile, 4 euros sont investis dans les énergies renouvelables ».
Les banques prises en étau
Entre une opinion publique de plus en plus mobilisée sur les sujets climatiques et des engagements qui passent de plus en plus de la théorie à la pratique, le secteur bancaire marche désormais sur un fil. À tel point qu'un discours commence à se faire entendre sur l'intérêt pour une banque de se fixer des engagements chiffrés, voire même d'organiser une journée sur le climat !
Le contexte économique très incertain et les tensions actuelles sur les marchés de l'énergie ne plaident pas non plus pour placer le climat au top des priorités du secteur financier. En ce sens, les propos au printemps dernier de l'ancien patron de l'investissement responsable chez HSBC, pour qui il existait d'autres risques autrement plus importants à traiter que le climat, avait secoué les esprits.
Reste que la "finance verte" est désormais un mouvement engagé et il apparaît impossible de revenir en arrière. D'autant qu'elle est perçue, malgré tout, en Europe comme un atout pour l'industrie financière, compte tenu de son avance par rapport aux États-Unis. La transition énergétique est sans doute le levier de croissance le plus important de ce siècle.
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