Crédit Immobilier : des courtiers en colère laissent la Banque de France de marbre

Une délégation de courtiers en crédit immobilier a été reçue par le gouverneur de la Banque de France après une manifestation devant le siège de l’institution. La profession réclame des mesures d’assouplissement sur le taux d’usure, dont la hausse trop lente par rapport aux réalités du marché, serait en train de gripper le marché immobilier. Une analyse contestée par la Banque de France qui souligne que la prochaine hausse du taux de l’usure le 1er octobre sera plus marquée qu’en juin dernier.
Les services de la Banque de France calculent, chaque trimestre, le taux de l'usure en fonction de l'évolution du marché sur le trimestre précédent.
Les services de la Banque de France calculent, chaque trimestre, le taux de l'usure en fonction de l'évolution du marché sur le trimestre précédent. (Crédits : Reuters)

C'est peu dire que le divorce est consommé entre les courtiers en crédit immobilier et le gouverneur de la Banque de France. « Le gouverneur n'a qu'une idée en tête : casser le marché immobilier, notamment à Paris et dans les grandes agglomérations », nous avait confié au début de l'été un grand courtier. L'exaspération est telle qu'une centaine de courtiers ont même manifesté ce mardi devant le siège de la Banque de France. Un évènement peu commun dans la profession.

Le motif ? Le taux d'usure, une fois de plus. Un taux sur lequel le gouverneur refuse depuis plusieurs mois de revoir le mode de calcul, malgré la rapide remontée des taux d'intérêt et ce, au nom de la protection du consommateur.

De fait, le taux d'usure bride l'ajustement des taux du crédit aux conditions de marchés. Rappelons que le taux d'usure est le taux maximum au-delà duquel une banque ne peut pas accorder un crédit. Ce taux, révisé chaque trimestre, selon une formule fixée par la loi (moyenne des taux du marché constaté pendant le trimestre précédent, augmentée d'un tiers) est actuellement de 2,57% (frais et assurances compris) pour un crédit immobilier sur 20 ans et très proche (trop ?) des taux moyens constatés sur le marché en août (entre 1,8% et 2%, hors assurances).

40 % de dossiers rejetés

Résultat, selon certains les courtiers, 40 à 45 % des dossiers de crédit immobilier seraient rejetés après la prise en compte de tous les frais de dossiers (et de la commission du courtier) et d'assurances (dont les tarifs sont plutôt en hausse). D'où des demandes de la profession soit de modifier la formule, soit de l'appliquer de façon mensuelle, soit même d'y déroger, comme la loi le permet en cas de « circonstances exceptionnelles ». Ces chiffres de rejet sont toutefois jugés peu crédibles par la Banque de France, qui met toujours en avant la vitalité de la production de crédit immobilier (qui ressort avec un décalage de plusieurs mois entre le dossier accepté et le crédit finalement décaissé).

La fin de non-recevoir du gouverneur, François Villeroy de Galhau, adressé vendredi dernier au micro de RTL n'a certes pas apaisé les tensions. « La formule de calcul existante sera appliquée à la fin du mois et aboutira à un relèvement bien proportionné de ce taux plafond », a-t-il ainsi réitéré. « Nous avons évoqué le sujet avec le ministre de l'Economie et avec les banques. Ceci permettra de régler les cas d'accès plus difficiles au crédit immobilier qu'il a pu y avoir ces derniers moins », a insisté le gouverneur, reconnaissant au passage qu'il y a un problème, notamment pour les primo-accédants, ce qui est nouveau dans le discours.

Du côté de Bercy, on se range à l'avis de la Banque de France et on souligne que « le 1er octobre prochain, la révision à hausse (du taux d'usure) sera assez marquée avec l'application mathématique de la formule ».

Donner du temps au temps

Un discours qui n'est visiblement pas audible auprès des professionnels du crédit. L'association UIC (Union des intermédiaires de crédit) réclame toujours une « rehausse exceptionnelle de l'usure au 1er octobre ». Une délégation a été reçue ce matin par le gouverneur qui a assuré aux représentants qu'il n'y avait « ni déni, ni mépris » de la profession de courtier, et que les difficultés actuelles allaient progressivement s'aplanir, avec une hausse du taux de l'usure « plus marquée qu'en juin » et « cohérente » avec les réalités du terrain.

Si les banques restent discrètes sur ce front de taux de l'usure - difficile en termes d'image de défendre une hausse du taux de l'usure en plein débat sur le pouvoir d'achat - elles reconnaissent en privé le problème. Certaines ont même levé le pied sur le crédit immobilier, après un premier semestre exceptionnel, dans l'attente du relèvement des taux d'usure au 1er octobre et au 1er janvier 2023 pour reconstituer leurs marges.

 Les banques ont les moyens d'attendre que le taux d'usure se réajuste progressivement au marché. Mais pas les courtiers, qui sont les premiers en faire les frais du coup de frein en cours sur le marché immobilier. Déjà, certaines banques, comme Société Générale, ont suspendu les mandats avec les courtiers, quand d'autres travaillent beaucoup moins avec les courtiers, à la fois pour protéger leurs marges mais aussi pour faire passer des dossiers « un peu juste » de leurs propres clients, en rognant sur toutes les commissions.

La remontée des taux entraîne par ailleurs un recul sensible des renégociations de crédit, qui ont longtemps représenté l'un des principaux leviers de croissance des courtiers ces dernières années. Enfin, certains grands courtiers, comme Cafpi ou Meilleurtaux, ont été rachetés par des fonds d'investissement, qui exercent une pression pour obtenir une rentabilité élevée. Or, le marché immobilier amorce un changement radical avec une période d'inflation et de taux élevés, et sans doute un tassement des transactions et des prix immobiliers. Un environnement qui s'annonce donc beaucoup moins favorable aux courtiers.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 22/09/2022 à 8:49
Signaler
C'est courtiers ont participé à l'endettement des ménages, ont participé à la formidable bulle spéculative immobilière qui Dieu merci est en train d'éclater ils se sont enrichis et ont empêché des gens raisonnables de se loger et ceci depuis 24 ans, ...

à écrit le 21/09/2022 à 8:52
Signaler
on comprend bien que les courtiers soient mecontents. ils vivent de la production de credit. Par contre la banque de france a pour mission non pas de faciliter la vie des courtiers mais d eviter le surendettement ou des subprimes. parce que s il y a ...

à écrit le 20/09/2022 à 21:29
Signaler
Les taux vont monter à 4% rapidement (2,5% sur 10 ans aujourd’hui et apparemment c’est pas fini). Donc pas facile de changer ce taux d’usure car il va falloir recommencer dans quelques jours..Mais en retardant la décision, les ménages qui veulent s’e...

à écrit le 20/09/2022 à 21:27
Signaler
C'est sur, ils n'ont pas lanifeste quand les banques ont prêté à 30 ans à 1% à des gens pas solvables et sans apport...leur business devient tout de suite plus dur

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.