Immobilier : le marché français sur le point de se tasser, pas de s’effondrer

Malgré quelques signes d’essoufflement, le marché immobilier français se porte bien. Les ventes et les prix pourraient reculer sur fond de grandes incertitudes macro-économiques. Mais en France plus qu’ailleurs, le secteur est connu pour sa solidité.
Les prix d'achat dans les logements anciens ont continué à croître de mars à juillet 2022 mais moins vite qu'au premier trimestre.
Les prix d'achat dans les logements anciens ont continué à croître de mars à juillet 2022 mais moins vite qu'au premier trimestre. (Crédits : Reuters)

Jusqu'ici, tout va bien. Tel est le constat des observateurs du marché immobilier français, au moment où bien d'autres secteurs comme l'industrie ne peuvent pas en dire autant. Les chiffres de ventes dans l'ancien publiés hier mardi semblent confirmer cette tendance.

Au deuxième trimestre, les prix des biens anciens ont légèrement décéléré en augmentant de 6,8% sur un an, soit -0,5 point par rapport à la croissance du premier trimestre. De même, le volume de ventes a un petit peu faibli. « Ce trimestre reste un très bon millésime, notamment en termes de niveau de prix », affirme au sujet du marché national Thierry Delesalle, président de la commission statistiques des Notaires du Grand Paris.

Le marché national atteint un plateau

Si l'on prend de la hauteur sur le paysage immobilier, l'Hexagone affiche une vigueur exceptionnelle au cours des dernières années. Le nombre de ventes a bondi de 876.000 début 2017 à 1.157.000 à l'été 2022. Un dynamisme rare, probablement pas durable. « Sur les douze derniers mois, on atteint logiquement un plateau. Il est vrai que le marché se calme en province avec un petit ralentissement de 3% des transactions. Mais attention, les avant-contrats ne s'effondrent pas, en particulier à Paris et en petite couronne », rapporte Thierry Delesalle des Notaires du Grand Paris.

Au premier rang des transactions, le notaire parisien témoigne d'une retombée de la ruée vers la province et les maisons consécutives aux confinements. Il note une « inversion »« Pendant la pandémie, le marché était plus sage à Paris qu'en province. Depuis un an, la petite couronne et Paris marchent mieux », pointe-t-il. Mais d'après lui, tous les Français qui désiraient déménager ne l'ont pas encore fait. Ce qui explique son optimisme quant à la demande.

Récession : coup de froid sur la pierre ?

Ces bonnes statistiques ne présagent pourtant pas de l'avenir. Les nuages s'accumulent au-dessus du marché immobilier, les mêmes qui planent sur l'économie française et européenne. A commencer par un ralentissement économique général dans le moins mauvais scénario. Ou d'une récession dans le pire. De quoi jeter un froid sur la pierre ?

« Il va sûrement y avoir une phase de légère baisse en cas de stagnation économique. Dans ce genre de période, les prix ont historiquement tendance à se tasser plus que les volumes. Les prix devraient diminuer davantage dans les grandes métropoles, là où ils avaient le plus augmenté, qu'en province et sur les côtes », anticipe Alain Trannoy, professeur d'économie à l'université d'Aix-Marseille.

Auteur du livre « Le Grand retour de la terre dans les patrimoines » avec Etienne Wasmer, ce dernier tempère le risque d'effondrement du secteur immobilier. Y compris en cas de récession. « Le marché français est résilient, en tout cas plus qu'aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Les Français ont davantage d'économies avec un taux d'épargne des ménages de 15% », rappelle-t-il.

Taux « très acceptables » à 2%

La pandémie et les craintes autour de la situation macroéconomique ont rempli le bas de laine des Français. L'usage qui sera fait de cette épargne, par exemple comme apport lors d'un achat d'appartement ou de maison, représente une des clés du marché parmi d'autres aléas. Les acquéreurs potentiels se décident en fonction du taux d'emprunt immobilier qui leur est offert. Le taux de référence moyen a 20 ans se rapproche de 2%.

« Les taux sont encore très acceptables. A 2%, les clients y vont encore. Ce n'est pas le taux qui freinent les achats mais les dossiers qui sont repoussés par les banques. A cause de l'évolution du taux d'usure (ndlr : taux d'intérêts maximum légal que les banques sont autorisées à pratiquer lors d'un prêt), elles ont peur que les conditions d'emprunt qu'elles proposent dépassent le taux d'usure. Elles attendent que la Banque de France modifie le taux d'usure. Pendant ce temps, les dossiers d'emprunt et les projets d'achat sont mis en attente »détaille Thierry Delesalle, notaire du Grand Paris, qui appelle à ce que le taux d'usure soit réactualisé tous les mois et pas tous les trimestres.

Paris, valeur refuge

Face à l'envolée des prix, reste à savoir à quel point le coût de l'argent va bondir, déterminant dans la décision finale des acheteurs. Une restriction du crédit comme en 2008 aboutirait immanquablement à une chute du marché immobilier. L'économiste Alain Trannoy ne croit guère à « une remontée brutale du taux directeur de la BCE, surtout si l'Europe se trouve au bord de la "stagna-récession" ».

Le principal motif d'anxiété vient selon lui de l'autre côté des Alpes. L'Italie est (pré)occupée par des élections qui constitueront son futur gouvernement. « Si la droite italienne arrive au pouvoir et mène une politique, disons "aventuriste", les taux sur la dette italienne flamberont encore et il y aura sûrement une nouvelle crise des dettes souveraines dans la zone euro comme en 2011-2012 », avertit l'universitaire Alain Trannoy.

Au début des années 2010, le marché immobilier français avait pâti de la crise. Les prix immobiliers avaient dégringolé jusqu'à 2% en glissement annuel en 2012... sauf à Paris que la clientèle nationale et internationale avaient plébiscité à constance. La crise des dettes souveraines avait donc profité à l'immobilier parisien, « valeur refuge » par excellence.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 08/09/2022 à 11:33
Signaler
Encore un article imprégné de lobbying !!! La France n'a pas été épargnée par les crises de l'immobilier. Je me souviens l'année 1993 avec des panneaux "A vendre" partout et des vendeurs désespérés, et plus récemment les années 2016 et 2017. De tout...

à écrit le 08/09/2022 à 9:24
Signaler
c est sur qu eje vois pas un agent immobilier ou un notaire (qui vivent des transactions) dire "ca va baisser, attendez ou vous allez y laisser des plumes". la BCE va augmenter les taux, on va vers une recession (donc les gens vont gagner moins et ce...

à écrit le 07/09/2022 à 21:32
Signaler
Ce Publi communiqué vous a été proposé par le lobby immobilier

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.