Euphorie sur les marchés : les investisseurs font fausse route, selon les banques centrales

Les marchés actions doutent de la détermination des banques centrales à poursuivre leur hausse des taux et surfent sur une saison de résultats annuels d’entreprises satisfaisante en zone euro mais médiocre aux Etats-Unis. Pourtant, la lutte contre l’inflation est loin d’être gagnée et les premiers signes du ralentissement économique se feront sans doute sentir à partir de l’été.
Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE).
Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE). (Crédits : Reuters)

L'envolée sur les marchés financiers ne fait pas sourire les banquiers centraux. « Les investisseurs financiers sous-estiment peut-être la persistance de l'inflation dans la zone euro », a rappelé Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE). Dans un discours adressé vendredi au Centre des professions financières, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau a indiqué que les taux seront maintenus élevés « aussi longtemps que nécessaire pour ramener l'inflation vers l'objectif de 2% ».

Dans un entretien accordé à La Tribune, Pierre-Olivier Gourinchas, économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI) prévient que « la bataille contre l'inflation n'est pas encore gagnée. Il y a de bonnes nouvelles, mais les taux sont quand même à 5 % hors énergie et alimentation. On est très loin de la cible des 2 %. Certains pays, notamment les Etats-Unis, sont sur la voie de la désinflation, mais en Europe, ce n'est pas le cas ». Même aux Etats-Unis, quelques indicateurs ont (un peu) battu froid, comme une inflation supérieure aux prévisions en janvier et un marché de l'emploi toujours aussi solide. Bref, le message est clair : les marchés sont trop optimistes !

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Depuis le début de l'année, l'indice Stoxx Europe 600 gagne 9 % mais le CAC 40, bien aidé par le secteur du luxe et du pétrole, grimpe de plus 13%, avec même un nouveau record historique atteint jeudi. Aux Etats-Unis, c'est l'indice phare des valeurs technologiques Nasdaq qui est à la fête (+12% depuis janvier) mais le S&P 500 reprend quand même 6%. Le marché obligataire reprend également son souffle après le méga krach de l'an dernier. Mais, une fois de plus, taux, crédit et actions naviguent de concert.

« Data dépendance»

C'est peu dire que la « forward guidance » (pilotage des anticipations) de la BCE ne fonctionne pas bien. La difficulté qu'ont eu les banques centrales à qualifier l'inflation en 2021 et début 2022 et des interventions qui sont sorties du cadre - notamment avec une remontée des taux bien plus rapide que prévu - ont fragilisé le discours des banques centrales auprès des investisseurs. Ces derniers croient donc toujours à la baisse des taux aux Etats-Unis au second semestre, après un taux terminal de 5,25% d'ici le printemps alors que le taux terminal de la BCE est anticipé à 3,5 % cet été. Mais ces anticipations montrent aussi que les investisseurs commencent à douter de la détermination des banques centrales à poursuivre la montée des taux.

« Les banques centrales sont devenues « data dépendantes », regrette Franck Dixmier, responsable des gestions obligataires chez Allianz GI. Autrement dit, elles attendent désormais la statistique avant de réagir au risque de le faire toujours trop tard et avec un excès de zèle. Une chose est certaine, les banques centrales vont regarder avant tout l'inflation sous-jacente (hors énergie), qui pourrait, avec les effets de base, supérieure à l'inflation globale. Du rarement vu. « Si cette inflation sous-jacente reste autour de 4 % cela voudra dire que la Réserve fédérale n'aura pas assez monté les taux », avance Franck Dixmier.

En fait, la grande question est de savoir si l'économie va entrer ou non en récession. Pour l'instant, les marchés tablent sur le scénario d'un « atterrissage en douceur » de l'économie, scénario qui ne s'est d'ailleurs jamais concrétisé jusqu'ici. Pourtant, les nuages s'accumulent à l'horizon. « Le choc des taux est majeur aux Etats-Unis et les Américains ont englouti leur surépargne liée au Covid », observe Ludovic Subran, chef économiste chez Allianz. « C'est plutôt au milieu de l'été que les signaux de ralentissement seront visibles », prédit-il.

Prudence

Déjà, la publication des résultats annuels des entreprises américaines a été plus que décevante. Et les bons résultats des entreprises européennes sont loin d'être uniformes, avec des baisses de régime sur les secteurs les plus cycliques. En 2022, les entreprises ont réussi ce tour de force de maintenir leurs marges en augmentant leur prix de vente mais il n'est pas certain qu'elles pourront faire de même cette année. « S'il n'y a pas de récession c'est qu'il y a quelque chose de changé », plaisante un gérant obligataire.

Lire aussiPour ou contre : les banques centrales doivent-elles continuer à viser 2 % d'inflation ? (Christopher Dembik face à Gilles Moëc)

En Europe, le danger n'est pas totalement écarté, même si les chefs d'Etat répètent comme un mantra qu'il n'y aura pas de récession en 2023. Les ménages européens ne semblent pas prêts à consommer, comme aux Etats-Unis, leur surépargne, d'autant qu'elle de mieux en mieux rémunérée. En revanche, le robinet du crédit devrait se tarir avec la montée prévisible du coût du risque mais aussi en raison d'une courbe des taux qui reste désespérément plate.

En attendant, alerte Franck Dixmier, « il faut corriger les anticipations de baisse des taux en 2023 aux Etats-Unis : elles sont clairement erronées ». Quant à la zone euro, certains pensent que la BCE, qui n'arrive pas à se faire entendre des marchés, pourrait aller beaucoup plus loin que prévu, au-delà de 4%.

« Aujourd'hui, nous sommes au top des bonnes surprises. Il y a beaucoup d'optimisme sur les marchés. Il faut donc faire attention », résume Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM.

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Commentaires 2
à écrit le 18/02/2023 à 9:51
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l'idee c'est de creer une petite vague haussiere pour que les particuliers foncent, et que les gros puissent se desengager ' car desormais on a a change d'avis'......

à écrit le 17/02/2023 à 21:06
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A partir de l'été ? ça va, la saison des dividendes c'est Mai, Juin.

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