H2O AM restructure (enfin) ses actifs illiquides

La société de gestion promet de donner une valeur liquidative de ses fonds side pocket (SP) dans la première semaine de juin. Elle donne quelques détails sur sa stratégie de cession de ses actifs illiquides, qui passe par l’émission d’une obligation à maturité 2022.
La société de gestion H2O, qui s'est construit une solide réputation auprès des conseillers de gestion de patrimoine, connaît depuis plusieurs mois des turbulences.
La société de gestion H2O, qui s'est construit une solide réputation auprès des conseillers de gestion de patrimoine, connaît depuis plusieurs mois des turbulences. (Crédits : DR)

La société H2O Asset Management vient de communiquer sur le devenir de ses fonds side pocket (SP). Du moins de façon laconique. Pour mémoire, ces fonds avaient été mis en place en octobre 2020, en partie à la demande de l'Autorité des marchés financiers (AMF), pour isoler des actifs illiquides, et difficilement valorisables, des autres actifs de sept fonds, souvent parmi les plus souscrits de la gamme. En clair, chaque fonds concerné a été séparé entre un fonds qui regroupe les actifs liquides et un fonds qui cantonné les actifs illiquides (SP).

La chute des marchés du printemps 2020, et des retraits massifs à l'été 2019, avaient en effet entraîné une surexposition de ces fonds à des actifs illiquides, nettement supérieure au plafond réglementaire (10% du total des actifs).

Depuis plusieurs mois, la société de gestion ne donnait plus d'informations sur la valeur liquidative des fonds SP. Sur son site internet, H2O AM vient de justifier son silence par une nécessaire « confidentialité » pour mener ses négociations en vue de céder les actifs illiquides, tous liés au groupe Tennor de l'homme d'affaires allemand, Lars Windhorst.

Dans son communiqué, daté du 25 mai, H2O AM informe surtout ses clients de sa décision d'opter pour une « restructuration des actifs en vue de rationaliser l'exposition des fonds au groupe Tenor », une solution qui devrait offrir « davantage de stabilité pour engager la cession des actifs ».

Une estimation des valeurs liquidatives en juin

Cette option passe par l'émission d'une obligation first super senior secured note (FSSSN), de maturité 2022, qui prévoit des remboursements partiels intermédiaires, au fur et à mesure du processus de liquidation des fonds cantonnés. Ce qui reviendrait à échanger les actifs illiquides contre cette dette.

Les actifs cantonnés étaient liés à un contrat de cession, conclu entre H2O AM et le patron du Tennor, sur lequel la société de gestion était très exposé. La vente de ces actifs devait être en principe réalisée avant la fin du mois de juin et les porteurs de part remboursés en cash.

Mais l'opération ne s'est pas déroulée comme prévu, compte tenu de la difficulté de céder ces actifs non cotés, surtout en période de crise. En mars dernier, le régulateur britannique, autorité de tutelle de H2O AM basée à Londres, avait même imposé un conseil dans cette cession, en l'occurrence la banque d'affaires Perella Weinberg Partners.

Concrètement, les porteurs de part devront attendre un an de plus avant de toucher le fruit de la vente de ces actifs. H2O AM s'engage en revanche à communiquer, dans la première semaine de juin, une valorisation estimée actualisée des fonds SP, en prenant en compte l'émission de l'obligation. Cette valorisation des parts est une étape importante alors que la majorité des assureurs ont valorisé ces parts, par défaut, à zéro.

Une histoire récente tourmentée

La suspension, fin août 2020, puis le cantonnement des actifs en octobre, ont provoqué un séisme dans le petit milieu de la gestion et parmi les assureurs, principaux distributeurs de ces fonds en France, via les conseillers en gestion de patrimoine. Ces évènements ont tout d'abord précipité la décision de son actionnaire majoritaire, Natixis, de se séparer de sa filiale, longtemps vache à lait de la banque, mais devenue trop encombrante en termes d'image.

En quelques années, la petite boutique H2O AM était devenue une référence pour de nombreux conseillers en gestion ou banquiers privés compte tenu de performances exceptionnelles de certains fonds de la gamme, grâce un style de gestion agressif sur des paris macros, avec un fort effet de levier.

Les informations du Financial Times en juin 2019 sur les liens étroits entre la société de gestion et l'homme d'affaires allemand avait déjà provoqué des retraits massifs durant l'été, sans pourtant remettre en cause la liquidité ou les performances des fonds. Reste que la réputation de la société avait été durement écornée.

Mais c'est la brutale chute des marchés en mars 2020, qui a complètement pris à revers la stratégie d'investissement de H2O AM qui a conduit les régulateurs à intervenir, tardivement pour certains, pour exiger une solution de sortie des actifs illiquides devenus trop importants dans l'allocation des fonds.

Au total, sept fonds ont été suspendus, représentant un encours total de dix milliards d'euros, dont près de 1,7 milliard d'euros d'actifs illiquides. Près de la moitié de ces encours sont en France, essentiellement logés dans des contrats d'assurance-vie de particuliers. Depuis six mois, certains fonds « liquides » ont largement regagné le terrain perdu sur les marchés, y compris avec une valorisation à zéro du fonds SP.

Réflexions de l'AMF

Mais la suspension des fonds, qui a de facto bloqué de nombreux contrats d'assurance-vie, faute de valorisation des actifs, a créé un précédent fâcheux que les régulateurs souhaitent éviter à l'avenir.

L'AMF s'est ainsi engagée dans une réflexion plus vaste sur la réglementation européenne, comme l'a indiqué, en mars dernier, son président Marc Ophèle devant les sénateurs. Les fonds Ucits, destinés aux particuliers, sont particulièrement dans le viseur. Le problème est que les fonds Ucits, censés être protecteurs pour l'épargnant, peuvent être sous la tutelle de plusieurs régulateurs, en fonction de la localisation du siège social de la société de gestion, de l'immatriculation des fonds ou de la distribution de ces derniers.

L'AMF suggère ainsi que le régulateur de la société de gestion soit « le lead superviseur » qui regroupe l'ensemble des informations sur les fonds commercialisés et coordonne la supervision pour éviter des « trous » dans la raquette du contrôle. Le régulateur français a avancé ses idées dans le cadre d'une consultation européenne sur la révision de la directive AIFM sur la gestion alternative. D'autant que le Brexit risque de compliquer la tâche, nombre de fonds alternatifs étant basés à Londres.

Départs en cascade

Cette affaire a eu également des conséquences sur l'organisation et le management des sociétés de gestion. L'affaire H2O AM n'est pas totalement étrangère au départ, l'été dernier, de François Riahi, directeur général de Natixis, puis de celui de Jean Raby, patron des activités de gestion d'actifs de Natixis en avril.

De son côté, H2O AM, dont le management doit racheter la participation de 50,01% de Natixis, accuse également quelques départs de gérants historiques. Fin 2019, Jeremy Touboul, gérant chevronné Global Macro, a préféré partir créer sa propre boutique de gestion. Et, en mars dernier, l'un des principaux gérants, Gonzague Legoff, et Jean-Jacques Duhot, directeur adjoint des investissements, ont quitté la société de gestion, dans la foulée de la fermeture des fonds Fidelio et Atlanterra.

En revanche, les deux cofondateurs de H2O AM, Bruno Crastes et Vincent Chailley restent fermement à la barre pour tenter une nouvelle aventure en indépendant depuis... Monaco.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.