Natixis va finalement céder sa participation de 50,01% dans H2O AM aux dirigeants de cette société de gestion, basée à Londres, dans la tourmente depuis un an et demi. « Nous avons convenu avec la direction de H2O que nous nous séparions à l'amiable, en accord total, la direction achetant notre participation », a ainsi déclaré ce lundi, à l'antenne de Bloomberg TV, Jean Raby, directeur général de Natixis IM, la branche gestion d'actifs de la banque. Cette opération est soumise « à l'approbation du régulateur », a précisé le dirigeant, ajoutant « que Natixis ne cherchait pas d'autre acheteur potentiel ». Ni Natixis, ni H2O AM n'ont souhaité faire plus de commentaires.
Le nouveau patron de la filiale cotée du groupe BPCE, Nicolas Namias, avait déjà indiqué, début novembre, son souhait de se désengager de son partenariat avec H2O AM. Le pacte d'actionnaires, noué en 2010 lors de l'entrée de Natixis au capital de H2O AM, prévoyait d'ailleurs une clause de sortie en 2020.
Et Natixis a finalement décidé d'exercer cette clause pour réduire le profil de risque de la banque, un nouvel axe stratégique qui concerne également les activités de marchés, notamment sur les dérivés, mais aussi pour éviter un risque réputationnel « bien réel », selon les propos de Nicolas Namias.
Un an et demi de déboires
De fait, depuis la publication d'un article du Financial Times, le 18 juin 2019, sur des investissements dans des obligations non cotées de la galaxie du financier allemand Lars Windhorst, H2O AM est dans l'œil des régulateurs, sinon du cyclone : retraits massifs durant l'été 2019, stratégie de gestion prise à rebours par la crise sanitaire du printemps, suspension de trois fonds le 28 août dernier par l'Autorité des marchés financiers (mesure étendue à cinq autres fonds à l'initiative de la société de gestion).
Cerise sur le gâteau (et sans doute la goutte d'eau qui a fait déborder le vase) : la scission de chacun des huit fonds en deux parties avec d'une part, les actifs « liquides » et d'autre part, les actifs « illiquides », regroupés dans un fonds side-pocket (SP), a provoqué pendant plus d'un mois une crise de liquidité sur de très nombreux contrats d'assurance-vie investis dans ces fonds et d'innombrables problèmes de gestion administrative, de valorisation et de suivi de la performance (le régulateur a interdit toute reprise historique de la performance cumulée avant la scission). Sans compter les menaces de contentieux brandies par une poignée de conseillers en gestion de patrimoine (CGP), pourtant très friands de ces produits performants pendant des années.
La délicate question du prix
Reste à savoir quel prix sera prêt à mettre sur la table la direction d'H2O AM, menée par les cofondateurs Bruno Crastes et Vincent Chailley, pour racheter la participation de Natixis. Cette boutique de gestion, spécialisée dans les stratégies de « performance absolue » basées sur des paris macroéconomiques avec un fort effet de levier, a longtemps été la machine à cash de Natixis IM, grâce au niveau élevé de ses commissions de superformance.
En 2019, une année exceptionnelle il est vrai, H2O AM a ainsi contribué pour 210 millions d'euros au 1,9 milliard de résultat de Natixis, alors que les encours gérés de la filiale représentaient moins de 3% des encours gérés par le groupe. Certes, H2O AM a perdu de sa superbe et ses résultats seront sans doute négatifs en 2020, d'autant que la société a souhaité préserver les commissions versées aux distributeurs, en particuliers les conseillers en gestion de patrimoine.
Depuis juin 2019, les encours d'H2O AM ont également fondu de 40% à 20 milliards d'euros, à la fin septembre. La cession devrait se traduire, en tout état de cause, par une substantielle moins-value sur les comptes de Natixis.
Un profil moins retail
Enfin, H2O AM pourra-t-il survivre à cette crise? Bruno Crastes et Vincent Chailley ont toujours répété qu'ils feront ce qu'ils ont toujours fait, avec une expertise certaine et reconnue sur les marchés obligataires. Ce type de gestion, risquée et contrariante, souvent assimilée à de la gestion alternative (hedge fund), est devenu assez rare sur le marché. Ils trouveront donc toujours des investisseurs intéressés par leur savoir-faire. D'autant que les performances des fonds se sont redressées depuis la reprise de cotation en octobre, dans la foulée de l'embellie des marchés actions (et de la rotation sectorielle) et obligataires.
Toujours est-il que l'adossement de la boutique à un grande groupe bancaire était un argument commercial de choc auprès des conseillers en gestion de patrimoine et des assureurs et de leurs clients particuliers. Gageons que H2O AM devienne à l'avenir un peu moins retail et un peu plus institutionnel. Mais Natixis a bien précisé qu'H2O AM ne pourrait plus bénéficier de sa plateforme de distribution mondiale auprès d'investisseurs institutionnels d'ici la fin de l'année.
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