C'est en toute discrétion que H2O Asset Management (AM) a suspendu toutes les transactions sur son fonds Fidelio. La société de gestion souhaite en effet mettre un terme à la stratégie du fonds, et par conséquent, à le fermer prochainement, sans toutefois donner de date. Le fonds, de droit irlandais mais éligible à la commercialisation en France, est spécialisé dans la gestion long/short sur les actions (acheteur/vendeur à découvert), avec une exposition nulle au risque actions (les positions acheteuses sont équivalentes aux positions vendeuses).
Toutefois, comme en convient H2O AM, « ce fonds n'a jamais trouvé son public». Selon la fiche produit publié sur le site de Natixis, l'encours atteint fin janvier 35,7 millions de dollars (29,5 millions d'euros), contre 178 millions de dollars fin 2020 et 377 millions de dollars fin décembre 2019. La chute des encours ces dernières semaines s'explique, pour l'essentiel, par un remboursement anticipé des investisseurs. Le gérant du fonds depuis son lancement en 2016, Gonzague Legoff, reste cependant au sein de la société de gestion. Il est notamment l'un des gérants du fonds H2O Multiequities.
La fermeture de ce fonds, assez marginal dans la gamme, intervient dans un contexte de changements importants pour la société de gestion, basée à Londres et co-fondée par Bruno Crastes et Vincent Chailley. Pris à revers par la tempête financière de mars dernier, lors des premiers confinements, la société avait dû suspendre sept de ses fonds, le 28 août dernier, dans le cadre de la mise en place d'un schéma de « side-pocket » pour séparer les actifs liquides et illiquides de chacun des fonds concernés.
Compte tenu de la baisse de valorisation des actifs, les actifs illiquides dépassaient en effet le seuil maximal de 10% de l'encours, autorisé par la réglementation européenne Ucits. Une décision qui a provoqué le gel de ces fonds pendant plusieurs semaines, avant leur réouverture le 13 octobre.
51 millions de pertes dans les comptes de Natixis
Cette suspension a sous doute précipité la décision de Natixis, actionnaire à 50,01% de H2O AM, de rompre ses liens capitalistiques et commerciaux avec la société de gestion, d'ici la fin 2021. « Une décision contrainte et subie par H2O », a récemment souligné le dirigeant d'H2O AM, Bruno Crastes, devant des clients.
Cette participation de Natixis doit être ainsi reprise par le management de H2O, qui redeviendra une société de gestion indépendante. Les deux partenaires ont signé l'acte de divorce en début d'année, qui sera effectif une fois les diverses autorisations réglementaires obtenues.
Le prix de cession n'a pas été divulgué mais, selon Natixis, 51 millions d'euros de pertes exceptionnelles ont été comptabilisées sur les comptes de la banque au second semestre 2020. En revanche, la cession de cet actif devrait libérer environ dix points de base de capital pour Natixis.
Un encours divisé par deux en deux ans
Reste que H2O AM compte bien rebondir après deux années tumultueuses. La société a vu fondre ses encours, environ 18 milliards d'euros à la fin 2020, contre 22 milliards à la fin août avant la suspension des fonds, et 33 milliards en juin 2019. Soit un encours pratiquement divisé par deux.
La société avait fait face à une première vague de décollecte (sans impact sur la performance des fonds) durant l'été 2019, suite à des articles de presse sur la nature des actifs illiquides des fonds, tous liés à un homme d'affaires allemand à la réputation sulfureuse, Lars Windhorst. Puis, en 2020, les fonds, par nature très volatils, ont subi à la fois une sérieuse contreperformance au premier semestre et la défiance, au second semestre, de nombreux distributeurs, en particulier les assureurs-vie en France, après la suspension des fonds.
Vent dans le dos
Dans une vidéoconférence, à la fin janvier, réservée aux clients français, et dont les principaux verbatim ont été rapportés par le site spécialisé H24 Finance, H2O AM annonce pour 2021 une stratégie qui a longtemps fait son succès : miser sur des actifs qui ont sous-performé en 2020. Le stratégiste Vincent Chailley résume ainsi l'état d'esprit de la société : « Nous allons jouer à domicile avec le vent dans le dos ».
Même si selon H2O AM, le rebond en V a déjà été intégré par les marchés, « il existe toujours beaucoup de potentiel de performance », selon Vincent Chailley dans un marché cependant plus compliqué, moins directionnel, plus volatil où les arbitrages seront roi.
Pas de visibilité sur les "side-pocket"
Selon la société de gestion, le risque d'inflation est bien présent, avec à la clé, une hausse des taux et des perturbations sur les marchés qui demeurent très liquides. Plus concrètement, la gestion de H2O va privilégier les actifs qui accusent un certain retard de valorisation (comme les actions value et les pays émergents) et se protéger des actifs bien valorisés et sensibles à la hausse des taux, comme les actions américaines, les obligations souveraines et les valeurs de technologie.
En revanche, H2O reste très discrète sur les fonds side-pocket (SP), en mettant en avant des clauses de confidentialité. « Les choses avancent », se contente d'indiquer la société. La liquidation en bon ordre de ces fonds SP sera sans doute le véritable test pour H2O, au-delà de ses performances futures, pour retrouver une confiance largement entamée auprès de ses clients.
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