La publication des minutes (compte rendu), mercredi, de la réunion de décembre de la Fédéral Réserve (Fed) a mis le feu aux Bourses mondiales. La Bourse de Paris s'inscrit ce jeudi en baisse de 1,7% alors que l'indice européen Stoxx 600 accuse un recul de plus de 1,3%. La secousse a été particulièrement violente aux États-Unis avant se stabiliser ce jeudi.
La lecture du compte rendu laissait en effet transparaître une tonalité plus « hawkish » (faucon, priorité à la lutte contre l'inflation) que prévu avec, à la clé, des hausses de taux plus rapides qu'anticipé. Le scénario d'une réduction du bilan de la Fed, et non plus d'un simple tapering (réduction des achats), est même envisagé, compte tenu d'un marché de l'emploi très tendu et du niveau élevé de l'inflation. La grande peur des banquiers centraux est le retour de la fameuse courbe de Phillips qui établit une corrélation négative entre taux de chômage et inflation, qui ne s'est jamais vérifiée depuis près de 20 ans !
Du coup, les anticipations de hausse des taux courts se sont singulièrement durcies ces dernières heures, avec un Libor 3 mois aux Etats-Unis de 1,18% à fin 2022 (et 1,8% fin 2023), ce qui laisse supposer quatre hausses des taux courts cette année, contre trois prévus en fin d'année par le marché (et trois hausses en 2023). Le taux actuel du Libor 3 mois est en effet de 0,22%.
Violente hausse des taux longs
Mais le mouvement de hausse des taux longs, celui que la Bourse regarde en priorité, a pourtant démarré avant la publication des minutes de la Fed. « La note de la Fed a alerté la Bourse d'un mouvement qui était déjà bien engagé depuis le début de l'année », s'amuse un gérant obligataire. Le mouvement sur les taux a en fait commencé le 1er janvier : le taux à dix ans a ouvert à 1,6% (contre 1,5% au 31 décembre 2021) pour terminer la journée à 1,6%. Il s'établit en milieu de journée jeudi à...1,73%, alors que le seuil du 1,65% est jugé par les opérateurs comme le niveau à surveiller de très près. Autrement dit, en trois séances, le « dix ans » américain a pris 23 points de base. « C'est extrêmement violent », réagit un gérant.
Et pourtant, les explications de ce mouvement soudain sur les taux longs se font encore rares. C'est, une fois de plus, cette fameuse énigme des taux longs dont personne ne comprend vraiment les variations. Pour certains, des opérateurs auraient tout simplement « shorter » le marché (vente de contrats à terme pour faire baisser le prix, et donc monter les taux, NDLR).
« Il est toujours plus facile et plus tentant de shorter le marché en début d'année qu'en fin d'année », remarque un gérant. Autre explication, le taux long américain est directement corrélé aux annonces sanitaires : quand les nouvelles sont bonnes - moindre dangerosité du nouveau variant - les taux longs montent, et inversement. Ceci pourrait d'ailleurs expliquer le recul des taux américains en décembre alors que les Bourses étaient au plus haut malgré les menaces de contagion du variant Omicron.
En revanche, les taux longs en zone euro sont moins secoués : le Bund Allemand reste en territoire négatif à -0,1%. La Banque centrale européenne a en effet prévenu qu'elle pourrait accroître son programme de rachat d'actifs en 2022 si les taux montaient trop rapidement. Du coup, le marché pense que les taux longs sont en réalité « capés » en zone euro.
C'est bien cette soudaine tension sur les taux longs américains qui fait trembler les Bourses qui se réveillent d'un réveillon sans doute trop festif.
Sujets les + commentés