Crypto-actifs : les startups françaises s'organisent autour de la NFT Factory

En plein essor, le secteur hexagonal des NFT, ces jetons uniques qui s'échangent sur la blockchain, tente de se structurer pour peser et grandir face à une concurrence internationale féroce. D'ici quelques mois, une "NFT Factory" ouvrira ainsi à Paris pour vulgariser ces nouveaux usages numériques qui visent à acheter ou à investir sur divers droits de propriété (sports, arts, luxe...), sans passer par un intermédiaire et de manière instantanée. Avec ce nouveau lieu parisien, c'est aussi l'occasion de différencier les projets sérieux d'une kyrielle d'arnaques ou de services éphémères en tout genre. La Tribune a identifié trois projets français qui veulent tracer leur sillon.
Jeanne Dussueil
MetaFight propose d'acheter des cartes de combattants de la MMA, en NFT.
MetaFight propose d'acheter des cartes de combattants de la MMA, en NFT. (Crédits : dr)

Dans la famille des crypto-actifs, les NFT, ces jetons numériques uniques capables de conférer un droit de propriété et d'authenticité, font régulièrement les gros titres en raison des sommes astronomiques que des investisseurs particuliers sont prêts à dépenser pour les acquérir.

Quasiment inconnus il y a encore un an, ces jetons non fongibles et infalsifiables, échangés grâce à la technologie de la blockchain, voient leur notoriété - et parfois leur valorisation - exploser. Déjà, quelque 2% des Français auraient choisi d'investir dans les NFT, d'après une étude KPMG sur commande de l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan).

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A Paris, un collectif d'une cinquantaine d'acteurs français du numérique a annoncé ce mardi le lancement de la "NFT Factory", un lieu dédié pour notamment mieux faire connaître au grand public l'univers des objets numériques certifiés. L'initiative rappelle d'ailleurs, dans le même esprit, la création en 2014 de "la Maison du Bitcoin" dans le quartier parisien du Sentier, qui avait finalement fermée ses portes au public pour devenir la plateforme Coinhouse.

Comprendre la régulation des cryptos

Programmée en septembre, l'inauguration de ce lieu de 400 m2 au cœur de Paris comprendra notamment une galerie accueillant des expositions, un espace événementiel pour des rencontres, des conférences et des sessions de formation pour les entreprises ainsi qu'un espace de coworking pour les artistes et les entrepreneurs, selon les cofondateurs.

Un futur point de chute qui correspond aussi à un besoin : « Il est important de fédérer des gens autour de ces nouveaux métiers. Cela permet de partager l'information, surtout sur le plan de la régulation. Malgré la réglementation qui vient d'être votée au niveau européen, personne ne sait trop où l'on va », commente à La Tribune Frédéric Caumont, cofondateur de Hipppp, une startup qui a développé une plateforme de NFT dédiée aux sports hippiques au travers de l'achat de cartes numériques. Le Parlement européen vient en effet d'adopter le règlement "MiCA" qui doit venir encadrer la vente et l'achat de crypto-actifs. Le texte est jugé insuffisant ou imprécis par de nombreux entrepreneurs du secteur.

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Mais une maison des NFT suffira-t-elle à faire grandir le secteur français ?

« Fédérer, ce n'est pas ce qui fait que l'on créé des champions ; cela ne permet pas de faire sortir des licornes », juge encore Frédéric Caumont sur la "NFT Factory". « Ce sont toujours les Etats-Unis qui dominent dans la tech, et désormais également sur les NFT avec des plateformes dédiées au métavers telle OpenSea. Même Sorare opère principalement aux Etats-Unis. En France il y a des projets en B2B, mais en B2C il n'y a pas grand chose », observe-t-il.

Quel poids des startups françaises ?

La France possède en effet deux licornes sur le sujet des NFT et plus largement des crypto-actifs. La première, Sorare, vend des cartes de footballeurs à collectionner, sur le même principe que des albums "Panini", mais en numérique, grâce auquel la valeur d'un joueur évolue. L'année dernière, la startup créée en 2018 a levé 580 millions d'euros auprès principalement de Softbank.

La seconde licorne du secteur, Ledger, est une plateforme française de gestion de cryptoactifs également positionnée sur le hardware avec sa clé de stockage de cryptomonnaies. Avec Sorare, elle fait d'ailleurs partie du collectif à l'origine de la "NFT Factory" parisienne.

« On a une opportunité historique en France car dans l'univers des NFT plusieurs leaders mondiaux sont Français », a porté à l'AFP John Karp, président de la NFT Factory.

Le président est d'ailleurs confiant : « si cela se passe bien et si cela se développe comme on le pense, certains d'entre eux vont devenir les GAFAM de la nouvelle vague. Il faut donc fédérer dès maintenant l'ensemble de cet écosystème pour garder cette avance (...) et ne pas se faire dépasser - cela est déjà arrivé dans d'autres secteurs - par les Américains ou les Chinois ».

D'après les entretiens menés par l'Adan auprès de 29 entreprises du secteur les plus importantes en France, les levées de fonds dans l'industrie "crypto" française cumulent 1,2 milliard d'euros au total.

Des célébrités et de l'art

Une goutte d'eau si on les met en parallèle avec la consommation mondiale des NFT. En 2021, l'équivalent de plus de 40 milliards de dollars de ces jetons ont été échangés dans le monde, selon la firme spécialisée Chainanalysis.

Pour l'heure, les NFT ce sont surtout fait connaître dans le milieu de l'art. Christie's a par exemple vendu une œuvre numérique de l'artiste Beeple pour la somme record de 69,3 millions de dollars, à New York en mars 2021. Ou encore, Dolce & Gabbana a vendu en septembre neuf NFT sous forme de robes, costumes, tiares et couronnes pour 1.885,719 Ether (une cryptomonnaie), soit plus de 6 millions d'euros.

D'ailleurs, avec les initiatives du monde du show business sur le sujet (Donald et Melania Trump, Antoine Griezmann, Serena Williams, Justin Bieber membre du club des NFT du "Bored Ape Yacht Club", Quentin Tarantino...), ce sont aussi des cas de fraudes ou de blanchiment d'argent qui émergent avec la mode des NFT sur lesquels la véritable identité du propriétaire peut être masquée. En 2021, les escroqueries sur les plateformes de finance décentralisée ont bondi de 81% sur un an, pour un montant de  7,7 milliards de dollars, notait le cabinet Chainanalysis.

Enfin, la plupart des NFT sont actuellement échangés sur la blockchain Ethereum, laquelle, selon l'organisme de surveillance des technologies Digiconomist, utilise autant d'électricité que l'ensemble des Pays-Bas, avec une empreinte carbone comparable à celle de Singapour.

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ZOOM - Trois startups françaises dans les NFT qui veulent sortir du lot

  • HIPPPP : démocratiser les paris hippiques auprès des nouvelles générations

Lancée en 2021, la plateforme française Hipppp (hipppp.com) propose de collectionner en ligne des chevaux de course "réels et en activité sur les hippodromes mondiaux" afin de "vivre la passion des chevaux de courses comme jamais en accédant à l'expérience unique d'un propriétaire de chevaux".

Le modèle économique repose sur une commission prélevée sur chacune des transactions ainsi que sur la vente d'un de trois niveaux de "Pass" pour l'utilisateur-parieur. "Les niveaux Gold et Silver permettent des avantages  supplémentaires, notamment des courses de chevaux virtuelles pour gagner des cartes ou des accès à des évènements prestigieux afin de vivre la passion de la course", explique la société qui va lancer ses offres en mai.

Une levée de fonds est prévue également cette année, dans le but notamment de lancer "un jeu vidéo en 3D dans tous les hippodromes du monde". En parallèle, les opérateurs historiques du secteur, tel le PMU confirme pour l'heure "s'intéresser au sujet".

  • METAFIGHT : prendre part aux combats de la MMA (arts martiaux mixtes)

Développée sur la blockchain Ternoa spécialisée sur les droits de propriété des NFT, l'application MetaFight.com a l'ambition de devenir la référence pour transformer les performances des vrais champions de MMA en jetons uniques. Comme d'autres sports (Sorare pour le football, ou Hipppp), elle mise donc sur le modèle du "play-to-earn" (jouer pour gagner) grâce aux jetons uniques.

Créée en 2021 par Julia Mahé-Emsallem, ancienne avocate spécialisée dans la propriété intellectuelle et Thomas Chauveau, entrepreneur ans la VR et la réalité augmentée, la plateforme propose des salles de combat virtuelles en 3D, dans le métavers. En plus d'un système de pass sur trois niveaux également, allant de 80 euros à 1.450 euros pour des durées variables (bronze, silver, gold), côté recettes, elle compte également sur une marketplace de ventes et d'achats des combattants dans l'univers virtuel.

  • WAGMI STUDIO : transformer en capital numérique et en services, les actifs d'une entreprise

Au-delà de l'univers du sport ou des arts, de nouvelles entreprises de conseil et de développement se créent aussi pour transformer sous la forme de NFT, toutes sortes de services et d'actifs autrefois uniquement échangés dans le monde physique. C'est la proposition de valeur de Wagmi Studio, contraction de « Who are gonna make it » ("On va tous réussir", un mantra très repris dans l'univers de la cryptomonnaie).

Fondée en 2021 par Jean-Nicolas Hinard, un ancien auditeur financier de 25 ans et Maxence Guyot, multi-entrepreneur de 26 ans, la jeune société entend développer tous les nouveaux services liés à la blockchain : smart contract, deFI, ICO, avec en point d'orgue les NFT et le métravers. Elle compte parmi ses clients Agora Bank ou encore Piano King, une collection de NFT pour le pianiste français Sofiane Pamart et sa "fan experience".

« On accompagne toutes les boîtes, célébrités, sportifs dans leur stratégie Web3, tout en étant focalisé sur l'opérationnel et la partie technique », explique à La Tribune Jean-Nicolas Hinard. La société parisienne a prévu une levée de fonds en 2022 et le lancement d'une plateforme de finance décentralisée (DeFi).

Jeanne Dussueil

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