Cartes à collectionner, NFT et football : le cocktail explosif derrière le succès de Sorare

Grâce à son modèle unique de plateforme basée sur la blockchain et réinventant le business des cartes à collectionner, la startup parisienne Sorare boucle la plus grande levée de fonds de l'histoire de la French Tech.
François Manens
(Crédits : Capture d'écran sur sorare.com)

680 millions de dollars, soit environ 580 millions d'euros. Grâce à cette levée de fonds record, loin devant le précédent record de 408 millions d'euros établi en mai dernier par Contentsquare, la pépite parisienne des cartes à collectionner pour les fans de sports, Sorare, signe deux énormes performances. Non seulement elle réalise une entrée fracassante dans le club des licornes tricolores en signant la plus grosse levée de l'histoire de la French Tech, mais elle devient également la startup française la mieux valorisée. A peine trois ans après sa création en 2018 et quelques mois après son premier tour de table de 40 millions d'euros, Sorare vaut 4,3 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros), quasiment 1 milliard de plus que le deuxième français, Contentsquare.

Grâce à l'argent de Softbank, son investisseur principal aux poches profondes et à l'appétit grandissant pour la French Tech, la startup compte conquérir les fans de fantasy leagues partout dans le monde. Un marché colossal qu'elle estime à plusieurs dizaines de milliards d'euros...

La course de vitesse est enclenchée. Mais comment une simple plateforme de vente de cartes numériques à collectionner peut-elle être assise sur un tel tas d'or ? Son succès, la startup le doit à un cocktail explosif composé de trois ingrédients.

Premier ingrédient : une fantasy league

Sorare se présente avant tout comme une fantasy league de football, un système de jeu en ligne éprouvé depuis des années. Chaque participant endosse le rôle de manager d'une équipe et sélectionne des joueurs selon différentes règles, qui varient d'une fantasy league à l'autre.

En fonction des performances des joueurs dans la vraie compétition (nombre de buts et de passes par exemple), les participants vont engranger des points, et progresser sur différents classements. Si les premiers gagnent généralement un prix, l'intérêt des fantasy leagues se trouve avant tout dans le divertissement : elles créent un enjeu parallèle au résultat du match.

Sur ce marché des fantasy league de football, Sorare n'est même pas le champion français : son concurrent Mon Petit Gazon revendiquait 1,6 millions de joueurs en 2020, là où Sorare n'affiche que 600.000 inscrits à sa plateforme, ce qui n'indique même pas le nombre de joueurs réguliers.

Deuxième ingrédient : des cartes à collectionner

Pour se différencier, l'entreprise combine donc sa fantasy league avec un système de collection de cartes, similaire aux vignettes Panini ou aux cartes Pokémon. A chaque étape du processus d'inscription, Sorare offre un paquet de 4 cartes à l'utilisateur, chacune représentant un "vrai" joueur d'une équipe de football. Il peut ensuite utiliser ces joueurs dans des équipes de 5, pour participer à des compétitions organisées par la plateforme. S'il termine parmi les meilleurs du classement, il remportera soit une carte d'une certaine rareté, soit un prix en Ethereum, une cryptomonnaie concurrente du Bitcoin.

Pour renforcer leurs équipes, les utilisateurs peuvent sortir le chéquier afin d'acheter ou de faire des enchères sur des cartes mises en vente, soit sur la marketplace de Sorare, soit sur une autre. Et c'est ici que le produit s'éloigne du fonctionnement classique de la fantasy league.

La valeur d'échange des cartes sur la plateforme ne correspond pas seulement à leur intérêt dans le jeu. C'est surtout la rareté de la carte qui influence le prix. La startup génère, par saison et pour chaque joueur, 1 exemplaire « unique », 10 exemplaires « super rares », 100 « rares » et 1.000 éditions « limitées », avec le numéro de série indiqué sur chaque carte. Le reste des cartes obtenues par les utilisateurs, d'une valeur « commune », ne sont pas échangeables.

A titre d'exemple, ce 21 septembre, la dernière enchère sur carte « super rare » de Lionel Messi s'élevait à plus de 11.000 euros, plus de 10 heures avant la clôture de la vente. En mars, une carte unique de Ronaldo s'était vendue à plus de 150 Ethereum, soit l'équivalent de 250.000 euros à l'époque.

Troisième ingrédient : des NFT

Pour consolider ce système de collection numérique, Sorare fait appel à un système de certification basé sur la blockchain, les « non fungible tokens » ou NFT. En théorie infalsifiables, ces jetons adossés à chaque carte offrent plusieurs garanties aux collectionneurs.

D'abord, ils certifient que l'exemplaire d'image numérique est unique. Si une personne tiers parvient à dupliquer la carte, le propriétaire du NFT pourra prouver qu'il détient l'originale.

Ensuite, ce système permet aux cartes d'exister sur une blockchain Ethereum, en dehors de l'écosystème de Sorare. Elles peuvent donc être utilisés dans d'autres système de jeu (comme la One Shot League d'Ubisoft), et surtout, elles continueront à exister même si Sorare disparaît.

Une levée pour faire connaître son produit

Grâce au tour de table mené par Softbank et suivi par sept autres fonds d'investissement, Sorare va lancer des campagnes pour faire connaître son produit. Elle s'appuyait déjà sur des ambassadeurs-investisseurs de prestige -les footballeurs Gerard Piqué, Antoine Griezmann ou encore Rio Ferdinand- et sur des contrats avec 180 clubs de football, dont le Paris-Saint-Germain, qui touchent en échange des commissions sur les ventes d'images de leurs joueurs.

Pour devenir un géant mondial, la startup doit recruter de nouveaux utilisateurs afin de faire grimper l'intérêt et la valeur de ses cartes à collectionner. Elle compte aussi obtenir les licences pour exploiter l'image des joueurs des 20 meilleures ligues de foobtball mondiales et de plus de 50 fédérations nationales.

A terme, Sorare espère même ouvrir son offre à d'autres sports. L'objectif: prendre le plus de place sur le marché qu'il vient d'ouvrir, avant que d'autres ne viennent le concurrencer.

François Manens

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