Ukraine : exclure les banques russes de SWIFT, l’arme à double tranchant de l’Occident contre Poutine

Il y a des sanctions qui peuvent se retourner contre leurs initiateurs. C’est le cas du chiffon rouge régulièrement agité par Washington de l’interdiction d’accès au réseau international interbancaire SWIFT aux banques russes. Pour l’heure, ce scénario n’est pas réellement envisagé par les Occidentaux mais il est pris au sérieux par la Russie. De quoi accélérer le projet de créer une infrastructure concurrente avec l’appui de la Chine, avec pour objectif commun, se libérer de la tutelle des Etats-Unis et du dollar.
Le président russe, Valdimir Poutine, semble préparé à une éventuelle fermeture aux banques russes du réseau interbancaire SWIFT.
Le président russe, Valdimir Poutine, semble préparé à une éventuelle fermeture aux banques russes du réseau interbancaire SWIFT. (Crédits : SPUTNIK)

Après le coup de force du président russe Vladimir Poutine sur l'intégrité des frontières de l'Ukraine, le camp occidental prépare ses sanctions. Elles seront « ciblées » dans un premier temps. L'Allemagne a déjà suspendu la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 et Boris Johnson, premier ministre britannique, commence à s'attaquer au patrimoine londonien des oligarques russes. C'est peut-être d'ailleurs plus dans le domaine financier qu'économique que les Occidentaux comptent ajuster leur riposte.

L'Union européenne, qui a réuni ce mardi après-midi les ministres des Affaires étrangères des 27, avance déjà quelques pistes visant l'accès aux marchés et aux services financiers. La Commission européenne a ainsi déjà proposé d'imposer des sanctions financières à quelques centaines de Russes proches du pouvoir, mais aussi d'interdire les transactions sur les obligations russes et de fermer l'accès aux marchés financiers internationaux aux autorités russes, sans préciser comment.

Les faucons de Washington

L'arme atomique des services financiers n'a pas encore été évoquée : exclure les banques russes du réseau international interbancaire Swift, une messagerie sécurisée qui facilite les transactions de gros montants entre les banques. L'idée n'est pas nouvelle : elle est régulièrement agitée par les « faucons » à Washington.

SWIFT est pourtant une entreprise privée, une coopérative même qui regroupe 11.000 établissements bancaires dans 200 pays. A la manière des virements SEPA en Europe pour les virements, SWIFT joue un simple rôle d'intermédiaire informatique entre deux banques adhérentes, sans opérer le transfert de fonds lui-même. Mais interdire l'accès au réseau SWIFT rendrait difficile, voire impossible, à une banque de mener des transactions internationales et, par conséquent, de financer le commerce international, surtout dans la zone OCDE.

L'administration Biden a déjà brandi cette menace en décembre dernier. Pour autant, personne n'y croit vraiment, tant les conséquences pourraient être imprévisibles pour les deux camps. « Toutes les options sont sur la table mais il ne faut pas s'attendre à voir SWIFT dans le paquet initial », a déclaré, vendredi dernier, Daleep Singh, conseiller adjoint à la sécurité nationale à la Maison Blanche.

Rééquilibrage des rapports de force

En tout cas, Vladimir Poutine a prévu cette éventualité. D'autant que cette sanction avait déjà été évoquée en 2014 lors de l'annexion de la Crimée par la Russie. Elle pourrait même être un argument clé pour défendre sa nouvelle stratégie géopolitique en faveur d'un resserrement des liens entre la Russie et la Chine au détriment de l'Occident.

Le président russe a même évoqué le sujet lors de ses échanges avec le président chinois Xi Jinping le 15 décembre dernier. Il avait alors décrit les relations entre la Russie et la Chine comme « l'exemple d'une coopération au XXIe siècle ». L'idée serait de consolider les multiples accords bilatéraux signés ces dernières années dans des domaines les plus variés (pétrole, gaz, commerce, finance, espace...) par une nouvelle ossature des paiements leur permettant de s'extraire de SWIFT, de la domination des Etats-Unis et, surtout, du dollar.

Ce projet pourrait être d'autant plus dangereux pour l'Occident qu'il doit s'intégrer dans le projet « Belt and Road », ce vaste plan Marshall chinois du XXIe siècle qui doit convaincre les pays d'Asie et d'Afrique à coopérer avec la Chine.

De fait, la fermeture de l'accès à SWIFT pourrait servir de catalyseur pour accélérer le projet commun, régulièrement évoqué par les deux pays, de mettre en place un système financier propre pour favoriser les échanges en yuan et en rouble. Certains observateurs avancent même un lancement avant la fin de l'année.

Émergence d'un Swift russo-chinois

Ce nouveau système ne part pas de zéro. La Russie et la Chine expérimentent depuis plusieurs années leurs systèmes de paiement, avec le réseau SPFS russe depuis 2014 et le réseau CIPS chinois depuis 2016 (qui a d'ailleurs signé un accord de partenariat avec SWIFT ). La bascule ne sera pas aisée car les banques chinoises sont très actives sur SWIFT mais quand le pouvoir a décidé de quelque chose, les acteurs économiques sont obligés de suivre.

Si les principales banques russes et chinoises intègrent un nouveau système, les principales banques des pays qui commercent avec la Chine (ou la Russie) pourraient rapidement emboîter le pas. Cela risque de prendre cependant des années. La suprématie du dollar dans le commerce international n'est pas réellement remise en cause. Et le système financier international est toujours dominé par les grandes banques et les sociétés d'investissement américaines. Enfin, malgré le pétrole et le gaz, la Russie reste un nain économique, avec un PIB à peine supérieur à celui de l'Espagne.

L'enjeu des BRICs

Seule l'adhésion massive des pays émergents, notamment asiatiques, au projet russo-chinois des paiements, concurrent à Swift. D'autres pays, comme l'Iran, toujours sous le coup des sanctions américaines (et qui, coupé de SWIFT, commerce déjà avec la Chine en rials et en yuans), pourraient être intéressés, mais aussi nombre de pays soucieux de se libérer de la tutelle du dollar et de la politique monétaire de la banque centrale américaine (Fed).

La Chine pourrait profiter de sa présidence cette année des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) pour avancer ses pions, alors même qu'elle joue sur plusieurs leviers de coopération commerciale, en Asie du Sud-Est, en Afrique ou en Asie occidentale, en passant par le corridor Chine-Pakistan.

Face à ce gigantesque jeu de go de rééquilibrage géopolitique et du commerce international mené par la Chine, il peut ainsi s'avérer dangereux de couper l'accès de SWIFT aux russes au risque de marginaliser à terme le réseau. C'est pourquoi les Américains restent finalement prudents devant le bouton rouge.

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Commentaires 28
à écrit le 27/02/2022 à 1:56
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au delà des atermoiements justifiés sur le sort des gens innocents pendant une guerre, il n'est pas sain d'humilier les russes sans cesse , l'expansion de l'otan et les manoeuvres aux frontières parfois très agressives de l'otan ne datent pas d'hier ...

à écrit le 25/02/2022 à 7:46
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Russie sans swift, Russie existe toujours. Swift sans Russie, écroulement du système bancaire... internet ( pas pour les paresseux ): le système Swift une arme géopolitique imperialiste

à écrit le 23/02/2022 à 21:22
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Volodymyr Zelenskyy , ancien comédien sans expérience propulsé chef de guerre. Ça ne vous rappelle personne ?.... Mais oui ! Macron l'imposteur mis à la tête de la France de la même manière, par ce clan d'oligarques qui contrôle dans l'ombre. C 'est...

le 27/02/2022 à 6:57
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Bravo, bien dit, exactement celà!. Merci.+

à écrit le 23/02/2022 à 15:52
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Tout est contenu dans cette analyse de A. Daoun, Crise ukrainienne: "deux mondes se font face, l’un vassalisé à Washington et l’autre multipolaire". Qu' ajouter ? Au-delà serait ..gourmandise !

à écrit le 23/02/2022 à 15:33
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La plus grande force de Poutine c'est la faiblesse des européens L’Union européenne s’est révélée paniquée par un virus à faible mortalité et a décidé de sacrifier son économie et ses valeurs libérales. Un tel comportement n’envoie pas une image d...

le 23/02/2022 à 19:42
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@Massaux: Oui, sauf que en Russie il y a eu aussi des confinements, les restrictions sanitaires et la baisse de PIB, mais malgré cela (à cause de la mauvaise organisation et l'ignorance de la population) l'excès de la mortalité depuis le début de la ...

le 24/02/2022 à 15:58
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En Russie les gens sont morts de covid en silence, officiellement y a eu quasiment aucun malade, un très beau pays très courageux. :-) Les européens forts, ça donnerait quoi ? L'Ukraine en UE, surtout JAMAIS (Otan surtout pas mais c'est pas prévu), ...

à écrit le 23/02/2022 à 9:53
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he oui, toute arme est a double tranchant

à écrit le 23/02/2022 à 0:39
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Oui, c'est une arme double tranchante et doit être utilisée au dernier recours et avec une grande prudence. En plus, la fuite des capitaux de la Russie vers l'Occident est très élevée (vers 100 mlrd. dollars par an officiellement, peut-être encore pr...

à écrit le 22/02/2022 à 22:12
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Ce que dit le lanceur d' alertes J. Assange sur les guerres, "les populations ne veulent pas des guerres et nous les avons parce que nous avons un mauvais environnement médiatique", on peut le remplacer par beaucoup d'autres mots, comme les ...

le 23/02/2022 à 12:43
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Casser le thermomètre pour guérir la fièvre? Mouais... Je laisse ça à votre appréciation personnelle, mais beaucoup comprennent pourquoi je ne la partage pas.

à écrit le 22/02/2022 à 21:09
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Y' en a deux qui relèvent la crête sur télé Bouygues et Bolloré, BHL sur LCI et Bauer du grand orient sur cNews et devinez ce qu' ils nous disent? Faut y aller les gars, en restant eux en douzième, ligne comme d' hab !

à écrit le 22/02/2022 à 20:40
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Voilà, les dirigeants occidentaux se sont montés le bourrichon et se retrouvent hébétés : leurs sanctions exemplaires vont leur revenir en pleine figure comme un boomerang (pas de gaz, pas de métaux rares, pas de ventes de voitures...) et elles ne fe...

à écrit le 22/02/2022 à 20:37
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Tout ce merdier ,pour nous vendre leur gaz .Le problème c'est le gazoduc entre les USA et l'Europe ,il n'existe pas ! Il faut rendre liquide le gaz et le transporter par méthanier .Va t'on avoir de la taxe carbone dessus ? Le citoyen va être obligé d...

à écrit le 22/02/2022 à 20:00
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Je vous recommande chaudement la lecture de l' article "Crise ukrainienne: "deux mondes se font face, l’un vassalisé à Washington et l’autre multipolaire"". Thomas Flichy de La Neuville, chercheur en relations internationales : "L’arme des s...

le 03/03/2022 à 22:55
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Les populations Des pays européens subissent l 'infeodation de leurs dirigeants, leurs représentants, leus médias aux intérêts capitalistes sans limites.

à écrit le 22/02/2022 à 19:29
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"En reconnaissant les républiques séparatistes de l'est ukrainien, Poutine ne fait que rendre la pareille à l'OTAN, qui a organisé le démembrement de la Yougoslavie ( ou du Soudan, etc... ). LA FRANCE, QUI A RECONNU LE KOSOVO EN 2008, ...

le 23/02/2022 à 0:35
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@gédéon: Je ne comprends pas le but de vos messages si ce n'est pas pour faire croire à tous que F. Asselineau et ses sbirs sont achetés par Poutine. D'ailleurs, il est bien connu que la Russie a cherché les agents d'influence dans la politique europ...

le 23/02/2022 à 1:23
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@ ex moscovite : nous n'avons pas besoin de recevoir en France tous les rejetons anti-Poutine de Russie... on a déjà goûté ce genre de "transfuges" pendant la guerre froide. De sacrés hypocrites se faisant mousser à l'ouest pour prendre des places......

le 23/02/2022 à 9:00
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F;Asselineau???? La seule trace de ce type c'est quelques affiches collées anarchiquement qui se décomposent trop lengtement et enlaidissent le paysage. Quant à ses idées, il en a ? Assez Lino Cordialement . . .

le 23/02/2022 à 19:15
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@Mougeon Comme vous portez bien votre nom. Marrant d' apprendre il y a 4 jours qu' AFP Factuel! ait confié tous les programmes à l' expertise de juristes. Devinez quoi ? Ils viennent de signifier et sans appel que les pro...

à écrit le 22/02/2022 à 19:28
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On aimerait que les politiques et élus (y compris européens) se calment un peu...

à écrit le 22/02/2022 à 18:18
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Avec Poutine, il ne faut rien annoncer. En ce qui concerne Swift ou d'autres services et échanges avec la Russie, il ne faut pas les couper, mais les ralentir, les perturber et ensuite discuter ( discutailler), dire que ce sont des erreurs, qu'il fa...

le 23/02/2022 à 1:26
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pourquoi ? Ca vous amuse de savoir que les bombardements avaient repris contre le civils du Donbass depuis 10 jours ? Que faire quand un état bombarde son propre peuple ? Il fallait bien que quelqu'un fasse quelque chose. Heureusement que Poutine a p...

à écrit le 22/02/2022 à 17:58
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une farce

le 22/02/2022 à 18:14
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Vous avez une autre solution à proposer ?

le 22/02/2022 à 18:45
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Lui annuler son RIB pour l'effrayer un peu plus ...

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