LCL poursuit sa mue numérique pour dessiner la banque « urbaine » de demain

La filiale du Crédit Agricole veut devenir un agrégateur de services en tout genre pour répondre aux besoins de ses 6 millions de clients en ville. Et mobilise à cet effet startups et collaborateurs.
Juliette Raynal
Le 15 mai dernier, au siège de LCL, 140 jeunes pousses ont exposé leurs applis pour « faciliter la vie dans la ville de demain ».
Le 15 mai dernier, au siège de LCL, 140 jeunes pousses ont exposé leurs applis pour « faciliter la vie dans la ville de demain ». (Crédits : Reuters)

Une balise connectée pour localiser un vélo volé, un site pour aider les étudiants étrangers dans leur installation en France, un service de rénovation d'appartement, un module de formation intégré dans l'écran d'accueil du smartphone... Le temps d'une journée, le siège historique du LCL, situé au 19 boulevard des Italiens à Paris, s'est transformé en un véritable temple de l'innovation. La banque de détail, rachetée par le groupe Crédit Agricole en 2004, y a organisé un événement entièrement dédié aux startups. De part et d'autre du grand atrium, 140 jeunes pousses se sont relayées sur deux scènes pour pitcher leur solution en trois minutes et la confronter au regard critique des 1500 clients, collaborateurs et investisseurs attendus pour l'occasion, dans l'espoir de décrocher un partenariat commercial avec la banque. « L'objectif de cette journée est de créer un bouillonnement. C'est de faire en sorte que les startups nous amènent des projets, de la contradiction, de l'innovation et nous titillent. Je suis convaincu qu'en la matière il faut mixer des talents, des compétences, des jeunes, des vieux, des femmes et des hommes. Il faut s'ouvrir sur le monde », confie Michel Mathieu, directeur général de LCL, galvanisé par l'énergie ambiante.

Pour l'ancien Crédit lyonnais, cette initiative, par sa taille et sa médiatisation, est une première. Contrairement aux autres banques, LCL avait jusqu'à présent très peu communiqué sur sa stratégie innovation et sur ses relations avec l'écosystème des startups pendant que sa maison mère ouvrait une trentaine de pépinières d'entreprises, baptisées Village by CA. Ces dernières années, l'établissement avait d'autres priorités. En raison de son activité de pure banque de détail, LCL a souffert de l'environnement de taux bas et a dû mener plusieurs plans d'économies. Malgré cette discrétion, l'établissement bancaire, qui compte 6 millions de clients particuliers, presque autant que BNP Paribas (6,6 millions), n'est pas resté à l'écart de ce gisement d'innovations. « Nous avons déjà plusieurs expériences significatives avec les startups », se targue Michel Mathieu.

Miser sur la créativité interne

Les exemples concrets ne manquent pas et participent aussi bien à l'enrichissement des services destinés aux clients particuliers qu'à ceux dédiés aux entreprises (une ETI sur deux en France est cliente du LCL) ou aux clients banque privée. LCL a ainsi intégré la technologie du français Recast. AI, spécialisé dans le développement de chatbots et racheté par l'éditeur allemand SAP, pour permettre à ses clients de prendre directement rendez-vous avec un conseiller en agence depuis l'appli mobile LCL Mes Comptes. Depuis quelques mois, LCL propose à ses ETI clientes d'être mises en relation avec des startups préalablement sélectionnées par la jeune pousse Early Metrics, qui a créé une grille de notation, pour les accompagner dans un projet de transformation. En septembre dernier, LCL a également lancé, en partenariat avec Omnes Capital, un fonds permettant à ses clients banque privée d'investir dans des startups matures, mais non cotées.

Dans un tout autre domaine, celui de sa propre transition énergétique, la banque a fait appel à Deepki, qui a recensé toutes les dépenses énergétiques générées par ses 1 700 agences et nombreux sites. « Mais parfois les collaborations avec les startups ne fonctionnent pas car le passage à l'échelle auprès de 6 millions de clients peut être compliqué », reconnaît toutefois Orli Hazan, directrice de la stratégie, de la transformation et de l'innovation de LCL. Quid d'un incubateur de startups ou d'un fonds de corporate venture pour structurer ces collaborations, à l'image de ce que font ses concurrents ? « Nous aussi nous disposons de ces outils d'innovation, au niveau du groupe », rétorque Michel Mathieu. « Le groupe recense toutes les startups qui sont dans la trentaine de Villages by CA et nous bénéficions de tous leurs retours d'expérience », raconte Orli Hazan.

Ainsi, grâce à l'investissement de Crédit Agricole dans la startup Linxo, spécialisée dans l'agrégation de comptes bancaires, l'ex Crédit lyonnais a pu intégrer cette fonctionnalité au sein de l'appli mobile LCL Mes Comptes. En parallèle de cette ouverture sur le monde des startups, la banque capitalise aussi sur la créativité interne. Il y a deux ans et demi, 6 000 collaborateurs ont partagé leur vision de « LCL demain ». « C'est avec ces collaborateurs que nous avons co-construit notre projet d'entreprise LCL demain, qui nous a amenés, entre autres, à revoir le positionnement de la marque. Notre nouvelle campagne de communication c'est : Ma vie, ma ville, ma banque. Cela nous a amenés à réaffirmer le rôle central de l'agence avec le digital », explique le patron de LCL. La banque a aussi lancé un programme d'intrapreneuriat.

Le digital au centre de l'expérience client

Une pratique déjà adoptée par d'autres établissements comme Société Générale, dont le vaste appel à projets a donné naissance à 60 startups internes. « Nous avons mis en place ce dispositif il y a moins de six mois et nous n'avons pas encore le recul nécessaire pour en tirer des enseignements. L'objectif, c'est de travailler en intelligence collective. Je pense que c'est avec les experts, les startups et les collaborateurs que nous pourrons inventer la banque de demain », avance Orli Hazan. La banque de demain, voici justement comment Michel Mathieu la conçoit : « Nous imaginons la banque comme un agrégateur de nouveaux services pour les urbains. Des services bancaires mais pas uniquement. Ils devront néanmoins avoir un lien avec notre coeur d'activité et nos compétences. »

Parmi ces services extrabancaires, LCL entend explorer les univers de l'immobilier, des professions libérales ou encore des étudiants. Face au développement des néobanques et à l'offensive des acteurs traditionnels, comme l'offre 100 % mobile Ma French Bank de La Banque Postale (voir numéro 292), qui ciblent spécifiquement les 18-35 ans, LCL s'emploie à démontrer qu'elle est à la page. « Nous sommes au moins aussi digitaux, sinon plus, que les néobanques. Avec notre application, vous pouvez faire un virement, bloquer et débloquer votre carte, moduler le plafond de votre carte bancaire, prendre un rendez-vous avec votre conseiller, visionner tous vos contrats d'assurance, passer vos ordres de Bourse, agréger vos comptes, et vous aurez le paiement instantané dans quelques mois », énumère Michel Mathieu.

Séduire les jeunes actifs

Il n'empêche que cette nouvelle concurrence a poussé LCL à réagir. La banque a lancé il y a quelques jours une nouvelle offre qui cible les jeunes actifs, LCL Essentiel, commercialisée 2 euros. La Banque espère séduire 20000 utilisateurs la première année. Sur la banque digitale, LCL pense faire la différence grâce à son positionnement très urbain, qui peut séduire les jeunes, dont beaucoup vivent en ville. « On devrait avoir un taux d'équipement plus important que d'autres groupes, y compris La Poste », espère le patron de LCL.

Pour fidéliser ses clients et en conquérir de nouveaux, la banque investit plus massivement. « Depuis deux ans, nous avons augmenté nos investissements de plus de 40 %, notamment dans le digital », indique Michel Mathieu. Plusieurs millions d'euros sont ainsi consacrés chaque année à sa transformation numérique. Cette stratégie semble porter ses fruits. Au premier trimestre, LCL a enregistré une conquête nette de 18900 nouveaux clients particuliers et professionnels.

EN CHIFFRES

18.900. Le nombre de nouveaux clients particuliers et professionnels conquis par LCL au 1er trimestre 2019.

Juliette Raynal

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Commentaire 1
à écrit le 07/06/2019 à 11:53
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Avec une banque numérique, c'est plus facile d'effacer les fichiers d'affaires frauduleuses. Pas comme avec les archives de "Le-Crédit-Lyonnais" qui s'enflammaient si facilement !

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