« Le capital-investissement doit être exemplaire en matière de mixité » Dominique Gaillard, France Invest

Acteurs clés du financement des entreprises non cotées en Bourse, les fonds de private equity, bastion historiquement très masculin, malgré quelques exceptions, doivent se plier à de nouvelles obligations légales et veulent recruter dans les postes clés. Le président de l'association professionnelle France Invest, Dominique Gaillard, nous dévoile ses initiatives.
Delphine Cuny
La priorité de Dominique Gaillard (en photo), PDG de France Invest, est d'améliorer l'image de la profession.
La priorité de Dominique Gaillard (en photo), PDG de France Invest, est d'améliorer l'image de la profession. (Crédits : Eric Piermont / AFP)

LA TRIBUNE - Le private equity a la réputation d'un métier très masculin. Est-ce toujours le cas ?

DOMINIQUE GAILLARD - Nous réalisons depuis huit ans un baromètre de la mixité dans le capital-investissement avec le cabinet Deloitte. Dans l'ensemble, les femmes représentent 39 % des effectifs. Il y a beaucoup de femmes en middle et back-office et sur les fonctions support (60 % à 84 %), la communication, le juridique, les relations investisseurs, mais en front-office, dans les équipes d'investissement, la part des femmes se situe à 22 % et stagne depuis quelques années. Et quand on regarde au niveau managing director (associé gérant) et membre du directoire, il n'y a quasiment plus de femmes.

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Sur les 317 membres de France Invest, nous avons recensé moins de dix femmes dirigeantes de leur structure. Partant de ce constat, nous avons lancé une série d'initiatives. Tout d'abord, nous avons voulu sensibiliser nos membres à certaines obligations légales qui ont pu passer inaperçues. Je leur ai adressé un courrier en ce sens début septembre. La loi Pacte impose notamment au moins une candidature de chaque sexe dans le processus de sélection des mandataires sociaux et des membres du comité exécutif (comex). Les entreprises d'au moins 50 salariés vont devoir publier leur index d'égalité salariale, défini par la loi Pénicaud, au 1er mars 2020, c'est déjà le cas de celles de plus de 250 salariés au 1er septembre. Nous allons donc avoir besoin de femmes, issues des équipes de nos fonds, à proposer au conseil d'administration et de surveillance des entreprises de nos portefeuilles. Il n'est pas exclu que de nouvelles mesures plus coercitives viennent par la suite imposer un système de quotas sur la proportion de femmes dans les comex. Il faut donc passer la vitesse supérieure.

Quelles sont vos initiatives au-delà du rappel des obligations légales ?

Une de mes priorités est d'améliorer l'image du capital-investissement. Nous voulons que notre profession soit exemplaire sur le sujet de la mixité, qui est un enjeu central de notre démarche ESG [critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, NDLR], domaine dans lequel le capital-investissement français est en avance par rapport au private equity britannique ou américain.

Nous avons imposé depuis cet été de ne pas organiser de conférences où il n'y aurait pas au moins une femme dans chacune des tables rondes. Nous avons aussi pour objectif d'atteindre la parité au conseil d'administration de France Invest, qui ne compte que 4 femmes sur 14 membres, d'ici à juin 2021.

Nous venons aussi de créer les Grands prix des jeunes talents féminins du capital-investissement, qui s'adressent non pas aux femmes déjà arrivées à des postes à responsabilité mais à celles qui vont buter sur le plafond de verre dans quelques années. Nous avons reçu plus de 60 candidatures et remettrons le 28 novembre ces prix destinés à mettre en avant ces femmes de qualité et le fonds qui a réalisé le plus d'effort en faveur de la mixité. Nous avons demandé à l'économiste Anne Boring, spécialiste de l'analyse des inégalités femmes-hommes dans le monde du travail et responsable de la Chaire pour l'entrepreneuriat des femmes de Sciences Po, de venir partager ses travaux sur les biais conscients et inconscients dans les mécanismes de sélection à l'université, dans l'industrie ou la finance. La marraine de cette première édition est Mercedes Erra, présidente exécutive d'Havas Worldwide.

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Quels sont les freins à la présence des femmes dans votre secteur ?

Dans notre métier, on a tendance à perdre les jeunes femmes à l'arrivée du premier enfant. Le retour peut être difficile, du fait du rythme de travail : on fait encore souvent des réunions à 18 heures. Et nous ne recrutons pas assez de femmes. Le private equity a la cote dans les écoles, mais il souffre auprès des jeunes femmes d'une image proche de celle de la banque d'affaires où l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est très difficile à préserver.

Propos recueillis par Delphine Cuny

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Retrouvez les autres articles de notre dossier spécial Femmes dans la finance dans La Tribune Hebdo n°306 disponible depuis le vendredi 18 octobre 2019 en kiosques (version papier) et sur notre site (en version numérique).

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Delphine Cuny

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Commentaire 1
à écrit le 04/11/2019 à 20:28
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les fonds de private equity, bastion historiquement très masculin (a mon avis il faut ajouter d'autres adjectifs qualificatifs) parce que masculin je ne me sent pas concerné, par ce problème, en passant du temps en scandinavie, disons c'est le prob...

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