La faillite de Suntech, une ombre sur le secteur solaire

La chute de Suntech Power le 20 mars dernier a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le ciel du solaire mondial. Mais ce n'est ni la première, ni la dernière des banqueroutes de ce secteur, malgré des perspectives qui restent au beau fixe.
Devant le siège de Suntech, situé à Wuxi, dans la province de Jiangsu. Copyright Reuters

Elle a beau avoir été précédée de signes avant-coureurs, la faillite de Suntech Power n'en a pas moins fait l'effet d'une déflagration. A cela, plusieurs raisons : jusqu'à peu, Suntech n'était rien de moins que le leader mondial du secteur. Mieux, l'emblème de la domination chinoise sur le marché international, accusée d'avoir entraîné ces deux dernières années la chute de nombreuses entreprises occidentales, notamment allemandes et américaines.

Une chute qui suscite les interrogations

La faillite d'une société chinoise, en tant que telle, est d'ailleurs suffisamment rare pour susciter des interrogations, quand on a si souvent vu les autorités voler au secours des acteurs nationaux. Enfin, elle intervient sur un marché - national mais aussi mondial - dont les perspectives, en termes de potentiel de ventes, n'ont jamais été aussi radieuses.

Fondé en 2001 par Shi Zhengrong, surnommé "le Roi soleil", l'homme le plus riche de Chine en 2006, Suntech était coté à la Bourse de New-York depuis 2005 et a régné sur le marché mondial jusqu'en 2011, avant d'être supplanté par son compatriote Yingli. Des investissements massifs lui ont permis de construire une capacité de production de pas moins de 2,4 gigawatts (GW).

Une capacité de production multipliée par 10

Suntech a ainsi largement contribué à la situation de surcapacité dont souffre le marché mondial depuis quelques années. En 2012, la capacité de production globale atteint les 50 gigawatts (GW) quand les nouvelles installations solaires de l'année ne représentent que 31 GW. Avec le soutien massif du gouvernement, en Chine même (80 % de la production mondiale), cette capacité de production a été multipliée par 10 de 2008 à 2012. Avec pour conséquence un effondrement des prix de 75 % sur cette période, et la faillite de dizaines de fabricants occidentaux, dont les plus emblématiques des acteurs allemands et américains.

Doutes sur le secteur aux Etats-Unis

La chute de l'américain Solyndra à l'automne 2011, qui avait bénéficié de prêts garantis par le département à l'énergie, a fait du bruit outre-Atlantique en jetant le doute sur le bien-fondé du soutien apporté au secteur par l'administration Obama. L'allemand Q-Cells, longtemps leader de l'industrie solaire en Europe, devenu la coqueluche des marchés financiers, a été repris l'année dernière par le conglomérat coréen Hanwha.

Plus récemment, Siemens (qui ne fabriquait pas de panneaux), mais aussi Schott et, il y a quelques jours seulement, Bosch, se retiraient du solaire. Ce dernier cherche un repreneur à son usine de Vénissieux qu'il avait reconvertie il y a un an en y investissant 25 millions d'euros. En Chine même, de nombreuses entreprises largement inconnues en occident, ont disparu ces derniers temps.

Vaste consolidation en vue

Mais Suntech ? Accablé de dettes, victime il y a quelques mois d'une escroquerie de son partenaire Global Solar Fund (GSF), l'ex-numéro un mondial avait évincé son charismatique fondateur, aujourd'hui frappé par une interdiction de quitter le territoire. La semaine dernière, en défaut sur une dette obligataire de 541 millions de dollars, Suntech a été acculé à la faillite par huit banques publiques. Le conglomérat financier Wuxi Guolian Futures va injecter dans l'usine de Wuxi les sommes nécessaires pour continuer de faire travailler ses 10.000 ouvriers, sur les 20.000 que compte le groupe.

Les Chinois gonflent leurs chiffres d'affaires

Comment en est-on arrivé là ? Pour emblématique qu'elle soit, cette chute ne fait que confirmer l'immense mouvement de restructuration qui s'amorce. Dans une étude parue en décembre dernier, la banque Sarasin prédisait la disparition d'ici à 2015 de 40 % des 300 entreprises du secteur par faillite ou reprise par un concurrent. Montrés du doigt pour leur rôle dans la crise mondiale que traverse le secteur, les Chinois sont peut-être en réalité les plus fragilisés. Ayant consenti de lourds investissements pour développer leurs capacités de production, ils ont continué de les exploiter, quitte à vendre à perte, gonflant ainsi leur chiffre d'affaires pour continuer de bénéficier de très avantageuses subventions locales. Mais sans parvenir à compenser la baisse des prix par une hausse suffisante des volumes.

Surtout lorsque, à l'instar de Suntech qui y réalisait 75 % de son activité, ils sont restés trop dépendants des marchés occidentaux frappés par la crise, la baisse des subventions, et plus récemment, la montée du protectionnisme. Après les Etats-Unis, qui ont imposé des taxes à l'importation d'environ 40 % sur les panneaux chinois en mai dernier, l'Europe à son tour a engagé une enquête pour dumping et vient de décréter l'enregistrement des panneaux chinois avec effet rétroactif, avant, sans doute de leur appliquer des droits de douane.

Forte croissance en perspective... en Chine

Parti le premier, le leader avait bâti son modèle sur le potentiel de marchés occidentaux soutenus par de juteuses subventions mais il n'a pas su basculer assez rapidement vers le marché domestique. D'autres chinois n'ont pas commis cette erreur : ainsi JA Solar réalise déjà 56 % de son activité sur le sol chinois, et Jinko Solar 50 %. Or, ce marché est en passe de devenir, et de loin, le plus important au monde. Avec un objectif 2013 en hausse de 75 %, à 7,9 GW contre 4,5 GW en 2012, le pays a entamé sa marche vers l'objectif fixé par son douzième plan quinquennal : 40 GW à l'horizon 2015, soit une multiplication du marché par cinq. Mais ces perspectives ne se limitent pas à la Chine. Tous les observateurs et les acteurs qui espèrent en sortir gagnants le claironnent à l'unisson, les survivants du secteur sont promis à un avenir radieux.

L'Europe risque de stagner

L'effondrement des prix a rendu les projets de plus en plus rentables et, dans les régions les plus ensoleillées (Californie, Espagne, etc.), l'énergie solaire est d'ores et déjà compétitive avec l'énergie conventionnelle.  De 5 GW en 2005, les capacités installées taquinent les 100 GW en 2012, et d'aucuns anticipent 450 GW en 2020...
Si l'Europe risque de stagner ces prochaines années, les experts du cabinet Grant Thornton misaient il y a un an sur une croissance annuelle de + 42 % en Amérique du Nord et + 20,5 % en Asie-Pacifique pour la période 2011- 2016. Les groupes Coréens et Taïwanais, aujourd'hui non concernés par les taxes américaines et européennes à l'importation et qui bénéficient de coûts bas, pourraient tirer les marrons du feu.

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