Dossier Thales-Safran : le ministère de la Défense hausse le ton

L'hôtel de Brienne bloque la quasi-totalité des contrats de ces deux groupes industriels, après l'échec de leurs négociations sur des échanges d'actifs.

Le ministère de la Défense s'est engagé dans un vrai bras de fer avec les industriels Thales et Safran. L'hôtel de Brienne a réagi avec beaucoup plus de fermeté que prévu après l'échec des discussions entre les deux groupes destinées à échanger de façon rationnelle certaines de leurs activités (optronique, navigation inertielle, calculateurs).

Au départ, il était question de geler les marchés de recherche et technologie concernant ces métiers - soit quelques dizaines de millions d'euros pour les deux entreprises - pour les contraindre à revenir à la table des négociations avec de meilleurs sentiments. Mais la Direction générale de l'armement (DGA) est allée bien au-delà de la menace initiale. Il faut dire que le ministre Hervé Morin a très peu goûté, c'est peu de le dire, le refus de Thales de ne pas donner suite aux discussions avec l'équipementier aéronautique pour participer à cette consolidation de l'industrie de défense. "S'ils ne veulent pas bouger, c'est qu'ils n'ont pas besoin d'argent public", avait-il expliqué mi-juin dans une interview à "La Tribune". Le ministère tient à son opération de consolidation des activités d'optronique et de navigation inertielle, sa priorité.

Une seule entorse

Selon des sources concordantes étatiques et industrielles, la quasi-totalité des contrats entre la DGA et les deux groupes sont à ce jour bloqués. Thales, dépendant de la commande publique, notamment des marchés de défense, est beaucoup plus touché par ces mesures drastiques que Safran, dont le volume d'affaires avec le ministère de la Défense est largement inférieur. Le montant cumulé des commandes qui ne seront pas passées en 2010 s'élèvera à 300 millions d'euros pour les deux groupes, selon une source proche du dossier.

Le groupe d'électronique, qui a déjà certaines de ses commandes suspendues, pourrait avoir à terme 135 contrats gelés au total, y compris des contrats de fabrication et de maintenance, assurent des sources concordantes. Ce qui équivaudrait à près d'une année de contrats signés avec la DGA. Le groupe présidé par Luc Vigneron vivrait mal cette mesure imposée par la DGA, elle-même soutenue par le ministre. "Tout est bloqué. Luc Vigneron s'est fâché avec son premier client qui est aussi son actionnaire, c'est n'importe quoi. Nous allons à la catastrophe. La situation ne peut pas durer ", regrette-t-on au sein du groupe.

Thales a bien tenté de faire intervenir Bercy, qui s'est ému de cette "punition", et Matignon pour infléchir la fermeté d'Hervé Morin. En vain jusqu'ici. Le ministère a tenu bon, rappelant qu'en tant que client il avait le droit de ne pas signer de contrats avec Thales. Seule entorse à cette fermeté, l'urgence opérationnelle de certains contrats destinés aux soldats français engagés en Afghanistan en particulier, et en opérations extérieures, en général. "La DGA relâche au compte-goutte les contrats les plus urgents", confirme-t-on chez Thales.

Chez Safran, qui s'est lancé dans un processus d'approche avec Zodiac, le bras de fer avec le ministère est vécu de façon plus sereine. "Le groupe est moins puni, car moins exposé", assure-t-on chez Thales. Ce qu'on confirme en interne chez Safran : "Nous ne sommes pas traumatisés, l'impact n'est pas considérable." En revanche, le groupe "s'y prépare". Même si, précise-t-on, les activités d'optronique de Safran ne sont pas liées à de grands programmes français ou concernent les urgences opérationnelles, à l'image des équipements de fantassins (Felin) ou des drones.

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