MISTRAL : DCNS va répondre à l'appel d'offre russe à la fin du mois

Dans un entretien publié ce vendredi par "La Tribune", Patrick Boissier, le PDG de DNCS se montre plutôt confiant sur les dossiers qui font l'actualité du groupe naval militaire : rationalisations industrielles, grand export, perspectives financières ...

Le marché export dans le naval est-il en train de changer ?

Les Marines sont intéressées par nos produits mais elles ne veulent pas simplement acheter un navire. Elles veulent savoir comment il va vivre tout au long de sa vie, comment on peut les aider en matière de support, d'entretien, de logistique et de formation des équipages. Elles demandent aussi une aide à la conception et la réalisation d'une base navale ou d'un chantier naval de construction. DCNS est le seul industriel du naval dans le monde à disposer d'une gamme intégrale de produits et de services. Notre groupe est capable d'offrir à nos clients de couvrir l'intégralité de leurs besoins depuis le début de la conception des navires jusqu'au support tout au long de la vie des navires.


Allez-vous répondre à l'appel d'offre russe avec le bâtiment de type Mistral ?
Nous allons répondre d'ici à la fin du mois à un appel d'offre, qui a été également envoyéà d'autres concurrents. Il faut se monter patient car dans ce genre de dossier, les négociations prennent du temps.

Au Brésil, avez-vous répondu à une demande d'information de la Marine qui veut se doter de bâtiments de surface ?
Oui effectivement, la Marine brésilienne a besoin d'OPV, de frégates et de pétroliers. Ils ont un besoin comme dans beaucoup d'autres pays tels que par exemple la Malaisie, Singapour, la Thaïlande, etc..

Avez-vous des inquiétudes avec l'arrivée des Etats-Unis à l'exportation dans le domaine des navires de surface ?
Technologiquement les Américains sont des concurrents redoutables. Mais à la différence de ce qui se passe dans l'aéronautique, ils ne sont pas aussi compétitifs dans la construction navale. Ils ont des produits très sophistiqués - peu de marines peuvent les mettre en service - et très chers. Avec la frégate LCS, ils ont voulu faire un produit moins cher mais on voit bien aujourd'hui que ce programme se complexifie de plus en plus et que son coût augmente. Je ne suis pas sûr qu'ils ont un produit de série facile à vendre. Je suis plus soucieux sinon inquiet de faire face à la potentielle arrivée des Coréens ou Chinois qu'à la concurrence des Américains.

Quels sont vos objectifs en matière de grand export ?

Dans notre plan de compétitivité ChampionShip, nous avons l'ambition de devenir le leader mondial dans dix ans dans le domaine de l'exportation des systèmes navals. Sur ce marché accessible - hors Chine, Etats-Unis, Europe et Russie -, nous visons essentiellement l'Asie du Sud-Est, le Moyen Orient et l'Amérique latine, des régions où les Marines sont désireuses de se doter de produits évolués mais où il n'y a pas encore de fabricants locaux.

Quel est votre diagnostic sur la consolidation européenne ?

Mon diagnostic est double et il est contradictoire. La construction navale européenne est très fragmentée par rapport à celle des Etats-Unis. Il est clair que l'Europe n'est certainement pas à l'optimum de l'efficacité de la dépense en matière de défense navale avec quatre programmes de frégates différents, trois de torpilles et trois de sous-marins. Alors qu'elle a clairement le leadership sur l'exportation, elle va affronter de nouveaux entrants, notamment les pays qui sont en train de développer une nouvelle industrie navale comme le Brésil et l'Inde mais aussi la Corée et la Chine. La fragmentation européenne est à la fois une source d'inefficacité en terme de dépenses et une source de faiblesse vis-à-vis de concurrents potentiels futurs.

N'y a-t-il donc pas urgence à la réaliser ?
C'est mon second constat. La construction navale - civile ou militaire - est une industrie qui ne se rationalise pas naturellement. Contrairement à toutes les autres industries, aucun des leviers classiques de rationalisation naturelle ne fonctionne dans le naval. De plus, dans la construction navale, il existe au moins deux freins. La construction navale est une industrie de main d'?uvre concentrée au même endroit car le maître d'?uvre ainsi et ses sous-traitants travaillent sur le navire contrairement à l'automobile ou à l'aéronautique où les sous-traitants ne sont pas sur place. C'est un frein social et politique : on ne ferme pas facilement un site de construction navale. Deuxièmement, cette industrie est une industrie de souveraineté. Chaque pays, qui peut encore se la payer, veut garder cette industrie.

DCNS est-il en ordre de marche pour jouer un rôle dans la consolidation ?

Nous estimons qu'il y aura une rationalisation un jour ou l'autre en Europe ne serait-ce sous la pression de la contrainte budgétaire. Nous voulons être prêts à jouer un rôle dans cette consolidation. Nous voulons jouer un rôle d'acteur mais pas un rôle de sujet. Pour cela, nous voulons être parmi les meilleurs et donc être une industrie encore plus performante et avoir une taille plus importante.

Avez-vous des pistes de consolidation ? Les chantiers polonais ?

Les Polonais ne sont pas aujourd'hui des concurrents dans le domaine du naval de défense à l'exportation. Il est clair que les Polonais ont un besoin en matière de sous-marins et DCNS s'y intéresse. Dans ce cadre-là, DCNS est prêt à travailler avec un chantier local. Sous quelle forme ? Coopération ou participation capitalistique dans un chantier local ? Ce n'est pas une question d'actualité. Mais si les Polonais confirment leur volonté d'acheter des sous-marins, ils voudront qu'ils soient construits en grande partie dans leur chantier.

Avez-vous des pistes en matière de coopération franco-britannique ?
DCNS peut travailler avec l'industrie britannique comme on peut travailler avec l'industrie allemande ou italienne. Mais je ne sais pas encore quelles orientations seront prises en matière de coopérations opérationnelles entre la France et la Grande-Bretagne sur les sous-marins, les porte-avions, les frégates ou autres. La coopération opérationnelle ne se traduit pas encore par des projets industriels communs. Si les Britanniques veulent doter leur porte-avions de catapultes par exemple, il y a deux pays qui peuvent les faire, les Américains ou les Français.

Quel est le regard de votre actionnaire Thales sur DCNS ?

DCNS a un actionnaire qui détient 25 % de son capital et qui a une option pour monter à 35 % jusqu'au 31 mars 2012. A ma connaissance, Thales n'a pas encore exprimé sa volonté de faire ni quand il allait faire. J'ai invité MM Vigneron et Edelstenne à visiter un certain nombre de sites de DCNS. Il est bon que nos actionnaires connaissent bien nos sites. L'un comme l'autre ont pu découvrir DCNS et son très haut niveau de technologies ainsi que son potentiel.

Quel est votre bilan économique et financier pour 2010 ?

DCNS va faire une nouvelle très belle année en prises de commande grâce notamment avec la commande du Brésil. Le groupe va dépasser les cinq milliards d'euros. En matière de chiffre d'affaires, nous sommes dans la tendance de nos prévisions avec un chiffre d'affaires en hausse. Le résultat va continuer à être au niveau attendu.

Le nucléaire est-il en adéquation avec votre attente ?

DCNS a commencé à développer un vrai business. Nous avons déjà quelques dizaines millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous avons l'ambition de passer à quelques centaines en développant notre capacité à être des maîtres d'?uvre de sous-ensembles dans une centrale nucléaire, à réaliser un certain nombre d'équipements complexes et à faire des prestations d'ingénierie ou d'entretien.

En matière de services ?
Les services représentent déjà une part importante de notre chiffre d'affaires avec environ un volume de 1 milliard d'euros par an. Nous voulons les développer sur différents axes : le Maintien en condition opérationnel (MCO) à l'exportation, la formation, l'exploitation et la maintenance de des bases de défense et des chantiers de construction navale. Nous avons une offre complète en matière de services.

Avez-vous des inquiétudes sur la nouvelle avarie du porte-avions Charles-de-Gaulle ?
Non. Il y a rien de grave dans cet incident. Nous avons une propension extraordinaire à faire de l'autodérision en France sur le Charles-de-Gaulle alors que c'est un bâtiment absolument remarquable et d'une complexité extraordinaire. Le Charles-de-Gaulle reste une réussite. Il va partir pendant quatre mois pour l'Afghanistan. Il est normal avant qu'il parte que la Marine s'assure de son bon fonctionnement..
 

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Commentaire 1
à écrit le 23/12/2010 à 11:45
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FAUT PAS REVER L'avenir que nous promet le Président de DCNS peut faire réver.Mais ce rève n'est-il pas un cauchemar pour ceux qui se souviennent qu'avant d'être à la tête du constructeur militaire notre héros occupa celle des Chantiers de l'Atlanti...

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