Aéronautique : à quoi ressemblera l'usine du futur ?

Les briques technologiques existent et les concepts font leurs preuves, pourtant la France accumule du retard en matière d’usine du futur. Pourtant dans la région Aquitaine, de nombreuses entreprises de l’aéronautique ont prouvé que la France pouvait être exemplaire.
Vue aérienne de l'usine Turbomeca à Bordes.

A quoi ressemblera l'usine du futur ? A chacun sa définition ; seule réelle certitude, elle combinera plusieurs facteurs : fort développement de la robotique et du numérique, alliance entre les hommes et les machines, explosion de nouveaux process de fabrication telle que l'impression 3D, apport des outils de simulation et des interfaces immersives, de la connectivité entre les machines, des outils de diagnostics... Sans oublier une organisation des chaînes repensée, des espaces de travail favorisant l'innovation collaborative, etc.

Voilà pour ce vaste portrait-robot. L'usine du futur, tout le monde en parle ou presque, et chacun a son idée sur la question, espérant gagner en compétitivité. Ainsi, le « plan de progrès » d'Airbus vise à réduire de 50% les temps de cycle et les coûts dans ses usines d'ici à 2030. Et de 80% son taux de non-qualité... et d'absentéisme.

Spécialiste des aérostructures

L'Aquitaine compte quelques entreprises en pointe sur le sujet. C'est par exemple le cas de Potez, sous-traitant de rang 1. Le groupe spécialiste des aérostructures, installé à Aire-sur-l'Adour dans les Landes, a lourdement investi - les chiffres restent secrets - pour gagner en compétitivité. Allant jusqu'à développer en interne une partie des composants de sa chaîne robotique, faute de pouvoir les trouver dans le commerce. Mais le plus beau fleuron reste sans conteste Turbomeca.

Niché à Bordes dans le Béarn, le site principal de cette filiale du groupe Safran et leader mondial des turbines d'hélicoptère, fait figure d'exemple. En optant pour une usine ultra-moderne, la compétitivité a doublé.

En avance sur les pays à bas coûts

Si les gains à attendre semblent élevés, force est pourtant de constater que l'ère des machines ne semble pas pour tout de suite. Longtemps en charge du dossier « Usine du futur » au pôle de compétitivité aéronautique, espace et systèmes embarqués Aerospace Valley, qui couvre l'Aquitaine et Midi-Pyrénées, aujourd'hui président de ce pôle, Patrick Desiré balaie les craintes d'un revers de main :

« L'industrie du futur, ce n'est pas de la robotisation à l'extrême. Les concepts d'usines entièrement automatisées qu'on rencontre parfois n'ont pas forcément pour vocation à être traduits dans la réalité.

Comme les concept-cars dans l'automobile,  le but recherché est le même : fixer des idées, montrer leur cohérence et les communiquer. Je pense même que les dirigeants ont au contraire pris conscience que le salarié, son intelligence, son expérience, doivent être au cœur du dispositif.

Ce n'est pas un simple élément de langage dans leur bouche. J'imagine mal la fabrication d'un bateau, d'un satellite ou d'un avion sans intervention humaine », insiste t-il.

Installée à Saint-Aubin-de-Médoc en Gironde, Aerospline conseille les entreprises de l'aéronautique dans l'automatisation et la robotisation de leurs chaînes de production. Son directeur, Maxime Hardouin-Finez, confirme les atouts de l'usine du futur :

« Dans l'aéronautique, la robotique peut multiplier la cadence de production d'une ligne par deux à quatre, autorisant les employés à se concentrer sur des tâches plus complexes et plus enrichissantes.

La première génération d'outils a été expérimentée par les grands constructeurs aéronautiques, qui disposaient d'ingénieurs de haut niveau pour la faire fonctionner. De gros progrès ont été accomplis.

Aujourd'hui, vient la 2e génération qui s'adresse à la supply chain, et qui lui permet aux PME et ETI de garder une avance technologique sur leurs concurrents des pays à bas coût. »

Des diagnostics pour 15.000 entreprises

Reste que si les concepts fleurissent, que les briques technologiques existent pour la plupart, demeure un gros problème : l'investissement en berne, avec un tout petit + 0,3% en 2014 de la part des entreprises françaises après un -0,6% en 2013, selon l'Insee.

Dans cette complexe équation budgétaire qui pèse sur la modernisation des sites de production, les pouvoirs publics auront leur rôle à jouer. L'Aquitaine travaille depuis longtemps sur cette thématique de l'usine du futur. Le tissu économique répond, au point qu'un 3e appel à manifestation d'intérêt, s'adressant aux PME et ETI, vient de s'achever. Il comporte trois phases : diagnostic réalisé par un consultant spécialisé, financé intégralement par le Conseil régional selon la volonté de son président Alain Rousset, accompagnement des plans de progrès, et soutien aux projets de recherche collaborative.

« L'alliance d'entreprises pour l'industrie du futur »

Au plus haut sommet de l'Etat aussi, on semble avoir compris que l'enjeu est majeur. En visite dans le Lot le 14 avril dernier chez Figeac Aero, qui construit un nouveau site ultra-robotisé sur 7.500 m2, François Hollande a présenté « l'alliance d'entreprises pour l'industrie du futur ».

Rassemblant 40 entreprises ainsi que les fédérations industrielles (la FIM, Syntec Numérique, l'AFDEL, le Cetim, l'Institut Mines-Telecom, le CEA, l'UIMM, le Symop et le Gimélec), cette alliance doit permettre à la France de relancer son industrie. Rappelant le retard de la France en matière de robotisation de son système productif (35.000 robots dans ses usines contre 65.000 en Italie, en 2012), François Hollande a fixé un cap pour 2020.

« Nous sommes les meilleurs au monde en impression 3D et nous sommes en pointe sur le numérique. L'industrie française doit être leader pour les composites, l'impression 3D et la réalité augmentée dans 5 ans », a affirmé le président de la République.

Un volet PME-ETI permettra à 15.000 entreprises de réaliser des diagnostics grâce à un réseau de 300 experts, 2.000 sociétés bénéficieront des investissements liés à l'usine du futur. En somme, un calque de ce qui est déployé en Aquitaine depuis quelques années. Les crédits proviendront du programme "Investissements d'avenir" et des dispositifs fiscaux récemment annoncés pour booster l'investissement des entreprises. Ministre de l'Economie et de l'Industrie, Emmanuel Macron, affirmait encore au Prix La Tribune des Jeunes entrepreneurs  :

« L'industrie du futur est au cœur de notre politique industrielle. Cette réorganisation de nos filières industrielles constitue la matrice de leur montée en gamme et de leur modernisation. Elle doit nous permettre de rattraper leur retard productif et de gagner la nouvelle bataille de la robotisation avec comme objectifs principaux,  la relocalisation en France de notre production par un plus d'innovation, une qualité augmentée. »

Serait-ce enfin l'heure de la mobilisation générale ?

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Commentaire 1
à écrit le 07/06/2015 à 17:37
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En informatique il y a une technique pour optimiser un algorithme, on se base sur l'évolution darwinienne. Il se pourrait que toute usine du futur se base sur le même principe, on laisse les ordis tourner et nous pondent toute la structure optimisée ...

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