Airbus A380  : la commande salvatrice d'Emirates menacée

Mécontente de la performance des moteurs Rolls Royce qui équipent ses derniers appareils, Emirates n'a pas fait son choix de moteurs pour la commande de 36 nouveaux appareils passée en début d'année. La compagnie n'arrive pas à convaincre les motoristes d'investir dans des améliorations de performance. Une annulation de commande menacerait à nouveau le programme.
Fabrice Gliszczynski

Coup dur pour Airbus. Portant sur 36 exemplaires, dont 20 fermes, la commande d'Emirates qui a sauvé le programme A380 en janvier est aujourd'hui menacée. En cause, le casse-tête à laquelle est confrontée la compagnie de Dubaï pour choisir son motoriste. Selon l'agence Bloomberg, la date butoir pour le choix des moteurs est déjà dépassée, ce qui pourrait reporter à 2020 la livraison du premier appareil, voire menacer l'ensemble du contrat.

Emirates mécontente de Rolls Royce

Après avoir motorisé ses 90 premiers exemplaires de moteurs Engine Alliance, produits par General Electric et Pratt & Whithney, la compagnie du Dubaï s'était tournée vers Rolls Royce, lorsqu'elle s'est engagée sur une commande de 50 appareils supplémentaires en 2015. Mécontente de la performance du moteur britannique, Emirates souhaite, depuis que les négociations ont commencé sur une commande supplémentaire d'A380 il y a plus d'un an, revenir chez Engine Alliance.

Mais sans commande d'A380 depuis des lustres, ce dernier s'est concentré sur d'autres programmes et n'a pas prévu d'investir dans une amélioration de son moteur GP7200. Engine Alliance propose donc à Emirates d'utiliser ses GP7200, qui ont "une consommation de carburant et une durabilité exceptionnelles", a déclaré l'entreprise.

"Nous attendons avec impatience l'annonce d'Emirates, et nous nous concentrons également sur le soutien de leur flotte pour les décennies à venir", a expliqué Engine Alliance.

Un contrat nécessaire pour maintenir le programme

Airbus a besoin de ce contrat avec Emirates pour maintenir le programme A380. En janvier, quelques jours avant la signature de la commande d'Emirates, la direction d'Airbus avait déclaré qu'en l'absence d'une telle commande, le programme s'arrêterait. Sur la centaine d'A380 restant à livrer, 57 est destinée à Emirates. Mais en retirant les 20 exemplaires commandés fermes en janvier dernier, il n'en resterait donc que 37. Parmi l'autre moitié, un certain nombre est réservé à des compagnies dont il est permis de douter qu'elles prendront livraison des appareils. Avec la baisse de la production annoncée (12 en 2018, 9 en 2020, avec la possibilité de passer ensuite à 6 avions) Airbus entend jouer la montre pour non seulement espérer un accord entre Emirates et l'un des deux motoristes, mais aussi pour engranger de nouveaux contrats. Des discussions avec IAG (British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling, Level) sont toujours en cours.

Remise en cause de la stratégie en deux temps d'Airbus pour l'A380

Une annulation de la commande de janvier fragiliserait de facto la stratégie d'Airbus pour l'A380. Celle-ci reposait sur deux phases. Une première passant par la baisse de la production et l'enregistrement de nouvelles commandes dans le but de maintenir en activité la chaîne d'assemblage le plus longtemps possible et d'être en mesure, dans une deuxième phase, de trancher, à partir de la moitié de la prochaine décennie, sur le lancement d'un A380 remotorisé NEO, qu'a longtemps réclamé Emirates. Cette deuxième étape, qui pourrait être combinée à un allongement de l'appareil, pourrait accompagner et relancer un nouveau cycle de ventes, non seulement pour remplacer la flotte d'A380 d'Emirates ou des autres clients de l'appareil, mais aussi pour attirer d'autres compagnies.

Sur le papier, ce scénario idyllique a du plomb dans l'aile. Dans tous les cas, il a plus de chances de tenir si Emirates maintient sa confiance à Rolls Royce. Contrairement à Engine Alliance, le motoriste britannique est celui qui a, en effet, montré jusqu'ici le plus d'intérêt pour continuer l'aventure de l'A380. Le maintien ou pas de Rolls Royce chez Emirates ne sera donc pas neutre pour éventuellement envisager un jour un hypothétique A380 NEO.

Emirates est-elle prise au piège?

La compagnie de Dubaï, dont la stratégie s'est jusqu'ici appuyée sur l'A380, joue gros également. Elle n'a aucun intérêt à un arrêt de la production. Avec les contraintes aéroportuaires qui ne se cessent de s'accroître et le malthusianisme de plusieurs pays en termes d'attribution de droits de trafic, Emirates a besoin pour croître d'un appareil d'une capacité qu'aucun autre avion ne pourra lui apporter, même les plus gros biréacteurs qui se profilent comme le 777-9X (402 sièges dans une configuration de base en trois classes) et peut-être demain le 10X (450 sièges). Bref, une belle partie de poker menteur.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 13
à écrit le 16/10/2018 à 23:28
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Les britanniques sont vraiment des boulets pour l'Europe. Il faut les virer totalement d'Airbus du programme Galileo. Le Brexit n'a rien d'une erreur innocente mais bien le coup de grâce que les british ont voulu donner à l'Euro qui concurrence trop ...

à écrit le 16/10/2018 à 23:10
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Dans un contexte où les émissions de CO2 doivent être réduites, l'A380 est, et sera de plus en plus pertinent à l'avenir car il permettra au secteur du transport aérien de diminuer ses rejets de CO2 par kilomètre et par passager en densifiant ses avi...

à écrit le 16/10/2018 à 23:03
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"Une première passant par la baisse de la production…" Tout est dit... Tom Enders a viré le patron des ventes de l'A380 qui faisait un super boulot. Certains clients potentiels de l'A380 ont bien fait comprendre à Airbus qu'ils en achèteraient si Air...

à écrit le 11/10/2018 à 9:37
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En parlant d'Airbus : Airbus vole aussi bien dans les airs que des places dans les crèches. “Il y a une dizaine de jours, la directrice a informé mon épouse entre deux portes que notre contrat ne serait pas renouvelé après le 10 décembre”, témoign...

à écrit le 11/10/2018 à 6:47
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Un complot américain? Peut-on envisager que la Maison Blanche demande à Engine Alliance de ne pas investir pour couler l'A380?

le 11/10/2018 à 12:59
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sans chercher midi à 14h, les motoristes y compris GE étaient intéressés quand on pensait que ça allait devenir "le nouveau 747". ils n'ont pas cherché à sauver la vache à lait de Boeing en refusant de motoriser l'A.380. Avec 50 avions restant à ...

à écrit le 10/10/2018 à 9:35
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Triste sort pour l'avion le plus confortable pour les passagers de l'histoire de l'aviation commerciale mais de cela les compagnies ne s'en préoccupent guère, ce qui compte c'est d'entasser (en classe économique) le maximum de passager au coût le plu...

à écrit le 10/10/2018 à 9:01
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Si nous avions un pouvoir politique fort, permettant de fournir un "service après vente" efficace ils n'hésiteraient pas, mais quand on voit la puissance de Trump face à la déliquescence de nos dirigeants européens aliénés par la compromission généra...

le 10/10/2018 à 18:09
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Vous oubliez quelques détails : l Europe - la France n ont pas le même poids eco ( le dollar 70% des transactions mondiales dont l aéronautiques) ni le mêlme poids politique ( Europe fédérale peut être un début de solution ...?) ni l egemonie dans l...

à écrit le 10/10/2018 à 8:39
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Et les slots attribués à Émirates , ils sont repris?? Ou ils ont tout gagné ???

à écrit le 10/10/2018 à 8:36
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Qui peut sérieusement croire qu’un quadriréacteur ait encore de l’avenir à l’heure du réchauffement climatique avec l’obligation de faire baisser drastiquement nos émissions de CO2? À plus long terme, le transport aérien de “masse sera même menacé à ...

le 10/10/2018 à 10:39
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Quel est le taux d'émission de CO² par passager dans un A380 comparé à un autre appareil ?? ...parce que si un A380 remplace deux vols...

le 11/10/2018 à 16:13
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Je pense qu'un A380 remplace 1,5 vol mais il a 2 fois plus de réacteur qu'un autre appareil la solution serai un Hybride, avec le savoir faire Toyota 2 réacteur et 2 Moteur électrique alimenté par la rotation des 2 propulseur au kéro... On l’appelle...

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