Arianespace : 2022, annus horribilis

La guerre en Ukraine a contraint Arianespace à réduire drastiquement sa voilure sur le plan opérationnel en 2022. Mais son PDG Stéphane Israël reste optimiste avec l'arrivée d'une nouvelle famille de lanceurs européens (Ariane 6 et Vega C) pour conquérir un marché à nouveau en croissance.
Ariane 6 sera-t-elle la clé du succès commercial d'Arianespace et de l'Europe spatiale ?
Ariane 6 sera-t-elle la clé du succès commercial d'Arianespace et de l'Europe spatiale ? (Crédits : ArianeGroup)

2022, annus horribilis pour Arianespace... La société de commercialisation des systèmes de lancement spatiaux européens (Ariane 5, Vega et Soyuz) est laminée cette année par le souffle de la guerre en Ukraine : le départ des équipes russes opérant Soyuz à partir de la Guyane conjugué à la suspension des lancements de satellites occidentaux en Russie (Baïkonour et Vostotchny) en représailles des sanctions occidentales l'a très fortement pénalisée sur le plan opérationnel. "L'année 2022 ne s'est pas présentée comme on l'aurait imaginé en début d'année", a expliqué la semaine dernière le PDG d'Arianespace, Stéphane Israël en marge du lancement du satellite Konnect VHTS d'Eutelsat. Entre les retards d'Ariane 6, la mauvaise gestion de la transition entre Ariane 5 et Ariane 6 et la guerre en Ukraine, Arianespace, qui n'est pas responsable de la plupart de ces événements, devrait afficher des comptes dans le rouge vif.

"Les choses sont claires : c'est une année d'activité qui est inférieure à ce que nous aurions pu espérer, sachant que la cause massive de cette situation est évidemment le cas de force majeure généré autour du lanceur Soyuz", a constaté Stéphane Israël. "Cette suspension des lancements de Soyuz est intervenue à un moment où Arianespace avait énormément à faire de vols avec le lanceur russe en raison du contrat d'OneWeb et des cinq missions institutionnelles (deux Galileo, EarthCare, Euclid et le satellite espion CSO 3 pour le compte du ministère des Armées, ndlr).

Ainsi, de 15 lancements (quatre Ariane 5, neuf Soyuz, deux Vega/Vega C) prévus début 2022, Arianespace ne devrait finalement en opérer que cinq, dont trois ont déjà été réalisés (deux Ariane 5 et un Soyuz le 3 février quelques jours avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie). En revanche, le tir inaugural de Vega C en juillet était opéré sous la responsabilité de l'Agence spatiale européenne (ESA). Ce sera également le cas pour le vol inaugural d'Ariane 6. D'ici à la fin de l'année, Arianespace doit effectuer deux autres vols : le premier tir commercial de Vega C le 21 novembre (satellites Pléiades 5 et 6) et une Ariane 5 (Meteosat Third Generation et Galaxy 35 et 36). Au final, Arianespace a perdu huit lancements Soyuz (six à Baïkonour et deux au CSG), un lancement Ariane 5 en raison d'un problème de disponibilité des charges utiles, et, enfin, un lancement Vega.

Un marché enfin en croissance ?

En dépit de cette situation "pénible pour Arianespace et évidemment pour ses clients", le PDG d'Arianespace se dit optimiste pour les années à venir avec l'arrivée prochaine (?) d'Ariane 6 conjuguée à la stabilisation de l'exploitation du nouveau lanceur italien Vega C développé et fabriqué par Avio. Pourquoi cet optimisme ? Il repose d'abord sur un carnet de commandes de la société très fourni. "Nous avons l'équivalent de 29 Ariane 6 et 9 Vega/Vega C (dont sept Vega C, ndlr). D'une certaine manière, nous avons déjà fait le job commercialement de notre côté", a estimé Stéphane Israël. Il est vrai que la méga-commande du géant Amazon contribue pleinement à cet optimisme.

"Nous avons décroché cette commande avec Amazon de 18 lanceurs, ce qui est évidemment sans précédent dans l'histoire d'Arianespace. Soyuz avec OneWeb n'est pas du tout dans les mêmes ordres de grandeur", s'est réjoui le patron de la société de commercialisation des systèmes de lancement spatiaux européens .

"Il y a lieu d'être optimiste par rapport aux perspectives de marché", a souligné Stéphane Israël. S'appuyant sur des récentes études, il a estimé que les nouveaux lanceurs Ariane 6 et Vega C allaient arriver sur un marché accessible évalué à trois milliards d'euros par an entre 2020 et 2030. Ce qui offre des perspectives commerciales attractives pour les deux lanceurs européens. Ce marché sera dominé ("jusqu'à 50 %", selon les chiffres avancés par Stéphane Israël) par le lancement des constellations. Soit un marché évalué à 1,5 milliard. Il a également estimé à environ 500 millions d'euros le marché des lancements institutionnels sur lequel l'ESA a promis un socle de quatre Ariane 6 et deux Vega C par an. Enfin, les estimations du marché des services de lancements pour le marché GTO (satellite de télécoms) s'élèverait à environ 500 millions d'euros tandis que celles pour le marché en orbite basse (hors grandes constellations) fléché pour Vega C atteindrait elle-aussi 500 millions.

"Nous sommes sur un marché en croissance en volume mais aussi en valeur. Nous sortons d'années où il a été en décroissance en volume et en valeur avec la chute du marché GTO. Avec les constellations, il est de nouveau en croissance. C'est corroboré aussi par toutes les analyses des banques d'affaires comme Morgan Stanley et d'autres études qui prévoient que le marché pourrait tripler à horizon 2040", a expliqué Stéphane Israël.

Des lanceurs enfin adaptés au marché ?

"Ariane 6 a été pensée pour servir beaucoup plus facilement le marché institutionnel", a assuré Stéphane Israël, qui a également estimé que "ces lanceurs sont parfaitement adaptés pour répondre aux nouvelles mutations du marché". En particulier celui des constellations, qui devraient se montrer dynamique dès cette année. Si Ariane 6 fera moins de lancements doubles qu'Ariane 5, le futur lanceur réalisera beaucoup plus de lancements multiples de constellations, a-t-il affirmé. Pour sa part, Vega C bénéficie par rapport à Vega de 30 % de performance grâce aux nouveaux boosters P120C (communs à Ariane 6) en plus et de 50 % de volume en plus. Vega C pourra postuler à des missions ayant des radars plus lourds.

Arianespace va s'appuyer sur trois nouveaux piliers grâce à sa nouvelle famille de lanceurs tout en continuant à labourer celui du GTO : le pilier des grandes constellations, celui des lancements institutionnels, "dont on espère qu'il sera plus structurant avec deux lanceurs très adaptés qu'il ne l'a été", et puis celui des nouveaux projets en orbite basse (satellites d'observation ou petites constellations) qui émergent. Stéphane Israël confirme que la filière spatiale est entrée "dans l'ère du Big Space". "Nous entrons dans un monde de volumes. Il faut être prudent et que cela se confirme mais c'est vraiment la mutation fondamentale. Nous sommes passés d'un monde où on s'arrachait 20 à 25 satellites de télécoms par an à un monde où il va y avoir de plus en plus de satellites grâce aux constellations", a-t-il analysé. Il n'y a plus qu'à...

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Commentaires 5
à écrit le 12/09/2022 à 19:38
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De mémoire les coûts d'un lancement satellite : 140 à 400 million d'euros pour Ariane 5 90 millions d'euros pour futur Ariane 6 SpaceX 75 millions d'euros et SpaceX auraient la capacité de descendre à 40 millions d'euros ! Seront nous concurren...

le 14/09/2022 à 0:27
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Ne pas confondre prix et coût....Space X surfacture monstrueusement les clients institutionnels US ce qui lui permet de faire du dumping.....rien de nouveau sous le soleil....

à écrit le 12/09/2022 à 19:01
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Bonjour, Ils faut dire que beaucoup d'entreprises n'ons pas vraiment pris en compte la souveraineté.... Donc maintenant les choses ne sont pas simple.... Espérons que cela leur serviras de leçon.... Personnellement, ils me semblent importants d...

à écrit le 12/09/2022 à 14:57
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Ce n'est pas la guerre en Ukraine, mais les décisions politiques européennes qui ont causé du tort à la filière. Inutile de chercher des boucs émissaires ailleurs

à écrit le 12/09/2022 à 14:43
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Un jour, il faudra passer l'aspirateur dans l'espace. Cela devient le capharnaüm au-dessus de nos têtes. Et, dans cet article, pas un mot sur la concurrence avec le lanceur d'Elon Musk.

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