Banque, fonds d'investissement, leasing : une offre privée pour financer la BITD européenne

Après "Socle défense", Fabrice Wolf revient avec un projet plus solide et plus complet. Il s'appuie sur une banque, un fonds d'investissement et une société de leasing déclinée dans la plupart des pays européens pour financer des projets de défense. Une façon de sortir ces dépenses de la dette souveraine.
Michel Cabirol
Et si le Caracal était acheté en leasing par les armées françaises ?

Si le projet semble séduisant et novateur, son succès n'est pas gagné d'avance. Mais Fabrice Wolf est tenace et a vraiment de la suite dans les idées. Il y a un peu plus de deux ans, cet ancien pilote de l'aéronavale, aujourd'hui spécialiste de l'économie de défense, avait lancé le projet "Socle Défense" destiné à financer les équipements grâce à l'épargne populaire. En dépit d'un intérêt et d'une certaine curiosité, notamment en Grèce, son projet n'a pas décollé.

Les esprits n'étaient pas encore mûrs. Le seront-ils aujourd'hui au moment où la dette des États va exploser et où l'industrie aéronautique et de défense, notamment, est balayée et secouée comme jamais par une crise brutale et d'une ampleur inédite provoquée par le virus du Covid-19 ? A voir mais Fabrice Wolf revient avec un projet plus charpenté et plus solide, qui s'appuie en partie sur certaines idées révolutionnaires de "Socle Défense", qui étaient trop clivantes. Les cabinets des ministres européens de la Défense, les états-majors ainsi que le cabinet du commissaire européen Thierry Breton ont été contacté ou vont l'être rapidement.

"Le déploiement du groupe Europa-Défense répond à l'urgence de la situation, explique à La Tribune Fabrice Wolf. Notre offre répond à l'ensemble des problématiques de financement des équipements et technologies de défense pour les états européens comme pour leur tissu industriel".

Un projet plus solide

Pourquoi plus solide ? D'abord, Fabrice Wolf a su séduire plusieurs personnalités et constituer une équipe pluridisciplinaire robuste : Guy Somekh, un centralien spécialiste du financement de l'innovation et président de Dynnovation ; Jean Casanova, expert financier du risque, ancien directeur général adjoint de la Caisse Centrale de Réassurance ; Jacques Chatain, président d'Auriga Ventures, l'un des deux plus anciens fonds de capital-risque français ; e général Jean-Paul Palomeros (2S), ancien Chef d'état-major de l'armée de l'Air française et ancien Supreme Allied Commander Transformation de l'OTAN ; Jérôme Pentecoste, avocat international, spécialiste européen des financements en PPP (Partenariat public privé) ; Jean-Pol Poncelet, ancien ministre de la Défense de Belgique, ancien directeur des nouvelles énergies pour Areva ; et David w. Versailles, économiste et titulaire de la Chaire Newpics Economie de l'innovation à Paris. D'anciens hauts responsables militaires européens devraient également rejoindre l'équipe.

Surtout ce projet, qui s'est matérialisé par la création en juin à Amsterdam de la société Europa-Defense Group (ED Group), va s'appuyer sur trois activités : une banque privée (Europa-Defense Bank) déjà basée au Luxembourg, qui crée une nouvelle activité pour accompagner et soutenir la trésorerie des PME/PMI et des grands groupes de la filière défense ; un fonds d'investissements (Europa-Defense Invest) créé en juin à Paris pour le financement des programmes de Recherche & Développement (R&D) ; et, enfin, une société de leasing (Europa-Defense Lease) pour financer des matériels militaires des armées européennes en leasing sans augmenter la dette souveraine. Cette société de leasing ouvrira cinq agences (Paris, Strasbourg, Bruxelles, Berlin et Rome), qui seront créées entre juin et septembre. En outre, le capital de ces sociétés de leasing seront ouvertes jusqu'à 35 % de leur capital à des acteurs publics afin que les États puissent contrôler les flux financiers. Un triptyque qui semble vertueux (banque, fonds d'investissement, société de leasing) et qui pourrait faire mouche...

Des objectifs modestes au départ

Europa-Defense Group (ED Group) devra faire ses preuves. Fabrice Wolf a déjà payé pour le savoir. C'est pour cela qu'il fixe des "ambitions relativement modestes" pour le décollage du groupe mais "nous sommes prêts à monter très rapidement si le besoin s'en fait sentir", précise-t-il à La Tribune. Lors de la première année pleine (septembre à août), ED Group prévoit un volume financier de 20 millions d'euros pour le fonds d'investissement, de 200 à 250 millions pour la banque et de 750 millions à 1 milliard pour le leasing. Soit un objectif de 1 milliards d'euros de flux. L'objectif de ED Group est d'entamer des démarches commerciales dès juin et de signer les premiers contrats dès septembre.

"Disponibles à partir de septembre 2020, les financements ED Group répondent efficacement à l'urgence créée par la crise Covid-19 pour préserver les capacités militaires mais également l'emploi en Europe", estime Fabrice Wolf. Au total, le groupe, qui a déjà 50 millions de fonds propres pour débuter (avec un objectif de 500 millions à fin 2020), dispose d'une capacité d'investissement initiale de 3,5 milliards d'euros la première année, pouvant croitre au-delà de 10 milliards par an le besoin échéant. ED Group pourra également financer en euros des exportations intra-européens. Pas question non plus d'acheter du matériel américain et de se mettre sous le coup de lois extraterritoriales américaines.

ED Bank, la clé du succès du projet

La clé du projet dépend en grande partie de la capacité de ED Bank à pouvoir financer les projets de financement des industriels de la défense et des armées tout en mobilisant, en parallèle, l'épargne des Européens. Dans son modèle économique, seuls 8% de cette épargne collectée seront destinés au financement des industries de défense européennes et de l'effort de défense européen. Le reste servira de caution, explique Fabrice Wolf. ED Bank financera les projets en allant comme toutes les autres banques sur les marchés financiers. C'est un vrai pari au moment où les banques privées se retirent de plus en plus du financement de projets de défense par manque de courage en raison de la pression exercée par les ONG.

Car ED Bank financera des projets de leasing conçus sous forme de PPP dans chaque pays en vendant des produits d'épargne pays par pays à l'échelle européenne. Ce seront des produits d'épargne à taux fixes annualisés sans engagement de durée avec un rendement moyen égal et supérieur à l'inflation européenne de 0,5% et inférieur à 1,5%. ED Group vise un volume financier initial de 500 millions d'euros, puis 1 milliard sur cinq ans.

A côté de la banque, Europa-Defense Group met en œuvre un fond d'investissement défense spécialisé dans le financement des programmes de recherche et de développement dans les technologies de défense. Le financement est monté en partenariat (25% pour ED Invest, 75% pour les États) avec les instances nationales et européennes, avec la garantie de conserver la technologie développée sur le sol national ou européen. ED Invest "se substitue à l'investissement d'État", signale Fabrice Wolf.

Des chars, des hélicoptères achetés en leasing ?

Les gouvernements, et donc les armées, pourront s'équiper avec des équipements achetés en leasing, via des PPP. Les sociétés nationales de leasing d'ED Group répondront donc à l'ensemble des attentes des forces armées pour le financement des équipements de défense avec pour objectif de ne pas alourdir la dette des États en respectant les critères d'Eurostat : leasing sur 10 ans, faibles taux d'intérêts annuels compatibles avec une programmation à long terme, assurance incluse de 0,3% couvrant jusqu'à 10% d'attrition des matériels sur 10 ans, aucune contrainte d'utilisation ou de déploiement des matériels et, enfin, options de modernisation des matériels en cours de leasing et de gestion de stock des pièces détachées pour les équipements loués sur la durée du leasing.

Résultat, les armées pourront s'offrir en leasing des chars, des hélicoptères, des frégates ainsi que leurs pièces détachées grâce à ED Group. Mais ce sont les États, qui choisiront eux-mêmes les matériels destinés à leurs armées. "Par sa faible empreinte budgétaire et l'absence de contrainte opérationnelle, l'offre leasing de ED Group peut prendre le relais dans un délais très court des financements d'État pour absorber les conséquences de la crise Covid-19 et maintenir, et potentiellement étendre, la trajectoire des programmations de défense européennes en cours, et ce de manière transparente", estime Fabrice Wolf.

Dans le cas d'une acquisition de quatre sous-marins par les Pays-Bas, estimée par ED Group à 3,2 milliards d'euros (soit 800 millions d'euros par navire). ED Group propose un remboursement de 95 millions d'euros par sous-marin et par an, comprenant la R&D (187,5 millions d'euros) et le navire, avec une valeur résiduelle de 20% au bout de 10 ans. Soit un taux d'intérêt de de 2,2% relativement proche de ce que pourrait payer l'État pour financer la dette. Ce financement permettrait également à Amsterdam de financer aussi bien les F-35 via la dette (budget) que les sous-marins via un leasing sans faire exploser la dette. Selon ED Group, cela permettrait enfin de maintenir aux Pays-Bas 9.200 emplois sur sept ans (3.700 emplois industriels, 3.000 emplois de sous-traitance, 2.500 emplois induits) et, in fine dégagerait un solde budgétaire de 2,9 milliards d'euros.

Banque, fonds d'investissement et société de leasing : Fabrice Wolf, bien entouré et solidement "outillé", revient avec du lourd pour financer la BITD et les armées européennes. Un projet intéressant et ambitieux. A regarder de près.

Michel Cabirol

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Commentaires 2
à écrit le 15/06/2020 à 17:37
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Afin que rien ne puisse fonctionner du tout donc... c'est cohérent dans notre UE à l'impuissance politique totale maintenant cela va être un gigantesque gaspillage d'énergies et de ressources matérielles et financières et tout ceci sur cette même sem...

à écrit le 15/06/2020 à 9:59
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Je ne suis pas spécialiste mais cela ressemble quelque part aux fameux METP qui ont fait les beaux jours de certains élus d'Ile de France.En fait cela fini par couter plus cher mais a le mérite comptablement de ne pas apparaitre comme de l'endettemen...

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