Ça plane pour Dassault Aviation ou presque

Dassault Aviation a enregistré des prises de commandes "exceptionnelles" de 16,3 milliards d'euros au premier semestre. Mais l'avionneur rencontre aussi des difficultés sur sa chaîne de fournisseurs.
Michel Cabirol
"On a anticipé le passage à cadence trois du Rafale (trois appareils produits par mois, ndlr), a expliqué Eric Trappier. On n'en a pas totalement besoin aujourd'hui mais on l'a anticipé parce qu'on pense qu'on va avoir d'autres contrats, qui pourraient aller un peu plus vite. Et on espère d'ailleurs avoir des contrats pour la France".

Des prises de commandes exceptionnelles, un marché de l'aviation d'affaires qui redécolle enfin, des perspectives commerciales qui restent très prometteuses... Tout irait pour le mieux pour Dassault Aviation s'il n'y avait pas ces trois grains de sable (différend entre Dassault Aviation et Airbus sur le programme européen SCAF, tensions sévères dans la supply chain et incertitudes sur le contrat Rafale en Indonésie), qui perturbent une des plus belles périodes de la longue histoire de l'avionneur tricolore marquée par une prise de commandes "exceptionnelle", a estimé mercredi le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier lors de la présentation des résultats semestriels de son groupe.

Elles se sont élevées à 16,3 milliards d'euros (86 Rafale et 41 Falcon) au premier semestre 2022 (contre 3,9 milliards sur la même période en 2021), dont 13,9 milliards à l'export pour l'activité défense (85%). Ce qui porte le carnet de commandes à des sommets himalayens à 34,1 milliards d'euros à fin juin (contre 20,8 milliards sur le premier semestre 2021). Soit 247 appareils à livrer (82 Falcon et 165 Rafale, dont 40 pour la France à partir de l'automne 2022). En revanche, le chiffre d'affaires est stable à 3,1 milliards d'euros (14 Falcon et 7 Rafale livrés). Enfin, le résultat net, en nette hausse, a atteint 318 millions d'euros. Soit une marge nette de 10,3% en forte croissance (8,5% au premier semestre 2021).

Reprise des ventes des Falcon et des Rafale

Eric Trappier s'est réjoui de la "reprise" des ventes des avions d'affaires Falcon (41 appareils vendus, contre 25 au premier semestre 2021), qui ont dû traverser ces dernières années de forts vents contraires. "Un chiffre qui est en réalité un petit peu plus élevé que celui-là parce que nous avons annulé des avions en commande pour la Russie en accord avec ces clients", a expliqué le patron de Dassault Aviation. Le marché est très actif, principalement en Europe et aux Etats-Unis, a-t-il précisé. La dynamique commerciale devrait se poursuivre avec l'arrivée en service du 6X en dépit de son retard de six mois - il est attendu mi-2023 - et du 10X, qui devrait arriver sur le marché fin 2025.

Quant au Rafale, il a fait mouche aux Émirats Arabes Unis (80 appareils vendus), en Indonésie (42) et en Grèce (six supplémentaires). Pour autant, si la mise en vigueur des contrats à Abu Dhabi et à Athènes n'a pas posé des problèmes, ce n'est pas encore le cas à Djakarta. Ce qui génère des inquiétudes en France. Pour autant, Dassault Aviation semble croire à la belle étoile du Rafale. "On a anticipé le passage à cadence trois du Rafale (trois appareils produits par mois, ndlr), a expliqué Eric Trappier. On n'en a pas totalement besoin aujourd'hui mais on l'a anticipé parce qu'on pense qu'on va avoir d'autres contrats, qui pourraient aller un peu plus vite. Et on espère d'ailleurs avoir des contrats pour la France". Dassault Aviation attend une commande en 2023 (tranche 5) de la part de la France pour 42 Rafale (30 prévus initialement + 12 en remplacement des avions vendus à la Croatie). A l'export, l'avionneur est confiant en Serbie (12 appareils) notamment mais il mène plusieurs campagnes (Irak, Colombie, Inde...).

Tensions sur la supply chain

Pour le patron de Dassault Aviation, "le plus grand défi, c'est bien la supply chain" (...) dans le contexte du moment". Eric Trappier a fait état d'un "contexte de difficultés de la supply chain et d'un marché de l'emploi tendu et concurrentiel, conséquences de la guerre en Ukraine et de la persistance de l'épidémie de Covid-19". "L'impact de ces deux crises majeures génère des incertitudes sur les approvisionnements d'énergie, de composants électroniques et de matières, entraînant une hausse de l'inflation due à ces pénuries réelles ou potentielles, et une fragilisation de la supply chain devenue un risque majeur amplifié par la montée de nos cadences", a précisé l'avionneur dans un communiqué.

Par ailleurs, sur les composants électroniques, "il existe un risque potentiel lié à la tension Chine-Taiwan", a-t-il souligné. Enfin, l'augmentation du coût de l'énergie risque de faire arrêter des chaines de production, donc d'augmenter la pénurie pour des matières non liées directement aux sources russes et ukrainiennes, a-t-il également précisé.

Différend profond sur le SCAF

Sur le projet de Système de combat aérien futur (SCAF), bloqué par des divergences entre Airbus et Dassault Aviation, Eric Trappier a une nouvelle fois réclamé un "leadership clair". L'accord entre la France, l'Allemagne et l'Espagne prévoit que l'industriel français soit le maître d'oeuvre industriel de l'avion de combat (NGF, Next Generation Fighter), principal pilier du programme SCAF. Mais Dassault Aviation et Airbus s'opposent sur l'esprit même de la coopération, bloquant le démarrage de la phase dite "1B" du programme. "La relation Prime / Main Partner reste à clarifier. Dassault Aviation demande un statement clair d'acceptation de son rôle de maître d'œuvre par Airbus Defence & Space pour le NGF (en symétrie d'Eurodrone)", a rappelé le patron de l'avionneur. La phase 1B prévoit des études détaillées en vue de lancer en 2025 la construction d'un démonstrateur en vol et d'aboutir à un avion de combat qui entrerait en service à l'horizon 2040.

"On demande simplement qu'il y ait bien un respect de cette maîtrise d'oeuvre, reconnue pas simplement pour la phase 1B mais pour aller jusqu'au vol, pour aller un jour livrer des avions à des armées opérationnelles", soit tout au long du programme, a affirmé Eric Trappier.

Interrogé pour savoir à quel moment une décision serait prise pour poursuivre ou pas le programme, Eric Trappier a répondu qu'on "ne peut pas rester le stylo en l'air pendant des années". Il espère une "décision dans les semaines ou un ou deux mois à venir" et une mise en vigueur "d'ici à la fin de l'année" tout en précisant que cela n'avait "rien d'un ultimatum". En attendant une décision d'Airbus, Dassault Aviation travaille "activement" sur un plan B...

Michel Cabirol

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Commentaires 3
à écrit le 22/07/2022 à 7:28
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'Mr Dassault'...second degré?

à écrit le 21/07/2022 à 18:47
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Bonjour, Certe le rafale se vends correctement... Maintenant, Mr Dassault doit trouvé un accord avec airbus et l'Allemagne pour pérenniser le développement de l'avion de demain... Bien sûr ils ne faut pas le dire....

le 21/07/2022 à 20:58
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Un accord avec les Allemands qui ne jurent que par des achats US .... ils achetent des F35 alors qu ils sont dans le programme Eurofigther.. sans parler de se rabaisser acheter des rafales ... c est pas un partenaire fiable du tout . A part recu...

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