Corruption : Airbus solde à nouveau son passé trouble

La justice française a validé un accord permettant à Airbus d'éviter des poursuites pénales dans les enquêtes pour corruption lors de campagnes commerciales en Libye et au Kazakhstan entre 2006 et 2011, contre une amende de 15,9 millions d'euros.
Michel Cabirol
(Crédits : Benoit Tessier)

Airbus solde son passé. Après avoir conclu en janvier 2020 une première convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) avec le procureur de la République financier (PRF) et accepté de payer une amende de plus de 2 milliards d'euros au Trésor public, le groupe européen est parvenu à un accord le 17 novembre avec le PRF une nouvelle CJIP afin de clore d'anciennes affaires de corruption. Sous réserve du paiement de l'amende, la validation de la CJIP entraîne de facto l'extinction de l'action publique à l'égard d'Airbus. Pour un solde de tout compte ?

Le constructeur européen devra s'acquitter d'une amende modeste de 15,85 millions d'euros. Son montant "tient compte de l'amende substantielle déjà versée en 2020 au titre de la première convention", a expliqué le Parquet national financier (PNF) dans un communiqué publié mercredi. il s'agit d'une amende "équitable, juste, adaptée", selon les magistrats du PNF. Le montant de l'amende correspond aux commissions totales versées aux intermédiaires lors de la vente des appareils. Les magistrats du PNF ont relevé à la fois le "caractère répété des agissements corruptifs" d'Airbus dans le passé mais également la "coopération" du groupe lors de l'enquête.

Faits de corruption

Cette CJIP s'inscrit dans la continuité de celle validée en janvier 2020. Elle concerne des campagnes de vente principalement en Libye et au Kazakhstan. Ces faits, issus de  trois informations judiciaires n'avaient pu être intégrés à la CJIP initiale pour des raisons procédurales. "Il s'agit de faits de corruption d'agents publics étrangers et de corruption d'agent public relatifs à des contrats conclus principalement entre 2006 et 2011 et qui portaient sur la vente d'avions commerciaux, d'hélicoptères et de satellites en Libye et au Kazakhstan", a précisé le PNF.

Airbus est beaucoup plus pudique dans son communiqué. Le constructeur évoque des affaires passées ayant eu "recours à des intermédiaires dans les campagnes commerciales antérieures à 2012". Ces faits de corruption ont été révélés à l'occasion de trois informations judiciaires distinctes de l'enquête préliminaire ayant donné lieu à la première CJIP. Ils "s'inscrivent dans le même contexte temporel, la même logique décisionnelle et le même schéma organisationnel et infractionnel, porté par les mêmes personnes physiques au sein d'Airbus que ceux visés par la première CJIP", a détaillé le PNF.

Des contrats signés sous Sarkozy et Chirac

En octobre 2010, EADS (devenu depuis Airbus) signe à l'occasion d'une visite à Paris du président kazakh Noursoultan Nazarbaev un contrat portant sur l'acquisition de 45 hélicoptères EC145, fabriqués par Eurocopter (devenu Airbus Helicopters) pour 300 millions d'euros. Un an auparavant, en octobre 2009, lors d'une visite au Kazakhstan de Nicolas Sarkozy, alors président de la République, qui souhaitait relancer les relations entre la France et le Kazakhstan, EADS signe un contrat portant sur la fourniture EADS de deux satellites d'observations de la Terre pour 220 millions d'euros. Cet accord est complété par la construction d'un centre d'assemblage de satellites au Kazakhstan.

S'agissant de la Libye, EADS a vendu en novembre 2006 à la compagnie Afriqiyah Airways 12 Airbus, des appareils monocouloirs (trois A319 et six A320) et long-courrier (trois A330). Le groupe avait ouvert en août 2005 un bureau à Tripoli, estimant que la Libye constituait alors un véritable partenaire stratégique pour EADS en Afrique. "Je préciserai qu'EADS n'a jamais connu de problèmes de corruption : les interlocuteurs auxquels elle s'adresse affichent leur volonté de conformité avec la convention de l'OCDE. Les autorités libyennes nous ont clairement fait savoir qu'il n'était absolument pas nécessaire de recourir à des intermédiaires. EADS travaille avec les Libyens, pour les Libyens, mais également au bénéfice de l'industrie européenne", avait expliqué au Sénat en 2006 le directeur Afrique d'EADS d'alors, Philippe Bohn.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 01/12/2022 à 10:28
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Faire cracher une entreprise oui, mais les individus ne sont visiblement pas inquiétés. Voilà qui doit en rassurer beaucoup pour l'affaire Alstom

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