"Il y a de l'argent, beaucoup d'argent" pour aider le secteur aéronautique (Jean-Louis Girodolle, Lazard)

Paris Air Forum. L'argent est encore plus le nerf de la guerre pendant cette période inédite provoquée par la crise sanitaire. C'est une question de vie ou de survie pour les industriels de l'aéronautique et de la défense. Alors que les banques lâchent de plus en plus la filière défense pour des raisons éthiques et d'image, la course aux prêts et aux emprunts financiers n'a jamais été aussi concurrentielle dans le monde l'entreprise. Et plus encore pour les start-up, ls PME et les ETI vulnérables. Jean-Louis Girodolle (directeur général de Lazard), Marwan Lahoud (président du directoire du fonds ACE Management), Jean-Louis Thiériot (député LR) et Emmanuel Viellard (directeur général de LISI Group) ont participé à une table-ronde diffusée ce mardi dans le cadre du Paris Air Forum organisé par La Tribune : "Quel accompagnement des banques et des fonds pour les entreprises aérospatiales et de défense françaises?"
Les acteurs en mesure de financer l'économie sont présents, aidés par une politique de taux bas, car la réponse monétaire a été bonne.

Le secteur de l'aéronautique et de la défense française traverse une crise sans précédent par son universalité, qui ne se traduit pas une baisse d'activité, qui atteint 50% pour certains secteurs. Elle est donc beaucoup plus violente que celle de 2001 (25% de baisse d'activité contre 60% en 2020), confirme Emmanuel Viellard, directeur général de Lisi Group, équipementier aéronautique. Pour Marwan Lahoud, président du directoire du fonds Ace Management, il y a eu d'autres crises dans le passé, mais il y a des points positifs dans celle d'aujourd'hui : en premier lieu, le besoin de voyages est toujours là, et on redécouvre pour les entreprises les vertus de la dualité, pour des productions à la fois civiles et de défense.

Beaucoup d'argent peut être mobilisé

Pour Jean-Louis Girodolle, directeur de Lazard et conseil d'entreprises du secteur, cette crise est différente de celle de 2008 car elle n'est pas financière. "Contrairement à d'autres crises, notamment la crise de 2008, nous sommes dans un monde où il y a de l'argent, beaucoup d'argent", estime-t-il. Il y a donc beaucoup d'argent qui peut être mobilisé. Les acteurs en mesure de financer l'économie sont présents, aidés par une politique de taux bas, car la réponse monétaire a été bonne. Il y a un excédent structurel d'épargne qui peut être orienté là où c'est nécessaire.

Mais il faut à tout prix éviter la perte de compétences, comme le souligne Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne et co-rapporteur de la mission parlementaire "flash" relative au rôle de l'industrie de défense dans la politique de relance. Cette défaillance entrainerait aussi une perte de souveraineté. Il regrette d'ailleurs que cette notion n'ait pas été explicitée dans le plan de relance de l'économie, qui n'a fléché que peu de moyens spécifiquement vers les acteurs de la défense.

Secteur de la défense : frilosité des banques ?

Mais après la période d'injection de liquidités massives, un peu anesthésiante, qui a lieu actuellement, il est temps de penser au futur des entreprises. Elles devront être aidées par les acteurs privés du financement à renforcer leurs fonds propres, explique Jean-Louis Girodolle. Marwan Lahoud note que ce besoin a été pris en compte dès le lendemain du premier confinement, et que le fonds d'aide à l'aéronautique s'élève déjà 650 millions d'euros et devrait atteindre le milliard au premier trimestre 2021.

Emmanuel Viellard précise que les 880 millions d'euros injectés dans les entreprises cette année doivent leur permettre de passer le cap, mais il faut désormais penser à une année 2021 difficile et aux investissements à faire en 2022. Il faut également prendre en compte la frilosité des banques à financer les entreprises de défense et les problèmes posés par certains acteurs : le DAX par exemple veut faire sortir de l'indice les entreprises qui font plus de 10% de chiffres d'affaires dans les armements. Ces positions mettent en péril certaines entreprises, souligne Jean-Louis Thiériot. La réduction de moitié des sommes consacrées au fonds européen de défense est d'ailleurs un mauvais signal donné par l'Europe.

Une consolidation dans le cadre européen

Pour aider les entreprises, il ne faut pas se refermer sur soi, soulignent tous les intervenants. Il est nécessaire de permettre des investissements étrangers en France, tout en mettant en place des mesures juridiques de protection qui garantissent la souveraineté des entreprises et de la base industrielle. Ceci permettra de pérenniser le mouvement de consolidation des acteurs du secteur, que la conjonction de la crise et de programmes européens rend plus attractif.

Cette restructuration de la filière devra avoir lieu dans un cadre européen, avec l'émergence de champions industriels. Pour se faire, il sera nécessaire à l'Europe de revoir ses notions de concurrence. Tout le monde a bien compris l'enjeu, notamment en France, ou la structuration de la filière aéronautique autour du GIFAS pourrait, selon Marwan Lahoud, servir de modèle à d'autres filières industrielles.

A moyen terme, une fois que la crise sera finie, les intervenants espèrent voir se concrétiser une filière aéronautique consolidée, constituée de champions européens, qui sera à même d'affronter la concurrence à la fois américaine et chinoise. Elle sera capable de produire un avion décarboné, propre, qui fera de nouveau rêver les ingénieurs et les voyageurs.

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Commentaires 3
à écrit le 25/11/2020 à 12:38
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Au moins on sait qui financera la campagne 2022. Même si nos impôts serviront a son remboursement et que ces entreprises récupérons pas leur investissement après... Dans ce pays les perdants restent les travailleurs...

à écrit le 24/11/2020 à 16:22
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"Le besoin de voyage est toujours là". Certes, mais est il besoin " d'emboucanner" la planète avec des avions pour faire du tourisme de masse dont l'intérêt est...nul!

à écrit le 24/11/2020 à 14:22
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La crise n'a pas pour rôle d'accélérer le déclin ou de faire rebondir le pavillon français mais de le stabiliser suivant les réelles nécessités et non d'alimenter une rente artificiellement construite!

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