Daher se prépare à changer de dimension

La direction de Daher va définir en septembre son prochain plan stratégique. L'équipementier aéronautique veut à nouveau grandir.
Michel Cabirol
Cinq ans après avoir lancé son plan "Performance 2017" pour devenir plus robuste sur les plans industriel, financier et technologique, Daher est à l'heure.

Daher est à nouveau à un moment clé de son histoire où cette ETI centenaire (créée en 1863) va prendre un nouvel envol. C'est en septembre que la direction de ce groupe familial à la fois présent dans l'aéronautique (80% du chiffre d'affaires) et l'énergie va arbitrer sur son prochain plan stratégique. "Nous avons plusieurs pistes de transformation pour le groupe, explique à La Tribune le directeur général de Daher Didier Kayat. Ce qui est très rassurant pour l'avenir. A nous d'arbitrer le moment venu. Et quoiqu'il arrive, nous allons recommencer à grandir". Ce plan sera dévoilé publiquement fin 2017, voire début 2018 après avoir été présenté en octobre au conseil d'administration puis en novembre aux salariés.

1 milliard d'euros de chiffre d'affaires pour la 3e année

Cinq ans après avoir lancé son plan "Performance 2017" pour devenir plus robuste sur les plans industriel, financier et technologique, Daher est à l'heure. "Nous avons atteint tous nos objectifs, assure Didier Kayat. Et nous avons stabilisé l'entreprise au-dessus du milliard de chiffre d'affaires". En 2017, l'équipementier aéronautique, détenu à 80% par la famille Daher, devrait être pour la troisième année consécutive au-dessus du milliard d'euros de chiffre d'affaires, prévient le directeur général de Daher. En 2016, il s'est élevé à 1,05 milliard d'euros (contre 1,04 milliard en 2015).

Pour suivre les cadences infernales des montées en cadence des maîtres d'oeuvre, Daher a dû adapter son organisation industrielle. Il a repris à son compte ce qui se fait de mieux dans l'industrie automobile, chez Toyota au Japon notamment. C'est son plan d'excellence opérationnelle, baptisé SEED, qui est déployé sur l'ensemble de ses sites. Ce qui permet aujourd'hui à Daher d'avoir un OTD (on time delivery, fiabilité des livraisons) chez Airbus supérieur à 99%. Sur le plan financier, Daher est également devenu plus robuste. Du coup, la société a bénéficié d'un prêt de 60 millions d'euros de la Banque européenne d'investissement (BEI) pour la modernisation de ses usines (un plan de 120 millions d'euros d'investissement).

Acteur de la consolidation?

En tout cas, Daher est aujourd'hui prêt à se lancer dans une nouvelle ère. Après avoir repoussé pendant cinq ans environ pratiquement tous les dossiers d'acquisitions proposés par des banques d'affaires venues frapper à la porte de son bureau, Didier Kayat est aujourd'hui prêt à étudier des acquisitions pour faire grandir Daher. Sur les trois dossiers examinés, Daher a réussi à mettre la main sur une nouvelle activité en rachetant Lisi Floor Covering, rebaptisée Daher Floor Covering, une société basée à Colomiers et spécialisée dans les revêtements de sol pour les cabines d'avions commerciaux.

Daher, qui a retrouvé de l'appétit, se pose aujourd'hui beaucoup de questions. Faut-il grandir rapidement? S'internationaliser? Investir beaucoup plus dans la digitalisation? Ou encore diversifier son portefeuille d'activités comme il l'a fait récemment dans les cabines d'avions avec le rachat de Lisi Floor Covering? Bien sûr les décisions seront prises à la fin de l'été. Mais on sent que Daher pourrait mixer toutes ses envies. Ce qui semble sûr, c'est que Daher veut s'internationaliser. Plus question de rester franco-français ou même européen, Daher voit au delà de l'Atlantique. Il pourrait d'ailleurs annoncer un contrat avec un avionneur américain dans les prochaines semaines. L'équipementier, qui a commencé à travailler avec un motoriste sur des élements structuraux liés à l'environnement moteur, souhaiterait également élargir sa gamme de produits à forte valeur ajoutée.

L'aéronautique en crise

Cette performance de Daher intervient au moment où le secteur aéronautique est en crise alors que celui de l'énergie entrevoit enfin de nouvelles perspectives. Ce secteur retrouve enfin un peu de visibilité avec le lancement du projet Hinkley Point avec la construction de deux centrales nucléaires (EPR) en Grande-Bretagne. Ce projet pourrait profiter à Daher. En outre, la direction de la société a remis au carré ses activités dans l'énergie. "Nous ne perdons plus d'argent", confie-t-il. Ce qui démontre d'une manière générale toute la robustesse de l'ETI d'origine marseillaise, qui ne profite pourtant pas encore à plein de la faiblesse du dollar. Daher dispose de couvertures dollar (1,30) jusqu'au début de 2018.

"Dans l'aéronautique, nous sommes dans une dynamique court terme très compliquée, souligne par ailleurs Didier Kayat. 2016 et 2017 sont des années difficiles pour l'industrie aéronautique". C'est vrai que les marchés des hélicoptères, de l'aviation d'affaires et régionale traversent des crises aiguës. Le secteur doit également digérer l'échec commercial de l'A380, dont certains équipementiers ont encore gardé dans leur carnet un stock de commandes irréalisables, et les déboires industriels de l'A400M. La coupe est pleine pour les sous-traitants des grands maîtres d'oeuvre, qui résorbent leurs stocks pour compenser la baisse des cadences. Ce qui commence à faire cauchemarder certains équipementiers.

"Nous nous sommes rendus compte en octobre dernier que Daher allait réaliser en 2017 8% de volume en moins que ce que nous avions imaginé dans nos prévisions", précise de son côté Didier Kayat.

Des facteurs de croissance

Les sous-traitants peuvent néanmoins s'appuyer sur trois facteurs positifs. La montée en cadence de l'A350 - même si elle est difficile avec les déboires de Zodiac entre autres - et le succès de la famille A320, notamment la version remotorisée Neo (livraisons en hausse), efface tout ou partie selon les cas les effets de la crise de plusieurs secteurs de l'industrie aéronautique. Enfin, toute la filière aéronautique française peut bénir la faiblesse du dollar, qui compense aujourd'hui en partie la baisse des volumes.

Dans la logistique, Daher veut y rester. Ce domaine d'activité "restera une de nos grandes priorités, confirme Didier Kayat. C'est dans nos gênes". Le groupe y réalise environ 50% de son chiffre d'affaires. D'ailleurs, le logisticien attend le résultat d'un grand appel d'offres chez un grand acteur du secteur. Un succès pourrait lui faire changer de dimension. Rendez-vous au salon du Bourget.

Les TBM surfent sur la crise

Après avoir livré 55 TBM en 2015, le constructeur de petits avions d'affaires mono-turbopropulseurs a livré 53 TBM 900 et TBM 930 en 2016. Didier Kayat pense que la business unit Avions livrera plus de 50 appareils en 2017 pour la quatrième année consécutive. Hériter de la mythique société Morane-Saulnier, Daher continue donc de se jouer de la crise de l'aviation d'affaires. Pourquoi ? Parce que le TBM, à l'image de ce qu'est la Porsche 911 dans l'automobile, est "un avion mythique, un avion de légende", explique Didier Kayat. C'est l'une des clés de son succès.

Mais ce succès n'aurait pas été au rendez-vous si Daher n'avait pas investi "des dizaines de millions d'euros" pour moderniser cet appareil et lancer "trois nouveaux modèles en cinq ans". Ce que n'avait pas fait EADS (devenu aujourd'hui Airbus) auparavant. Ainsi le TBM 900 lancé en 2014 et le 930 en avril dernier font déjà l'objet d'environ 150 commandes. Ainsi, les deux tiers des livraisons du constructeur tarbais en 2016 ont été des TBM 930, équipés du nouveau système avionique intégrée Garmin G3000 (écran tactile).

"L'innovation a payé sur le marché de l'aviation d'affaires, d'autant plus que le TBM est un avion mythique, estime Didier Kayat. Cet appareil a donc encore 20 à 30 ans à vivre". D'autant que Daher va bénéficier de quelques retombées technologiques du programme de l'avion électrique d'Airbus, l'E-Fan en passe d'être arrêté définitivement. "C'est une énorme source d'apprentissage pour avoir plus d'électricité dans un avion", fait-il valoir. Et puis Daher souhaite rester un constructeur d'avions. Cela lui permet d'avoir une expertise que peu de sous-traitants ont. Une marque de fabrique et un véritable plus quand il faut discuter avec Airbus, Boeing, Dassault, Gulfstream...

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 20/08/2017 à 19:12
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Est ce que quelqu'un peut m'expliquer pourquoi au début de l'article on peut lire que l'aéronautique représente 80% du CA du groupe alors qu'ensuite il est écrit que la logistique représente 50% du CA ?

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