Le président de la République a promis mardi de "tenir le cap" en matière de défense dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, qui définit les budgets annuels des armées sur cette période. "Comptez sur moi, je tiendrai le cap comme je l'ai fait depuis trois ans dans le cadre de la loi de programmation militaire afin que vous puissiez toujours avoir les moyens d'accomplir vos missions aujourd'hui comme demain d'autant qu'en matière de défense, demain, vous le savez, se prépare aujourd'hui", a expliqué la veille du défilé du 14 juillet Emmanuel Macron lors de la traditionnelle allocution présidentielle dans les jardins du ministère des Armées.
En revanche, il a été avare en matière d'annonces, à l'exception du projet d'une nouvelle politique de rémunération des militaires sur laquelle il est attardé. Ce projet, qui a pour objectif de consolider et d'améliorer le système de retraite et celui des rémunérations des militaires, est d'ailleurs inscrit dans la LPM. Emmanuel Macron tient à ce qu'il soit conduit "dans le souci constant de renforcer la condition militaire et l'attractivité du métier des armes dans la société de demain". Ainsi il a donné rendez-vous début décembre au membres du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) à l'Élysée à l'occasion de l'anniversaire des 50 ans de sa session inaugurale.
Budget 2021, un exercice périlleux
"Tenir le cap", c'est peu et à la fois beaucoup. "Quand je me retourne sur les trois années qui viennent de s'écouler, il y a trois ans nous avons fixé les grands objectifs ; il y a deux ans, nous avons signé cette loi (LPM, ndlr) ; l'année dernière vous nous l'avons confirmée, et nous la confirmons encore", a-t-il développé. Mais rien sur 2021, une année où pourtant la construction du budget va être terrible. L'ancien Premier ministre Edouard Philippe l'avait lui-même expliqué le 12 mai dernier à l'Assemblée nationale : "Quelque chose me dit que cela va être un exercice intéressant. Intéressant parce que la situation financière, les enjeux collectifs, pas simplement en matière de défense, mais aussi en matière de santé, en matière d'éducation, en matière d'infrastructures, la nécessité de faire repartir notre économie, notre industrie, nos services, la nécessité de construire notre sécurité demain, tout cela va devoir être tranché dans un cadre profondément impacté par l'absence de recettes d'un côté, et l'augmentation des dépenses de l'autre. C'est une équation qui ne va pas être exactement facile à résoudre et pourtant il va falloir le faire".
La LPM a donc prévu en 2021 un budget de 39,3 milliards (contre 37,6 milliards en 2020), dont 22,3 milliards pour l'agrégat Équipement (contre 20,8 milliards en 2020). Soit une nouvelle marche budgétaire de 1,7 milliard d'euros après celle de 2020. "L'évolution du contexte international que la revue stratégique de 2017 avait dessinée prend forme sous nos yeux, a pourtant rappelé Emmanuel Macron. Je dirais même que le scénario s'accélère. L'Europe fait face au retour des puissances, à la désinhibition des comportements, au recours à la force et l'intimidation tandis que le multilatéralisme est affaibli et que notre allié américain semble s'interroger sur ses objectifs stratégiques. Dans ce contexte, nous devons poursuivre les efforts initiés pour renforcer et moderniser notre outil de défense en gardant comme boussole le temps long de l'histoire afin de préserver la France de mauvaises surprises". Entre le temps long (défense et géopolitique) et le court terme (budget), le président semble avoir tranché. D'autant que la ministre des Armées Florence Parly aurait eu des garanties sur la trajectoire budgétaire de la LPM, assure-t-on à La Tribune. Mais on constatera très rapidement cette ambition dès le budget 2021.
"Ce modèle singulier qui fait notre force, que nous voulons tous préserver et même renforcer car il permet à la France de jouer son rôle, de tenir son rang dans le concert des Nations", a affirmé Emmanuel Macron.
"Continuer à innover"
En revanche, Emmanuel Macron n'a pas concrétisé toutes ses déclarations par des commandes emblématiques, qui auraient pu être anticipées. Notamment concernant le Rafale alors que le milieu bruissait. Il n'a pas non plus dévoilé les caractéristiques majeures du successeur du porte-avions Charles de Gaulle (propulsion nucléaire ou classique). Il s'est contenté d'expliquer que "le chemin que nous avons à suivre, c'est de continuer à innover, à investir dans les technologies de rupture et dans l'intelligence artificielle, c'est de prendre en connaissance de cause les décisions structurantes pour l'avenir et le format de nos armées comme le choix du successeur du porte-avions Charles-de-Gaulle, le renouvellement des composantes de la dissuasion, la définition de l'avion de chasse et du char du futur". Ainsi, l'effort au profit de la dissuasion nucléaire s'élèvera à environ 25 milliards d'euros sur la période 2019-2023 et permettra d'engager le renouvellement des deux composantes.
"Tous ces défis qui vont structurer les prochaines décennies de nos Armées, notre capacité à tenir notre indépendance, notre souveraineté, nous nous sommes mis en capacité de les relever ensemble et nous saurons les relever avec les industriels du secteur de la défense à qui je veux ce soir adresser un message de soutien mais aussi d'exigence", a martelé Emmanuel Macron. "Il appartient aux industriels de défense (...) de tout mettre en œuvre (...) pour tenir les délais et atténuer les impacts de la crise sanitaire sur les cadences de livraison. Il en va de notre sécurité".
Après le plan de soutien à la filière aéronautique, "d'autres actions seront retenues dans le plan de relance que j'ai demandé au gouvernement de préparer", a affirmé le chef d'Etat. On en saura peut-être plus à l'issue du comité ministériel d'investissement (CMI) prévu fin juillet, qui portera notamment sur une commande anticipée ou non de Rafale. Des annonces pourraient être programmées à la rentrée. Absent du plan de soutien à l'aéronautique considéré comme "un plan Airbus", Dassault Aviation est monté au front avec vigueur pour que les 500 entreprises participants au programme Rafale puissent également bénéficier du plan de relance. Un plan qui est d'ailleurs "quasiment prêt", a déclaré dimanche le Premier ministre, Jean Castex.
"A cette nécessité de rupture qui suppose d'anticiper, d'investir, d'innover, s'ajoute un besoin de continuité car construire un outil militaire adapté aux défis du monde qui vient se construit sur le temps long et nécessitent tout à la fois ambition et constance de l'effort", a fait observer Emmanuel Macron.
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